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Résumé de « Travail, la soif de liberté : Comment les start-uppers, slashers, co-workers réinventent le travail » de Denis Pennel : dans ce livre, Denis Pennel, spécialiste et conférencier reconnu du marché du travail, critique le salariat qu’il considère comme obsolète. Il propose et défend avec conviction une forme de travail alternative réconciliant travail et liberté : le libertariat.
Par Denis Pennel, 2017, 264 pages.
Chronique et résumé de « Travail, la soif de liberté : Comment les start-uppers, slashers, co-workers réinventent le travail » de Denis Pennel
Avant-propos – Comment nos enfants travailleront demain
Le futur travail de Diego
Dans l’avant-propos de son livre « Travail, la soif de liberté« , l’auteur, Denis Pennel, imagine à quoi pourrait ressembler le travail pour la génération de son filleul Diego dans un futur proche.
Selon ses projections, Diego, c’est sûr, cumulera plusieurs activités. Il alternera entre travail salarié à temps partiel et projets en freelance. Le salariat ne sera plus une fin en soi tant les entreprises auront une durée de vie éphémère.
Grâce aux outils numériques, Diego organisera librement son temps entre ses différentes activités, qui seront des sources d’épanouissement personnel. Son compte social unique (CSU) comptabilisera l’ensemble de ses jours travaillés, lui ouvrant des droits sociaux.
Le droit du travail aura été simplifié au maximum, laissant place à des accords d’entreprise sur-mesure. Diego bénéficiera d’avantages sociaux négociés par son employeur pour attirer les talents.
Dans ce scénario optimiste, vie privée et vie professionnelle sont étroitement imbriquées.
Le contraste avec les générations précédentes
Finalement, « travailler pour soi » résume la philosophie de cette nouvelle génération en quête de liberté et d’accomplissement dans le travail. Et celle-ci ne ressemble en rien à celle de la génération précédente :
« Diego ne comprend vraiment pas comment ses parents ont pu faire pour travailler jour après jour avec des horaires fixes et dans un même lieu de travail. Il se dit souvent qu’il a de la chance et qu’il aura une meilleure qualité de vie que ses parents, car il a la possibilité de choisir un travail épanouissant et de l’exercer d’une manière adaptée à ses besoins.[…] La vie professionnelle de Diego lui ressemble finalement beaucoup : curieux, créatif, indépendant, souhaitant toujours rencontrer de nouvelles personnes, il s’accomplit vraiment dans l’exercice de ses activités professionnelles. Et ce qu’il a perdu par rapport à ses parents en termes de visibilité à long terme, il l’a plus que compensé par une liberté d’entreprendre et par la possibilité de mener une vie active source de réalisation personnelle. Bref, travailler pour soi !«
Introduction | Libérons le travail sous toutes ses formes !
Le travail étouffe dans un carcan obsolète
L’introduction du livre « Travail, la soif de liberté » commence en posant une question centrale : comment introduire plus de liberté et de démocratie dans le monde du travail ?
« Pauvre fou ! Vouloir introduire de la liberté dans le monde du travail ? Quelle idée… Pourquoi ne pas vouloir aussi introduire du bonheur dans les prisons, du caviar à la cantine ou de la bienveillance dans la vie politique ? Ces deux termes – liberté et travail – ne semblent pas faits pour s’entendre… Quand on parle de travail dans une perspective historique, on pense plutôt à esclavage, servage, exploitation des plus faibles par les plus forts, relation de subordination. Que des termes et concepts opposés à l’idée de démocratie et de liberté dans le monde du travail.«
Denis Pennel revient alors rapidement sur l’histoire du travail pour arriver à un constat sévère : aujourd’hui, le salariat étouffe le travail dans un cadre rigide devenu obsolète, hérité de l’ère industrielle du XXe siècle. En se bureaucratisant, le salariat a tué le travail, réduisant les métiers à de simples fonctions.
« Si celui-ci [le salariat] s’est imposé dans le courant du XXe siècle au sein des économies industrielles pour devenir la forme générale d’emploi et le pivot de nos systèmes de protection sociale, le salariat connaît aujourd’hui une crise existentielle, remettant en question le concept de la servitude volontaire. La dictature de l’emploi salarié a pris le travail en otage, réduisant des métiers et des expertises à des fonctions bureaucratisées et à des postes standardisés.«
Le salariat, une forme d’emploi dépassée
L’auteur poursuit en montrant comment le salariat souffre aujourd’hui d’un manque criant de démocratie et d’un carcan juridique sclérosant. Les rapports de force entre capital et travail n’ont jamais été aussi défavorables aux salariés, indique l’auteur.
Alors que le travail a muté – celui-ci est devenu collaboratif, flexible, nomade – le salariat, lui, n’a pas évolué, bloqué dans une vision monolithique du CDI à temps plein. Résultat : « bore out » et « burn out » des salariés, perte de sens et désengagement. Aujourd’hui, seuls 11 % des individus se déclarent engagés dans leur travail.
« Le salariat a quitté sa zone de confort pour se voir remis en question de tous côtés » déclare l’auteur. Dépassé par ses propres déclinaisons atypiques, il ne répond plus aux aspirations contemporaines.
« Dans ses dérives les plus sombres, le salariat est tombé dans ce que certains appellent le « précariat » : une situation faite de travailleurs pauvres ou sous-employés, aux conditions de travail peu reluisantes et aux perspectives d’évolution professionnelle quasi nulles. Une masse de travailleurs déclassés pour qui le travail ne suffit pas à se nourrir et à vivre dignement.«
Face à ce sombre constat, une soif de liberté s’exprime chez les travailleurs. Le salariat ne répond plus aux aspirations à plus d’autonomie, notamment des jeunes générations.
Refonder le travail du XXIe siècle
Pour l’auteur, c’est évident : il est temps de libérer le travail de ses entraves bureaucratiques, et de le réconcilier avec la liberté. Et pour redonner toute sa place à la liberté d’entreprendre et d’innover, une refonte du droit du travail s’impose d’urgence.
Déjà, de nouvelles formes d’emploi hors salariat ont commencé à émerger et à redessiner les frontières du travail : freelancing, makers, auto-entreprenariat, etc.
Mais Denis Pennel appelle à inventer une nouvelle façon de travailler, plus respectueuse de la singularité de chacun.
« Face à cette grosse fatigue du salariat, il est grand temps de planter le nouvel arbre qui portera les fruits d’un travail réconcilié avec la liberté et sera fait pour survivre au monde du XXIe siècle. Une nouvelle façon de travailler, plus libre, plus ouverte, moins asphyxiante, mais aussi plus respectueuse de la nature humaine et de la singularité de chacun, cherche à s’affranchir des scories de l’ère de l’usine. L’individu aspire à plus d’autonomie et à moins d’autorité dans l’exercice de sa vie professionnelle.«
L’auteur poursuit en mettant en évidence le besoin de la population de travailler plus librement :
« N’ayant jamais été aussi bien éduquée et formée, la population active revendique la fin de la servitude volontaire. Émerge un besoin, s’exprime une envie, monte une revendication de libérer le travail, de l’affranchir de son carcan lié à l’emploi, de lui permettre de s’exprimer de toutes forces. Une attente de la part des citoyens s’exprime – pouvoir travailler plus librement – exacerbée chez les jeunes générations. Le nouveau modèle devra concilier liberté, démocratie, agilité, tout en inventant de nouveaux systèmes de protection sociale compensant des carrières de plus en plus hachées et accidentées.«
Ni salariat ni précariat : place au libertariat
– Le libertariat : une forme de travail alternative
L’enjeu, selon Denis Pennel, est d’inventer une « troisième voie entre un salariat moribond et la précarité« . Une alternative qui ait pour objectif de réconcilier liberté et travail.
C’est ainsi que l’auteur propose le « libertariat » comme nouvelle forme de travail.
En effet, le libertariat, explique-t-il, est une nouvelle forme de travail qui permet la coexistence du salariat et du travail indépendant, et cela, dans un cadre protecteur des droits fondamentaux.
« Le libertariat, ce n’est pas une libéralisation totale, une vision néolibérale et libertaire du marché du travail ; ce n’est pas la fin des acquis sociaux, ce n’est pas une régression historique, ce n’est pas la victoire du patronat sur les syndicats ou la masse des ouvriers. C’est encore moins une référence au courant libertaire tel qu’on a pu le connaître au XIXe siècle, prônant une liberté absolue fondée sur la négation du principe d’autorité dans l’organisation sociale […]. Non, le libertariat, c’est une adaptation du travail à l’environnement économique et social de notre siècle. C’est une approche progressiste pour répondre aux défis du XXIe siècle.«
– Le libertariat pour répondre aux défis actuels et à venir
Face aux nombreux enjeux récents, plusieurs changements marquants sont apparus. Il y a eu la fin de l’unité de temps et de lieu du travail, la concurrence mondiale entre travailleurs et l’émergence du travail en ligne. Nous observons également une population active vieillissante, la « mobiquité » engendrée par les nouvelles technologies, ainsi qu’une porosité croissante entre salariat et travail indépendant. L’auteur considère le libertariat comme une « approche courageuse et innovante » qui répond aux défis du XXIe siècle :
« Le libertariat, c’est la recherche d’un marché du travail sans domination et sans exploitation, où les individus s’associent et coopèrent librement dans une dynamique de liberté et de respect mutuel tout en bénéficiant d’une protection juridique et sociale garantissant leurs droits fondamentaux.«
En somme, pour Denis Pennel, le salariat doit redevenir un choix, et non une contrainte par défaut.
Dans le même temps, le libertariat garantit la sécurité des personnes :
« Le libertariat, c’est une révolution de notre protection sociale tant dans son financement que dans ses modalités de distribution et de répartition.«
Le travail devient collaboratif, agile et autonome. Malgré la persistance du mythe du CDI protecteur, le travail réinvente ses règles et s’adapte aux aspirations des travailleurs.
« Chaque période économique a connu son modèle dominant de contractualisation du travail (esclavage, servage, féodalisme, travail indépendant puis salariat). […] Le libertariat constitue la prochaine étape.«
Accompagner le changement
Denis Pennel termine en appelant à de nombreuses réformes pour démocratiser l’accès au travail et redonner plus d’autonomie aux individus.
Selon lui, il est essentiel d’adopter une approche moderne et inclusive du travail.
Voici les principaux axes d’action qu’il propose :
- L’accessibilité pour tous : faire cohabiter différentes formes de travail, que ce soit en tant que salarié ou indépendant.
- La modernisation du cadre légal : remplacer le Code du travail actuel par un « Droit de l’Actif », englobant tous les travailleurs.
- La sécurité universelle : assurer une sécurité d’emploi adaptée à l’ensemble du marché, indépendamment du type de contrat ou de l’employeur.
- La valorisation de l’humain : mettre en place une « écologie humaine » pour donner une dimension plus humaine aux environnements professionnels.
- Un revenu universel : proposer un revenu de base pour tous, déliant ainsi les revenus de la nature du travail.
- Plus de soutien à la flexibilité : promouvoir des espaces collectifs adaptés à un monde du travail de plus en plus flexible et fragmenté.
- L’intégration du numérique : accueillir les plateformes numériques tout en régulant leurs opérations.
- Plus de démocratie en entreprise : revoir la distribution des pouvoirs en entreprise pour y instaurer une démocratie plus présente.
PREMIÈRE PARTIE – Le travail étouffe aujourd’hui dans un cadre devenu obsolète
Chapitre 1 – La lente marche du travail vers toujours plus de liberté
Dans le premier chapitre de son ouvrage « Travail, la soif de liberté« , Denis Pennel examine l’évolution complexe des rapports entre travail et liberté à travers les âges. Il met en lumière le caractère ambigu de cette relation, faite d’asservissement comme d’émancipation.
1.1 – Les origines du travail empreintes de souffrance
L’auteur commence par rappeler les origines étymologiques peu reluisantes du mot « travail », issu du latin « tripalium » qui désignait un instrument de torture. Cette racine associée à la douleur a durablement marqué notre rapport au « labeur » (terme également tiré du latin « labor », « laboris », qui signifie peine, affliction, malheur).
Ainsi, pendant des siècles, le travail fut assimilé à l’effort, la peine et le tourment, réservé aux classes serviles et à la « bête de somme ».
Même après avoir pris le sens « d’activité productive », de nombreuses scories persistent encore actuellement de son « lourd passé fait de sang et de sueur ». On le voit aujourd’hui à travers des questions autour de la pénibilité, de la reconnaissance des maladies professionnelles, du harcèlement, stress au travail, etc.
« Cette vision originelle et historique a plombé notre relation au travail. L’oisiveté étant la mère de tous les vices, le travail est devenu source de vertu. […] On se situe à mille lieues d’un travail qui rime avec liberté créatrice, bonheur et permettant la réalisation de soi !«
1.2 – Le travail, un outil d’asservissement
Denis Pennel montre ensuite comment le travail a aussi été utilisé comme un instrument d’asservissement. Il relate comment l’histoire du travail est un lent cheminement vers davantage de liberté, de l’esclavage à la féodalité, puis du servage des paysans à l’émancipation relative des artisans et compagnons.
L’auteur explique comment les régimes totalitaires du 20ème siècle notamment, ont développé « la vision que c’est en exerçant un travail que l’homme non seulement survit à ses besoins vitaux mais qu’il s’accomplit !«
Les mots cyniques « Arbeit macht frei » (« le travail rend libre ») surplombant l’entrée des camps nazis en sont l’illustration ultime. De même que le travail forcé qui devait mener à la libération de l’homme nouveau dans les goulags soviétiques, dans les camps de rééducation par le travail sous la Chine de Mao, le Cambodge de Pol Pot ou encore la Corée du Nord de la dynastie des Kim.
Denis Pennel revient ensuite sur de nombreux sujets. Il parle de la rééducation par le travail très prégnante dans nos sociétés, le travail carcéral… Il nous remémore aussi l’existence de dispositifs coercitifs : le « livret ouvrier » au 19ème siècle en France, par exemple, qui visait à priver les travailleurs de toute liberté.
1.3 – Des fractures récentes mais profondes : la fin du travail ?
Récemment, une idée a commencé à émerger. Cette idée est la suivante : en réduisant ce temps contraint qu’est le temps de travail, l’individu pourra s’émanciper.
Certains penseurs parlent même de « la fin de la civilisation du travail » comme l’illustrent les paroles du philosophe André Gorz :
« Nous sortons de la civilisation du travail, mais nous en sortons à reculons, et nous entrons à reculons dans une civilisation du temps libéré […]. Le travail n’est plus le principal ciment social, ni le principal facteur de socialisation, ni l’occupation principale de chacun, ni la principale source de richesse et de bien-être, ni le sens et le centre de nos vies.«
Pour l’auteur :
« Certes, le travail occupe une place moindre dans nos vies, mais au regard du désarroi vécu par nombre de chômeurs, le constat doit être considérablement nuancé : notre vie professionnelle continue de nous positionner socialement, de créer du lien social et de subvenir à nos besoins. La fin du travail n’est donc pas pour demain, et notre épanouissement personnel passera encore par une activité professionnelle, certes plus diversifiée dans sa forme et son contenu, mais toujours aussi indispensable à notre insertion dans la société.«
1.4 – Ou une possible émancipation du travail ?
Denis Pennel souligne qu’une conception plus positive s’est développée parallèlement. Celle-ci considère que le travail peut aussi être un vecteur d’accomplissement et de libération.
En effet, dès le 18ème siècle, des voix se sont élevées pour revendiquer la « liberté » dans le travail. L’auteur constate que cette quête de liberté passe aujourd’hui par une recherche d’épanouissement et de bonheur au travail. Et c’est cette vision que l’auteur de « Travail, la soif de liberté » souhaite favoriser dans cet ouvrage. Parce qu’elle répond, précise-t-il, à la tendance croissante du marché du travail :
« Parce que les jeunes générations ne veulent plus être enfermées dans un cadre contraint et improductif, parce que le travail devient de plus en plus synonyme d’accomplissement de soi et doit faire rimer passion et activité professionnelle, la relation de subordination au travail a perdu de sa superbe ! Plus question de perdre sa vie à la gagner ! Plus question de se satisfaire d’un boulot alimentaire et d’attendre sa retraite pour profiter de la vie ! Plutôt démissionner que de devoir subir les affres d’un supérieur hiérarchique borné. Plutôt créer son entreprise et se mettre à son compte que de devoir rendre des comptes à un petit chef incompétent. Refus de l’autorité, individualisation des conditions de travail, autonomie croissante, revenus de moins en moins déconnectés du travail : notre attitude par rapport au travail a radicalement changé depuis ces dernières années.
Finalement :
« Aujourd’hui, l’aspiration à être soi au travail, à travailler pour soi résonne comme une douce musique aux oreilles des travailleurs, qui sont bercés des concepts d’entreprise libérée, de bonheur au travail, d’épanouissement individuel… »
L’auteur nuance cependant cette aspiration, réservée selon lui à une frange privilégiée d’actifs.
1.5 – Le bonheur au travail
Ainsi, poursuit l’auteur, le monde professionnel a évolué. Il place le bonheur au travail au centre des discussions.
Il y a 20 ans, nous nous intéressions aux conditions de travail. Aujourd’hui, l’accent est mis sur la qualité de vie au travail (QVT), l’équilibre entre vie professionnelle et privée, et l’importance du bien-être. Les médias célèbrent les start-ups prônant le bonheur au travail. De nombreux ouvrages sur ce thème ont aussi vu le jour.
Toutefois, pour Denis Pennel, force est de constater que malgré une aspiration universelle à un travail épanouissant, pour beaucoup, le travail demeure une contrainte.
« Nous aspirons tous à un travail librement consenti et épanouissant. Certains sont plus équipés pour y arriver, ou plus enclins à y parvenir : diplômés de grandes écoles, artistes, entrepreneurs, gens aisés qui peuvent choisir leur travail… Mais, pour de nombreux salariés, le travail reste une obligation, un mal nécessaire pour gagner sa vie. Tous les travailleurs n’ont pas le choix de leur emploi, de leurs objectifs, de leur chef, de leur environnement, de leur rythme de travail…«
La véritable liberté au travail se réalisera quand chaque salarié trouvera du plaisir dans ce qu’il fait.
1.6 – Vers une réinvention du travail
– Libérer le travail : la nécessité à l’ère digitale de se réapproprier ses conditions de travail
En conclusion, l’essayiste appelle à « libérer le travail« , à le réinventer pour réconcilier liberté et sécurité. Selon lui, l’enjeu est de redonner aux individus la maîtrise de leurs conditions de travail.
« Qui aurait pu, il y a dix ans, louer une chambre de son appartement ou de sa maison, se faire rémunérer pour tondre l’herbe du jardin de son voisin, conduire une personne inconnue moyennant compensation ? Des millions d’individus ont désormais accès au marché, ce qui était autrefois impossible pour des raisons logistiques et des coûts de transaction trop élevés. Ces nouveaux travailleurs qu’on ne peut plus qualifier de salariés ont repris possession de leur outil de production que le salariat leur avait confisqué), de leur temps de travail (que le salariat leur avait subordonné) et de leur lieu de travail (que le salariat leur avait imposé). Ce à quoi nous assistons est une volonté de réappropriation des conditions de travail ! L’individu veut regagner son autonomie au travail, sa liberté, sa dignité, et mettre fin à des situations de rente héritées du siècle passé.«
– Les nouveaux actifs en quête de liberté
C’est le combat des nouveaux actifs, ajoute l’auteur. Slashers, coworkers, start-upers défendent la réconciliation du travail et de la liberté. Et ceci passe, selon lui, par le libertariat (une notion largement abordée plus loin dans ce résumé) :
« Ces actifs d’un nouveau genre, jeunes et moins jeunes, veulent tout, et ils ont raison ! L’accomplissement personnel à travers le travail, la possibilité de choisir leur façon de travailler, de la liberté dans l’organisation de leurs activités professionnelles mais tout en se voyant proposer une certaine stabilité. Du salariat, mais sans les contraintes ; de la liberté sans la subordination ; des responsabilités sans les lourdeurs bureaucratiques et managériales.«
Ainsi, pour libérer le travail, Denis Pennel évoque diverses pistes prometteuses. Il parle, par exemple, de l’entreprise libérée et ses modes de management collaboratifs. Ou encore de l’essor de l’entreprenariat et du travail indépendant. L’objectif étant de sortir le travail de ses carcans hérités du passé et de « réconcilier des contraires : « sécurité et agilité, choix et stabilité, liberté et sécurité, individualisme et collectif » écrit l’auteur.
Chapitre 2 – Salariat, forme ultime d’aliénation ? Et si Marx avait finalement raison…
Dans le deuxième chapitre de « Travail, la soif de liberté« , Denis Pennel présente une critique argumentée du salariat.
Il remet en cause l’idée répandue que cette forme d’emploi représenterait l’aboutissement de la marche du travail vers la liberté. Il montre au contraire que le salariat peut s’avérer une forme d’emploi liberticide.
2.1 – Le salariat vu par Marx : exploitation des travailleurs et aliénation
L’auteur commence par rappeler ce que Marx voyait dans le salariat. À savoir : un rapport fondamentalement inégal et exploiteur, où le travailleur est dépossédé des moyens de production. Où il doit se contenter d’une partie du fruit de son travail, l’autre partie allant au profit du capitaliste qui s’enrichit sur son dos.
Selon Marx, le salariat entraîne une perte de soi et une aliénation du travailleur, qui ne s’accomplit plus dans son travail. Marx prônait donc l’abolition du salariat. Car seule cette abolition permettrait l’émancipation de la classe ouvrière, selon lui.
2.2 – Le salariat, d’abord limité et difficile, puis domestiqué et protecteur
– Le salariat, une forme d’emploi limitée à l’ère industrielle
Denis Pennel rappelle ensuite que le salariat n’a été qu’une forme d’emploi parmi d’autres au cours de l’histoire humaine, cantonnée aux sociétés industrielles à partir du 19ème siècle. Le salariat comme norme prédominante est donc une parenthèse assez récente et une exception géographique, limitée aux pays développés.
« Le travail ne peut ni ne doit être réduit à la forme historique particulière qu’il a prise dans les sociétés industrielles depuis le XIXe siècle, c’est-à-dire l’emploi salarié à plein temps. […] La forme salariée n’est qu’un moment de la longue histoire du travail.«
En effet, pour l’auteur, le salariat, adapté à la société industrielle et stable du XXe siècle, est devenu obsolète face aux exigences de flexibilité et d’adaptabilité de l’économie numérique. La relation de subordination ne convient plus, aujourd’hui, à une main d’œuvre qualifiée et revendiquant plus d’autonomie. En somme, le salariat étouffe le travail.
– Les premiers pas difficiles du salariat
L’auteur retrace aussi ici l’histoire du salariat.
Il explique que le salariat était, à ses débuts, perçu comme une déchéance et un déracinement par rapport aux formes d’emploi antérieures (artisanat, commerce, travail agricole…). Ainsi, les gens se méfiaient du salariat. Et les conditions de travail étaient extrêmement dures pour les premiers salariés.
Cependant, porté par l’essor de l’industrie de masse, le salariat s’est finalement imposé au 20ème siècle comme la norme d’emploi dans les pays développés.
– Le salariat domestiqué : une victoire sociale et syndicale
« C’est au cours de la seconde moitié du XXe siècle que le salariat s’est imposé comme la norme, dans une période de plein-emploi, au sein d’une économie axée sur la production industrielle, de masse, comptant des syndicats puissants.«
Ainsi, grâce aux luttes sociales et syndicales, il a été « domestiqué« , devenant plus protecteur pour les travailleurs.
Le statut de salarié est progressivement devenu le vecteur d’une « propriété sociale » accordant droits sociaux, protections sociales aux salariés, retraites… Et cela a permis de « pacifier » les antagonismes de classe liés au salariat.
2.3 – La fin de l’âge d’or du salariat
Selon l’auteur du livre « Travail, la soif de liberté« , ce « compromis social-démocrate » autour du salariat protecteur est remis en cause aujourd’hui. Le salariat procure moins d’avantages et de sécurité aux travailleurs, tandis que le chômage et la précarité augmentent.
« Le salariat, conçu au départ comme un système de redistribution de revenus, de droits et protections, a perdu nombre de ses avantages : la hausse des cotisations sociales s’accompagne d’une baisse des prestations sociales (retraites, Sécurité sociale, indemnités chômage). La répartition des profits se fait de plus en plus en faveur des actionnaires, au détriment des travailleurs. Les carrières ne sont plus ascensionnelles, la rémunération ne suit plus l’ancienneté. Le financement du régime de la protection sociale et des retraites n’est plus assuré sur le long terme. La France est le deuxième pays européens où les charges sociales sont les plus élevées sur les salaires, alors que le niveau de remboursement des soins de santé et le montant des retraites ne cesse de baisser.«
Par ailleurs, le salariat bureaucratique ne correspond plus aux aspirations des travailleurs en quête d’épanouissement et de sens.
Denis Pennel pointe ici ses dérives actuelles sources de souffrance : burn out, bore out, perte de sens, montée de la « médiocratie »… Dans ses excès technocratiques, le salariat bureaucratisé a tué l’initiative et l’épanouissement au travail, l’intelligence et le sens du travail, explique l’auteur.
2.4 – Vers de nouvelles formes d’organisation du travail
L’auteur conclut en proposant d’inventer de nouvelles formes d’organisation du travail : entrepreneuriat, management collaboratif, entreprise libérée… Celles-ci doivent redonner aux individus la maîtrise de leurs conditions de travail. Il faudrait, termine-t-il, développer une véritable « écologie humaine » dans le monde professionnel, en replaçant l’humain au cœur de l’organisation du travail.
« C’est une forme d’écologie humaine au travail qu’il faut introduire : tout comme l’écologie de la nature doit entendre le cri de la planète, celle du travail doit écouter le cri des hommes ! Meilleur respect du collaborateur, gestion responsable des ressources humaines, empathie bienveillante, management équitable et collaboratif, adaptation des conditions de travail aux choix et contraintes de chacun, mise en place d’une économie circulaire des travailleurs visant à favoriser le maintien de leur employabilité à travers de la formation tout au long de la vie : ces pratiques contribueront à mieux prendre en compte la singularité de chacun dans l’univers professionnel et son développement personnel. Car l’individu au travail est de plus en plus dans l’être plutôt que dans le faire…«
Chapitre 3 – La dictature de l’emploi a pris le travail en otage
Dans ce troisième chapitre du livre « Travail, la soif de liberté« , Denis Pennel dénonce la dictature de l’emploi qui a réduit le travail à sa seule dimension salariée.
3.1 – La dictature de l’emploi sur le travail
Selon l’auteur, au XXe siècle, travail et emploi ont été réduits à une seule et même notion, celle du salariat. Cette fusion a fini par étouffer le travail, qui a été réduit à un simple statut juridique.
Il se trouve qu’aujourd’hui, travail et emploi ne coïncident plus. « Travailler, c’est autre chose que d’avoir un emploi » précise l’auteur. C’est quelque chose de bien plus grand.
Le travail déborde largement du cadre de « l’emploi », notamment avec la montée du travail indépendant et des nouvelles formes d’activités.
Et finalement, en étant encadré et contraint dans cette forme unique d’emploi salarial (99 % du Code du travail porte sur le salariat), le travail a perdu sa dimension d’accomplissement et d’épanouissement personnel. L’auteur dénonce ici l’inflation législative en France qui a cherché à tout encadrer et réglementer, étouffant les initiatives.
En somme, pour Denis Pennel, en statufiant le travail, on l’a finalement tué.
3.2 – Vers un droit du travail élargi et de nouvelles formes de travail
L’individu veut désormais choisir librement les conditions de son travail. L’épanouissement personnel devient aussi important que la dimension instrumentale du travail. D’où l’attrait croissant pour le travail indépendant, offrant plus d’autonomie et de liberté.
« La remontée actuelle du travail indépendant et des nouvelles formes d’emploi représente une illustration de cette volonté de retourner à un découplage entre travail et emploi.«
Aussi, avec de plus en plus de salariés qui travaillent au forfait, et dont les performances sont évaluées uniquement au résultat obtenu, nous assistons à « l’émergence d’une classe de « salariés sans patron », pour laquelle la notion de subordination juridique ne veut plus dire grand-chose ». Les frontières entre salariat et indépendance se brouillent, comme l’illustrent le portage salarial ou les coopératives d’activité et d’emploi.
L’auteur de « Travail, la soif de liberté » appelle aussi à faire évoluer le droit du travail, trop centré sur le salariat. Il faudrait bâtir un « droit de l’actif » couvrant tous les travailleurs, sur la base de principes fondamentaux universels, propose l’auteur.
3.3 – Le travail se diversifie et devient polymorphe
– La transformation du salariat
L’auteur du livre « Travail, la soif de liberté » récapitule :
- Le travail n’a plus d’unité de temps, de lieu, ni d’action.
- Les nouvelles organisations de production ont fait éclater le salariat traditionnel au profit de contrats plus flexibles et du travail indépendant.
- Le travail s’organise désormais par missions et projets temporaires.
- Le célèbre CDI à temps plein ne concerne plus que 34 % des salariés.
– L’hybridation des relations professionnelles
Alors, va-t-on vers la fin de l’empire salarial ?, interroge l’auteur.
Non. Le salariat ne disparaîtra pas. Par contre, il ne sera plus la norme unique. À présent, d’autres formes de travail émergent, brouillant la frontière entre salariat et indépendance.
« Le salariat ne disparaîtra pas totalement, mais une part croissante du travail s’effectuera sous la forme d’une relation contractuelle et commerciale. Ce qui est clair, c’est que emploi et travail se recouperont de moins en moins et que l’on va assister à une hybridation de la relation de travail entre travail subordonné et travail indépendant. […] Plus que jamais, le travail a acquis une dimension polysémique et polymorphique ! Coexistent une multitude de contrats de travail salarié, des travailleurs indépendants, du travail en ligne, des prestations de services effectuées via des plates-formes (Uber ou Airbnb).«
Cette hybridation des relations professionnelles prend différentes formes :
- La pluriactivité : c’est le fait de combiner une activité salariée avec une activité indépendante.
- Des salariés multi-employeurs : des individus travaillant pour plusieurs entreprises.
- Les modèles proches du salariat : comme le portage salarial ou les CAE, ils mêlent aspects du salariat et de l’indépendance.
- Les salariés autonomes : ceux qui, bien que salariés, jouissent d’une grande liberté dans l’organisation de leur travail, par exemple via le télétravail.
- Autres cas ambigus : certaines situations, comme celles des agents commerciaux, semblent indépendantes mais présentent des traits de subordination.
– Vers un nouveau cadre légal
En résumé, la norme d’emploi évolue, diversifie et superpose ses formes au fil du temps.
Il faut donc faire évoluer le droit du travail vers un « Droit de l’Actif ». Ce dernier doit couvrir, non plus seulement les salariés, mais toutes les formes d’activité professionnelle, tous les travailleurs, quels que soient leur statut professionnel.
3.4 – Passer du « Droit du Travail » au « Droit de l’Actif »
L’auteur énonce alors 15 principes fondamentaux comme socle de droits inaliénables dont tout actif devrait bénéficier.
L’objectif : simplifier le Code du travail pour l’adapter à la diversité du travail au XXIe siècle. Cette approche, stipule l’auteur, modernise la distinction traditionnelle entre salariés et indépendants.
Ce Droit de l’actif est fondé sur les conventions de l’Organisation internationale du travail et les directives européennes. Il concerne toute personne exerçant une activité, allant au-delà de la simple notion d’emploi.
Voici les 15 principes mentionnés :
- Droit au travail et à un revenu de base universel.
- Interdiction du travail forcé et du travail des enfants de moins de 16 ans.
- Rémunération équitable et protection sociale.
- Absence de discrimination basée sur divers critères (race, sexe, religion…).
- Liberté d’association et droit de fonder des syndicats.
- Possibilité de mouvements de contestation collectifs.
- Reconnaissance du droit de négociation collective.
- Formation et exécution de bonne foi des relations de travail.
- Mise à disposition des moyens pour effectuer son travail.
- Obligation d’informer en cas de rupture de contrat.
- Garantie de santé et sécurité au travail.
- Respect de la dignité et vie privée lors des évaluations.
- Limitation du temps de travail à 270 jours/an.
- Droit à un jour de repos hebdomadaire.
- Droit de déconnexion en dehors du temps de travail.
DEUXIÈME PARTIE – Le travail brise ses chaînes
Chapitre 4 – La guerre d’indépendance (du travail) a commencé !
Dans ce quatrième chapitre de « Travail, la soif de liberté« , Denis Pennel analyse en profondeur le renouveau du travail indépendant. Il perçoit cette tendance comme le signe d’une aspiration croissante à plus de liberté dans le travail. Selon lui, elle marque l’orée d’une nouvelle ère du travail.
4.1 – Le renouveau du travail indépendant : une croissance inédite, le choix de la liberté
L’auteur commence par souligner qu’après des décennies de recul, le travail indépendant a renoué avec la croissance. Cette progression a démarré au début des années 2000. Elle s’est amorcé à la fois en France mais aussi dans de nombreux autres pays. Elle traduit, selon Denis Pennel, une quête de liberté de la part des actifs ainsi qu’un rejet des rigidités et des contraintes bureaucratiques du salariat moderne. En effet, le statut d’indépendant offrirait davantage d’autonomie dans le travail et permettrait de choisir librement ses conditions d’exercice.
En France, le nombre de travailleurs indépendants à titre principal ou complémentaire était de 2,8 millions en 2011. Entre 2006 et 2011, les effectifs des non-salariés ont progressé de 26 % hors agriculture, soit +550 000 personnes.
« Cette évolution répond aussi clairement à un désir de se détacher des liens du salariat et de sa relation de subordination. C’est la fin de la servitude volontaire, le refus d’un cadre de travail trop rigide, le rejet d’un management coercitif et d’un reporting de tous les instants.«
4.2 – Ce qui favorise le travail indépendant
L’essayiste relie ce renouveau du travail indépendant à l’avènement de nouveaux modes de production développés par les entreprises. C’est-à-dire des modes de production plus flexibles et éclatés.
Ainsi, des entreprises sous-traitent et externalisent des pans entiers de leur activité pour gagner en agilité et en compétitivité.
« Le travail est désormais expulsé hors de l’entreprise : consultants externes, indépendants, auto-entrepreneurs » analyse Martin Richer.
Par ailleurs, pour l’auteur, la création du statut d’auto-entrepreneur en 2008 a largement contribué à ce renouveau, car elle a simplifié les démarches pour créer son entreprise.
Enfin, la révolution numérique, l’internet et nouvelles technologies ont également abaissé les barrières à l’entrepreneuriat. Elles ont facilité l’accès aux outils de production et au savoir, et ont réduit le capital nécessaire pour se lancer.
En 2015, 50 % des jeunes Français de 18 à 24 ans déclarent avoir envie de créer leur propre entreprise.
L’impression 3D, par exemple, démocratise la production et la fabrication artisanale à la demande. On peut désormais concevoir des produits personnalisés en petites séries à un coût abordable.
4.3 – Les nouveaux modes de travail impulsés par les entreprises qui se fragmentent et externalisent
Selon Denis Pennel, l’entreprise de demain sera de plus en plus « éclatée » ou « étendue ». Elle aura des frontières plus poreuses.
Nous l’avons vu, le travail est déjà largement réalisé en dehors des murs de l’organisation. Les entreprises externalisent auprès d’auto-entrepreneurs, des consultants ou des prestataires indépendants. Pourquoi ? Parce que le recours à des travailleurs free-lance présente de nombreux avantages pour l’entreprise : processus de recrutement plus simples et rapides, regard neuf et innovant, avantages en termes de coûts, livraison d’un produit fini sans compter ses heures….
Cette fragmentation des processus de production, combinée à l’éclatement des chaînes de valeur, explique en grande partie la montée en puissance des formes d’emploi atypiques et du travail indépendant, en dehors du cadre traditionnel du salariat.
Aussi, cette segmentation du travail et cette grande adaptabilité des statuts aboutissent à la fois à une commercialisation d’activités jadis gratuites (réseaux sociaux), tout en décommercialisant certains services (covoiturage, encyclopédies participatives).
4.4 – Bâtir une protection sociale détachée de l’emploi
Ces évolutions dessinent les contours d’un nouveau modèle social du travail : un modèle permettant plus de liberté dans le travail tout en préservant un filet de sécurité pour tous les actifs.
Pour cela, l’auteur appelle à construire une nouvelle sécurité professionnelle attachée à la personne et non au poste. Autrement dit, une protection sociale à l’échelle du marché du travail dans son ensemble, et non plus seulement attachée à un emploi spécifique ou à une entreprise.
Il préconise ainsi de généraliser un compte social personnel unique, regroupant l’ensemble des droits sociaux acquis ainsi que toutes les activités, qu’elles soient salariées ou indépendantes.
Car :
« Il est quand même paradoxal, aujourd’hui, que ce soient les actifs qui prennent le plus de risques (ceux qui créent leur entreprise ou qui se mettent à leur compte) qui soient les moins bien protégés…«
Chapitre 5 – Quand les revenus se libèrent du travail
« Il fut un temps où l’on passait sa vie à la gagner (certains diront plutôt qu’on la perdait à la gagner…). À l’exception des rentiers, le seul moyen de gagner de l’argent et de subvenir à ses besoins, c’était en travaillant ! Travail et revenus étaient directement et entièrement liés. Pas de travail, pas de rémunération.«
Aujourd’hui, le lien entre travail rémunéré et revenu se distend, explique Denis Pennel dans ce nouveau chapitre.
En effet, d’un côté, de nombreux revenus sont déconnectés du travail traditionnel (allocations chômage, minima sociaux, revenus financiers…). De l’autre, le travail gratuit ou non rémunéré prend de l’ampleur (travail domestique, bénévolat, consommateur-producteur…).
5.1 – Le travail ne rime plus avec salaire
L’auteur de « Travail, la soif de liberté » met ensuite en lumière une étude : celle-ci montre que les salaires ne représentent que 32 % des revenus des Français (données Insee).
Aussi, selon cette même analyse :
- 55 % des revenus des ménages sont déconnectés du travail salarié classique : 25 % proviennent de prestations sociales, 23 % de transferts sociaux en nature, et 9 % de revenus du capital.
- Le RSA, l’assurance chômage, les retraites ou encore l’épargne apportent donc des revenus complémentaires ou de remplacement sans travail direct. Près de 40 % des chômeurs indemnisés ont même une activité réduite. Certains arrivent à gagner 85 % d’un plein temps en alternant allocation-chômage et petits boulots.
Enfin, en 2015, 94 % des ménages avaient un patrimoine leur procurant des revenus financiers (livret A, assurance-vie, PEL…).
Au final, les revenus de remplacement et du capital constituent 40 % des ressources des Français. « Le lien entre revenu et travail est donc très distendu, tout revenu n’étant pas forcément la contrepartie directe d’un travail« , termine l’auteur du livre « Travail, la soif de liberté« .
5.2 – Du travail sans contrepartie financière
À l’inverse, le travail non rémunéré explose, note l’auteur.
Aussi, selon l’Insee (étude de 2021), en France :
- Le travail domestique (cuisine, éducation et soins aux enfants, courses, ménage…), évalué à 33 % du PIB, n’est pas rétribué. Les Français y consacrent trois heures par jour en moyenne, 64 % de ces heures de travail sont réalisées par les femmes.
- Le travail bénévole est en hausse de 14 % entre 2010 et 2013. 12,5 millions de bénévoles œuvrent dans des associations. « Travail ne rime donc pas forcément avec revenu, un grand nombre d’entre nous faisant le choix d’être actifs sans attendre de rémunération en retour » souligne l’auteur.
- La consommation productive transfère des tâches de service aux clients : caisses automatiques, assemblage de meubles, impression de billets…
- L’économie collaborative et les réseaux sociaux exploitent eux le travail gratuit des internautes : évaluations, partages, crowdsourcing…
L’auteur fait remarquer également que de plus en plus de Français, soit par besoin financier soit par nouveau principe de vie, ont recours au « troc de services » et au service de petites annonces sur internet. Via notamment la multitude de plateformes numériques, ils se proposent, par exemple, d’échanger quelques heures de travail contre d’autres heures de services. Ainsi, on ne facture plus des prestations de service :
« Pas de rémunération financière, pas de déclaration au fisc ni à l’Inspection du travail : toutes ces tâches se déroulent en dehors des circuits institutionnels. Du travail sans aucune entrave, laissé à la totale liberté des parties contractantes, le plus souvent des particuliers.«
5.3 – Vers une nouvelle définition du travail
Ainsi, ces évolutions questionnent la vision traditionnelle du travail.
L’auteur revient alors sur plusieurs propositions de définitions de spécialistes de la question afin de réfléchir à une meilleure prise en compte de la diversité des formes de travail, y compris celles non rémunérées bien qu’apportant une forte valeur ajoutée à la société.
L’auteur pousse ensuite la logique jusqu’au bout en libérant le travail de sa fonction instrumentale, à savoir : « gagner de l’argent, s’assurer un revenu permettant de subvenir à ses besoins matériels« .
Dans cette perspective, lance-t-il, le revenu universel permettrait de décorréler travail et revenu en rémunérant des activités aujourd’hui non reconnues.
Selon lui, l’expérimentation d’un tel dispositif semble une piste prometteuse. Elle existe d’ailleurs déjà en Finlande ou en Alaska.
5.4 – Expérimenter le revenu universel de base
Dès lors, en libérant le travail de l’impératif financier, l’auteur explique que le revenu universel de base pourrait orienter davantage de personnes vers des activités non marchandes apportant une valeur sociale et humaine au monde. L’éducation, les services collectifs, la participation citoyenne seraient dynamisés.
Et si les opposants craignent cependant une désincitation au travail rémunéré, les expériences déjà menées sont encourageantes, indique l’auteur. Celles-ci montrent, en effet, un faible renoncement au travail salarié, avec des effets positifs sur la durée des études ou la santé.
Pour l’auteur, il serait intéressant que la France teste ce concept innovant à l’échelle d’une ville ou d’une région.
Chapitre 6 – Le travail s’extirpe de la tyrannie du temps et de l’espace
Le chapitre 6 du livre « Travail, la soif de liberté » nous explique comment le travail du XXIe siècle s’affranchit de plus en plus des contraintes spatio-temporelles héritées du modèle industriel. Comment, grâce au numérique, il conquiert de nouveaux espaces et s’échappe des horaires imposés.
6.1 – Le lieu de travail devient multiple
Denis Pennel commence par souligner que la dématérialisation du travail via les outils numériques permet aujourd’hui de travailler partout avec juste un ordinateur et une connexion.
Ainsi, le bureau fixe laisse place à des tiers-lieux (domicile, cafés, transports, lounges d’aéroport…). Le travail nomade explose : 25 % des Européens le pratiquent (en télétravail, dans leur véhicule, en co-working…). De plus en plus d’entreprises s’organisent en réseau avec des équipes dispersées.
Cette « mobiquité » apporte de la flexibilité mais engendre aussi un brouillage entre vie privée et professionnelle, indique l’auteur.
« En France, 87 % des salariés déclarent pratiquer des activités personnelles au bureau : lecture d’e-mails personnels, appels téléphoniques privés, achats sur Internet, chats sur les réseaux sociaux type Facebook. Ces pratiques sont d’ailleurs reconnues par la jurisprudence, qui souligne régulièrement le droit de tout salarié à disposer d’une sphère d’intimité sur son lieu et temps de travail. Inversement, 90 % des Français disent travailler durant leur temps libre (lecture d’e-mails, de documents, conférence téléphonique…). […] Cette confusion des genres entre les différents temps concernés par le travail amène à revoir la définition même du temps de travail. »
L’auteur cite ici de nombreux chiffres et statistiques qui montrent à quel point notre travail empiète sur la vie personnelle via smartphones et mails. Ce phénomène, appelé « blurring« , s’installe. Les frontières temps/espace éclatent.
« Avant, l’entreprise apportait une organisation, des technologies à l’individu pour lui permettre de travailler. Aujourd’hui, il y a accès par lui-même, chez lui, et aspire donc à plus de liberté », explique Michel Bauwens de la Fondation P2P.
6.2 – Les frontières temporelles explosent
Le travail sort aussi des horaires fixes, remarque l’auteur.
En France, moins de 35 % des salariés sont encore aux 35h du lundi au vendredi. Et le présentéisme (être au bureau mais vaquer à ses occupations) se développe.
Par ailleurs, des études montrent que, désormais, les temps sociaux s’imbriquent à présent : par exemple, 73 % des étudiants occupent un emploi en parallèle de leurs études, tandis que 32 % des seniors (60-69 ans) sont encore actifs. Près de 90 % des Français disent travailler sur leur temps personnel.
D’une façon globale, le travail s’immisce partout : les soirs, les weekends et pendant nos congés. Et pour Denis Pennel, cette porosité appelle nécessairement à revoir la notion de temps de travail.
L’auteur affirme alors que le forfait annuel en jours permettrait de sortir de la logique horaire, de redonner de l’autonomie aux individus et de mettre fin au présentéisme.
6.3 – Les effets néfastes d’un travail sans frontières
Pour l’auteur du livre « Travail, la soif de liberté« , cette dislocation spatio-temporelle du travail n’est pas sans risque : intensification, obligation de disponibilité permanente, difficulté à déconnecter. Les outils digitaux amplifient la pression : « en France, 88 mails sont reçus par jour et traités majoritairement hors horaires de bureau« , informe Denis Pennel.
Dès lors, pour préserver les temps de repos, écrit-il :
« Il est nécessaire de créer un droit à la déconnexion, qui serait défini au niveau de l’entreprise par un accord entre les représentants des travailleurs et de l’employeur. Redonner du temps, du « slow work » après la slow food, une économie de la lenteur et du bio au travail.«
Ce « droit à la déconnexion » a été créé en France en 2016. Certaines entreprises l’expérimentent actuellement, comme Volkswagen qui coupe les serveurs de 18h15 à 7h, ou Daimler qui supprime ou réoriente les messages reçus pendant des vacances.
Mais son application concrète reste complexe, entre difficultés d’appliquer le blocage des serveurs le soir et la difficile sensibilisation des managers.
Enfin, termine l’auteur, ce travail éclaté requiert aussi de réinventer le collectif via les réseaux sociaux ou de nouvelles formes de mutualisation comme les « guildes des actifs ». Le but est ici de créer de la cohésion.
6.4 – Un travail émancipé à double tranchant
En libérant le travail de ses carcans spatio-temporels, le numérique apporte donc plus de liberté. Mais nous devons avoir conscience aussi de son lot de difficultés.
C’est en effet à nous d’en faire bon usage, insiste Denis Pennel, pour que prime une quête d’épanouissement. L’enjeu est de préserver l’équilibre vie privée/professionnelle et recréer du collectif dans un monde atomisé. Le salut viendra peut-être de l’instauration d’un revenu universel, décorrélant travail et revenu.
Chapitre 7 – Les robots vont libérer l’homme du travail le plus pénible
7.1 – L’automatisation, entre destruction et création d’emplois
Le 7ème chapitre du livre « Travail, la soif de liberté » traite de l’impact de l’automatisation et des machines sur le travail.
Denis Pennel observe d’abord que l’automatisation croissante du travail s’accélère. Celle-ci s’incarne dans les records de vente de robots industriels : 240 000 robots ont été vendus dans le monde en 2015, la Chine étant aujourd’hui le premier acheteur.
Toutefois, l’impact de la robotisation sur l’emploi reste ambigu. Si des tâches sont automatisées, de nouveaux métiers émergent, fait remarquer l’auteur.
En effet, selon l’OCDE, 9 % des emplois présentent un risque élevé de disparition. Pour un quart des emplois, 50 % des tâches seront modifiées par l’automatisation. Certains annoncent la fin de 50 % des emplois d’ici 2025.
Mais dans le même temps, l’histoire montre que les innovations créent globalement plus d’emplois qu’elles n’en détruisent, et cela même si localement des pertes sont possibles.
Ainsi, rien n’est écrit d’avance. Le progrès technique s’accompagne toujours de nouveaux besoins.
7.2 – La machine, vectrice d’émancipation humaine
Denis Pennel rappelle ici que l’automatisation a libéré et continue de libérer l’homme des tâches pénibles, dangereuses et répétitives. Voici les idées développées par l’auteur à ce sujet :
- Depuis le XIXe siècle, l’automatisation est à l’origine d’une hausse explosive de la productivité, tout en nous faisant travailler moins longtemps. Selon l’auteur, grâce à elle, le temps dévolu au travail a été divisé par 4 à 5.
- Les robots prennent désormais en charge les travaux physiques pénibles sur les chaînes de production. Grâce à leur productivité, ils permettent même de rapatrier certaines usines.
- Aujourd’hui, grâce à la cobotique, nous pouvons allier performances du robot et savoir-faire humain.
- Enfin, l’automatisation a également réduit la pénibilité du travail agricole. Avec l’aide de ses machines, un agriculteur américain produit 300 fois plus de coton qu’un Malien, indique l’auteur comme exemple.
- Le coût des robots diminue constamment, ce qui favorise leur popularité et leur accessibilité.
7.3 – Vers une valorisation des compétences humaines
Le 7ème chapitre de « Travail, la soif de liberté » se termine sur l’idée suivante : face à la montée des robots, les qualités humaines seront déterminantes, à savoir la créativité, l’empathie ou encore la coopération.
« « C’est vrai qu’il y a une tendance à la robotisation, mais quand une tendance existe, l’inverse se développe souvent en parallèle. Plus on aura de robots, plus on aura un retour vers l’humain. On parle de plus en plus des valeurs de partage, d’empathie, de famille, de vivre-ensemble », affirme Roxanne Baché, trend-setteuse chez Usbek et Rica. Et à Dov Seidman (un consultant américain) de rebondir en analysant que « nous sommes passés d’une économie industrielle – où on embauchait des bras – à une économie de la connaissance – où on embauchait des têtes – et maintenant une économie humaine – où on embauche des cœurs ».«
En effet, selon Denis Pennel, les métiers de la relation, du soin, de la création résisteront à l’automatisation. L’enjeu est alors de développer notre QE (quotient émotionnel) plutôt que notre QI (quotient intellectuel) pour exprimer nos talents.
En conclusion, l’auteur résume : l’automatisation présente un double visage. D’un côté, elle peut recentrer l’attention sur l’humain en le déchargeant des tâches mineures. De l’autre, elle doit favoriser l’épanouissement individuel et valoriser les qualités humaines.
Selon lui, une solution pourrait être la mise en place d’un revenu universel, nous libérant de la pression de devoir constamment gagner notre vie.
TROISIÈME PARTIE – DÉMOCRATISER L’ENTREPRISE
Chapitre 8 – Les entreprises face au défi démocratique
8.1 – L’entreprise, un déficit démocratique à combler
L’auteur de « Travail, la soif de liberté » commence ce chapitre en affirmant l’idée suivante : l’entreprise moderne souffre d’un manque de démocratie, tant dans son fonctionnement que dans sa gouvernance. Héritée du XIXe siècle, son organisation interne est restée largement imperméable à la démocratisation progressive de la société depuis 1945.
Pourtant, en un siècle, le contexte a profondément changé, lance l’auteur. Les aspirations des salariés ont évolué vers plus d’autonomie et de responsabilisation. La porosité entre vie privée et vie professionnelle brouille les frontières. L’exigence de transparence vis-à-vis des entreprises n’a jamais été aussi forte avec l’essor d’internet et des réseaux sociaux. Face à ces mutations, l’entreprise doit impérativement se réinventer. Sous peine, sinon, de disparaître ou de susciter des révoltes internes, des « Printemps arabes » selon l’expression de Daniel Kaplan de la Fing.
8.2 – Les dérives bureaucratiques d’un monde soviétisé
Pour Denis Pennel, force est de constater qu’une grande partie des entreprises dérive aujourd’hui vers toujours plus de bureaucratie pléthorique (reporting permanent, explosion des procédures…). De plus, un centralisme managérial étouffant et de contrôle à outrance prend place. Le tout au détriment de la dimension proprement humaine du travail.
« La question ne sera pas de savoir si mais quand ces entreprises, continuant à emprunter le même chemin depuis plus d’une génération, se retrouveront en situation d’étouffement » alerte l’auteur en mentionnant les propos de Loïc Le Morlec, consultant spécialiste de ces questions.
Denis Pennel détaille longuement comment cette négation de la singularité des personnes au travail s’apparente à l’univers soviétique. Elle évoque, explique-t-il, fortement l’atmosphère oppressante vécue dans l’ancien bloc soviétique. Résultat, le mal-être au travail s’accroît de manière préoccupante, seulement 11 % des salariés se déclarant engagés dans leur travail.
Entre le rouleau compresseur des process et l’ennui profond d’activités dénuées de sens, la survie au sein de l’entreprise devient de plus en plus périlleuse, avise l’auteur de « Travail, la soif de liberté« .
8.3 – Le management doit impérativement évoluer vers plus d’horizontalité
L’auteur de « Travail, la soif de liberté » ré-explique ensuite très clairement que le modèle de management hiérarchique traditionnel, basé sur les théories de Taylor et Ford, est complètement dépassé à l’heure actuelle.
Ce mode d’organisation est très mécaniste. Avec une structure pyramidale rigide, un organigramme détaillé et de nombreuses procédures pour contrôler le travail des employés, il ne correspond absolument plus aux attentes et aux aspirations des salariés d’aujourd’hui.
Les collaborateurs sont en quête de plus d’autonomie, de responsabilisation, de prise d’initiative et de reconnaissance de leurs compétences. Ils ne supportent plus d’être considérés comme de simples rouages interchangeables au service de la productivité. Pour s’adapter à ces évolutions sociétales, Denis Pennel préconise que les entreprises passent d’une structure très mécanique et rigide à une structure beaucoup plus organique et flexible.
Plutôt que de tout vouloir contrôler par des règles et des procédures extrêmement pointilleuses, il s’agit de miser sur :
- L’intelligence collective,
- La collaboration spontanée entre les équipes,
- L’auto-organisation.
L’enjeu principal est de replacer l’humain au cœur de l’entreprise. Pour cela, nous devons cultiver la proximité entre les managers et leurs équipes, l’empathie, l’écoute active, et une autorité plus bienveillante.
Le but est de libérer les énergies, les idées, la créativité et les talents de chaque collaborateur.
8.4 – L’entreprise doit devenir plus démocratique pour survivre
Face à cette soif de liberté et d’horizontalité, Denis Pennel plaide avec force pour une démocratisation en profondeur du fonctionnement interne et de la gouvernance des entreprises. Selon lui, ce changement radical est indispensable pour que les organisations s’adaptent aux attentes de leurs salariés et survivent sur le long terme.
Concrètement, il évoque plusieurs pistes pour rendre les entreprises plus démocratiques, tels que :
- Une participation accrue des salariés aux grandes décisions stratégiques,
- Un meilleur partage des profits générés qui profite à tous les collaborateurs,
- La mise en place d’actionnariat salarié pour que les employés deviennent copropriétaires,
- L’élection des dirigeants par les équipes.
L’idée centrale est de sortir de la primauté exclusive des actionnaires dans la gouvernance des entreprises. Ainsi, nous devons trouver un nouvel équilibre qui prenne mieux en compte les intérêts et les contributions de toutes les parties prenantes : salariés, clients, fournisseurs, etc.
L’auteur cite l’exemple visionnaire du groupe Auchan. Celui-ci fut un pionnier dès les années 1970 d’un management novateur basé sur le partage équitable du savoir, du pouvoir décisionnel et des fruits de la croissance entre tous les collaborateurs.
8.5 – Laisser plus de place à l’initiative individuelle des collaborateurs
Un autre aspect fondamental relevé par Denis Pennel est l’essor inexorable de l’individualisation dans la relation au travail. Les collaborateurs veulent de plus en plus pouvoir personnaliser et redessiner une partie de leur poste, de leurs responsabilités et de leur environnement professionnel.
Cette tendance de fond se manifeste par l’émergence de pratiques de « job crafting« . Celles-ci permettent, en effet, à chaque employé de retoucher les contours de son poste. Et ce, pour l’adapter à ses aspirations, ses forces et sa personnalité. De nombreuses études montrent que donner cette marge de manœuvre accroît significativement la motivation intrinsèque, l’engagement et la satisfaction des salariés dans leur travail.
L’auteur décrit également l’essor de « fab labs« , « hackerspaces » et autres tiers-lieux. Dans ces endroits, des individus inventent de nouvelles formes de travail beaucoup plus libres, auto-organisées et épanouissantes. Autre illustration : les circuits courts entre producteurs et consommateurs, qui réhumanisent les échanges économiques.
8.6 – Vers une exigence renforcée de transparence
Grâce à l’essor des nouvelles technologies numériques, les salariés disposent désormais de puissants leviers d’information pour accéder à une vision plus transparente du fonctionnement interne et des pratiques RH réelles de leur employeur.
L’auteur prend l’exemple d’applications innovantes comme Glassdoor ou Vault, qui permettent aux collaborateurs de partager des avis authentiques sur leur expérience dans l’entreprise. Les directions ne peuvent donc plus tricher ou se cacher derrière une communication institutionnelle lisse et aseptisée.
Cette quête légitime de transparence de la part des salariés et candidats participe selon Denis Pennel à la démocratisation nécessaire du monde de l’entreprise. Tout comme la montée en puissance des pétitions ou appels au boycott ciblant des firmes sur le web.
8.7 – En conclusion, l’entreprise doit opérer sa mue démocratique pour survivre
Pour résumer la pensée de l’auteur, le monde de l’entreprise n’a désormais plus le choix.
Pour s’adapter aux mutations de la société et survivre sur le long terme, les organisations doivent impérativement opérer leur mue démocratique.
En somme, pour assoir cette démocratie au sein de l’entreprise, il s’agit de :
- Replacer l’humain au centre de toutes les décisions, en libérant les énergies créatrices, l’initiative et l’intelligence de chaque collaborateur.
- Faire évoluer le management vers forcément plus d’horizontalité, d’écoute et de bienveillance.
- Exiger une transparence beaucoup plus forte dans la gouvernance et la gestion RH.
Chapitre 9 – Les plateformes numériques, incarnation des entreprises émancipées du XXIe siècle ?
9.1 – La quête d’un nouveau modèle d’entreprise
L’entreprise telle qu’elle fonctionne aujourd’hui doit impérativement se réinventer, tant les maux qui la rongent sont nombreux et profonds. Outre l’inflation bureaucratique galopante déjà évoquée, de multiples autres dérives toxiques sont ici pointées du doigt.
9.2 – Trois symptômes du management toxique d’aujourd’hui, selon le livre « Travail, la soif de liberté«
– Le règne de la médiocrité et le morcellement des tâches
Denis Pennel commence par souligner que l’entreprise s’est aujourd’hui transformée en une fabrique standardisée de managers et d’experts médiocres, sans vision globale, cantonnés à leur maigre périmètre de tâche, sans la moindre perspective plus vaste.
Ainsi, selon Denis Pennel, l’entreprise s’est appauvrie, se limitant à une juxtaposition de micro-tâches extrêmement divisées. Ce morcellement du travail à l’infini a fortement favorisé l’émergence de « petits chefs » étroits d’esprits, enfermés dans leurs certitudes étriquées.
Par ailleurs, l’être humain dans sa singularité disparaît derrière la machine impersonnelle et déshumanisée qu’est devenue l’entreprise moderne.
– La dictature étouffante des process
Autre travers majeur et très délétère, selon l’auteur : l’inflation tentaculaire des normes. Les processus standardisés et des cahiers des charges hypertrophiques et très prescriptifs entravent, selon lui, toute prise d’initiative et toute autonomie réelle.
« Une grande partie de ce que nous appelons “management” consiste à faire en sorte qu’il soit difficile de travailler » affirmait Peter Drucker, le père du management moderne. Le salarié se retrouve tiraillé en permanence entre injonction à une autonomie de pure façade et contrôle tatillon permanent de sa hiérarchie.
– La confiscation du pouvoir par les actionnaires
Dernier symptôme particulièrement toxique de ce management dévoyé, la confiscation du pouvoir par les seuls actionnaires et le court-termisme financier galopant.
Pour Denis Pennel, la sacro-sainte création de valeur pour l’actionnaire est devenue le mantra intangible. Et ce, au détriment des investissements de long terme et de la juste rémunération des salariés, sacrifiés sans état d’âme sur l’autel de la rentabilité à court terme.
9.3 – Les 25 propositions de Denis Pennel pour repenser l’entreprise du XXIe siècle
Denis Pennel est catégorique : il est impératif et grand temps de refonder l’entreprise sur de nouvelles bases. Ces bases doivent être en rupture avec le modèle managérial actuel et en phase avec les aspirations contemporaines de liberté et d’épanouissement ainsi qu’avec les impératifs démocratiques.
L’auteur énonce ici 25 propositions concrètes et applicables immédiatement pour esquisser les contours de l’entreprise de demain.
Les voici donc résumés à travers quelques pistes clés :
– Libérer les énergies en responsabilisant les collaborateurs
L’enjeu prioritaire est de libérer les énergies, les talents et le potentiel créatif des individus plutôt que l’entreprise elle-même, annonce l’auteur.
Le plus efficace est alors de responsabiliser les collaborateurs. De leur donner beaucoup plus d’autonomie réelle et de supprimer la plupart des irritants bureaucratiques qui entravent leur prise d’initiative au quotidien. Il faut aussi permettre à chacun de modeler et d’adapter son environnement et conditions de travail via ce qu’on appelle le « job crafting« , en fonction de ses aspirations, talents et contraintes personnelles.
– Donner plus de voix aux salariés, vers plus de démocratie participative
Ensuite, plus de démocratie en entreprise est incontournable. Pour Denis Pennel, cela passe par une réelle prise en compte de l’opinion des salariés. Et cela via des cercles de qualité, un droit d’expression directe conséquent ou encore la participation active des employés aux orientations stratégiques.
Les jeunes générations poussent également avec force et légitimité à plus d’association via des « comités jeunes » au sein des instances dirigeantes.
– Valoriser les compétences relationnelles et le « care »
Face à l’automatisation croissante, les qualités humaines et relationnelles seront de plus en plus recherchées. C’est pourquoi, elles doivent être pleinement valorisées par l’entreprise, affirme l’auteur. Il s’agit de l’empathie, de la créativité, de l’intelligence émotionnelle, de la capacité d’entraide et de coopération.
L’auteur le redit, le salut résidera dans le développement du QE (quotient émotionnel) plutôt que du seul QI (quotient intellectuel). Et le « care » doit être remis au cœur de l’organisation.
– Renforcer la formation continue de tous les collaborateurs
Pour l’auteur du livre « Travail, la soif de liberté« , l’accès à la formation doit également se démocratiser. Il peut se faire via les MOOC et le digital. Les savoirs doivent circuler dans les deux sens : des individus vers l’entreprise et vice versa. Chacun doit devenir acteur de sa montée en compétences en fonction de ses appétences.
– Permettre une gouvernance partagée et une réelle responsabilité sociale
Enfin, pour Denis Pennel, il s’agit aussi d’explorer de nouveaux modes de gouvernance. Des modes de gouvernance associant réellement toutes les parties prenantes : salariés, clients, fournisseurs, société civile. Le but est alors de définir un projet d’entreprise qui aille au-delà du seul profit actionnarial. Un projet qui intègre des impératifs sociaux, sociétaux et environnementaux.
À cet égard, le modèle coopératif est une source d’inspiration.
L’auteur termine en soulignant que l’enjeu est de taille pour que l’entreprise renoue avec sa vocation première. Celle de permettre à des femmes et des hommes de coopérer ensemble pour produire et créer, dans un cadre apaisé.
Conclusion : le libertariat, ou le travail libéré
Dans sa conclusion, Denis Pennel appelle à libérer le travail de ses chaînes bureaucratiques et du carcan de l’emploi. Plutôt que le plein-emploi, visons le plein travail ! Sortons du salariat pour retrouver l’indépendance du travail, lance l’auteur.
L’objectif est de réconcilier stabilité et liberté, collectif et individualisation. Et pour l’auteur, c’est le « libertariat » qui permettra de redevenir acteur et sujet de son travail.
Pour terminer, Denis Pennel invite à démocratiser l’accès au marché du travail et à la protection sociale.
Pour cela, il faut simplifier le droit du travail tout en l’étendant aux travailleurs indépendants. Le but est de « protéger » tout en fluidifiant, d’encourager l’initiative individuelle. Seul le « Droit de l’Actif » répondra à ce défi.
Pour l’auteur de livre « Travail, la soif de liberté« , l’avenir devra nécessairement passer par l’innovation sociale. Elle impliquera alors de nouvelles approches du travail. Denis Pennel partage ces approches à travers la liste de 25 propositions qu’il énonce au chapitre 9, approches en phase avec les aspirations contemporaines.
Conclusion de « Travail, la soif de liberté : Comment les start-uppers, slashers, co-workers réinventent le travail » de Denis Pennel
Les 3 idées clés du livre « Travail, la soif de liberté«
Nous pouvons retenir 3 points phares développés par Denis Pennel tout au long de cet ouvrage.
1/ Aujourd’hui, le salariat est dépassé, il nous faut réinventer de nouvelles formes de travail
Denis Pennel dresse un constat sévère des dérives du salariat, devenu étouffant et obsolète. Il montre comment le travail est pris en otage, réduit à un statut juridique vidé de son sens.
2/ Le libertariat est une forme alternative de travail qui répond à l’évolution du marché du travail
L’auteur plaide avec force pour le libertariat, cette nouvelle forme de travail alliant souplesse de l’indépendance et protections du salariat. Selon lui, cette voie permettrait de réconcilier stabilité et liberté.
3/ Les entreprises doivent proposer un business model intégrant plus de démocratie et d’autonomie
Autre idée phare du livre « Travail, la soif de liberté » : l’appel vibrant à démocratiser l’entreprise, en donnant plus de pouvoir aux salariés et en intégrant toutes les parties prenantes dans la gouvernance.
Une invitation enthousiasmante à repenser notre travail
« Travail, la soif de liberté » de Denis Pennel est une invitation à voir le travail sous un angle nouveau. En parcourant ses pages, vous découvrirez :
1/ Des analyses critiques pertinentes sur le monde du travail actuel
Denis Pennel décortique le monde du travail, le salariat traditionnel, les phénomènes et nouveaux défis professionnels. Décrivant le travail actuel comme rigide et limitant, il nous montre pourquoi il est temps de changer. Pourquoi nos activités professionnelles doivent redevenir une source d’épanouissement et s’affranchir de la bureaucratie.
2/ Des propositions innovantes et des idées concrètes pour l’entreprise de demain
L’auteur ne fait pas qu’énoncer une critique. Il propose aussi des alternatives, des façons nouvelles de travailler à travers divers concepts innovants. Les pistes qu’il partage ont pour enjeu de replacer l’humain au centre et de nous redonner autonomie et liberté au travail. Ainsi, tout au long du livre, nous apprenons en quoi le concept de libertariat, le Droit de l’Actif, le « job crafting », le business model coopératif, le care, le revenu universel, etc. peut apporter un sens nouveau à notre vie professionnelle.
Finalement, le livre « Travail, la soif de liberté » ouvre des perspectives résolument optimistes et humanistes. Les arguments sont extrêmement bien documentés. C’est une lecture que je recommande vivement, et qui vous invitera à repenser en profondeur l’organisation du travail.
Points forts :
- Les analyses fouillées et très bien documentées sur le monde du travail actuel et la réflexion qu’elle suscite sur notre relation au travail.
- La modernité des propos et le plaidoyer argumenté en faveur du libertariat.
- L’expertise de l’auteur et son approche humaniste et optimiste quant à l’avenir du travail.
- Le style d’écriture fluide et agréable.
Point faible :
- Un essai qui peut sembler idéaliste sur certains aspects.
Ma note :
★★★★★
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