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La nuit, j’écrirai des soleils

Couverture de La nuit, j'écrirai des soleils, de Boris Cyrulnik

Résumé de « La nuit, j’écrirai des soleils » de Boris Cyrulnik : un essai riche en émotions qui partage les histoires de vie de grands écrivains pour nous montrer le pouvoir de l’écriture dans la résilience.

Par Boris Cyrulnik, 2019, 304 pages.

Chronique et résumé de « La nuit, j’écrirai des soleils » de Boris Cyrulnik

Chapitre 1 – Quelques mots pour tisser un lien

Un lien d’attachement sain se construit lorsqu’il est alimenté à la fois par la présence et par l’absence de la personne à qui l’on est lié.

Si deux personnes sont trop présentes l’une à l’autre, une sorte d’étouffement de l’élan vital se produit. Aucun des deux ne peut vraiment vivre pour lui-même et pour l’autre.

Boris Cyrulnik explique ensuite l’importance des mots et du langage parlé et écrit. Ces mots et ces expressions peuvent être chargés de différentes significations qui apparaissent positives ou négatives en fonction des contextes.

Il donne l’exemple du mot « collaborateur » chargé très négativement pour des survivants de la Shoah alors qu’il peut simplement signifier « travailler ensemble » pour d’autres personnes. Ou encore le mot « libération » qui évoque un souvenir douloureux pour une chanteuse dont le père a été accusé de collaboration et de la mort de milliers d’enfants juifs.

En retour, cette chanteuse a recours aux mots pour « transformer ses émotions douloureuses en expressions émouvantes, surprenantes, élégantes grâce à la poésie » (p. 12).

Chapitre 2 – Quand les mots donnent à voir

Nous ne pouvons pas saisir tous les détails de la réalité qui nous entoure. Les éléments qui la composent s’objectivent à travers des mesures scientifiques qui ne sont pas réalisables par un cerveau humain.

Ainsi, le langage parlé, les mots que nous employons et ce que nous ressentons n’expriment pas vraiment la réalité de ce qui nous entoure ou de ce que nous vivons. Ils expriment une représentation de cette réalité. Et cette représentation est influencée par nos souvenirs, les époques et les situations que nous avons traversés, ou encore ce que les autres disent de nous.

Ce que veut dire l’auteur, c’est qu’il est alors possible de modifier la représentation que l’on a de son histoire et de sa vie à travers un travail sur la mémoire et le langage utilisé pour en parler.

Boris Cyrulnik prend son propre exemple. Enfant, il ne savait pas qu’il était juif jusqu’à son arrestation à l’âge de six ans. Personne n’a voulu croire ensuite à son évasion et il n’en a plus parlé pendant 40 ans. Puis il a entrepris de reconstituer son histoire à partir d’une enquête historique sur les faits réels de cette époque. Il en a écrit un livre intitulé Sauve-toi, la vie t’appelle, publié en 2012.

À travers ce travail de reconstitution et d’écriture, il a modifié la perception qu’il se faisait de son enfance et des évènements qu’il avait traversés.

« Je sais maintenant que, grâce aux récits intimes, aux récits partagés avec quelques proches et aux récits que la culture raconte à propos de nos enfances fracassées, il est toujours possible d’écrire d’autres vies. » (La nuit, j’écrirai des soleils, p. 16)

Chapitre 3 – Quarante voleurs en carence affective

Dans ce chapitre, Boris Cyrulnik évoque les liens que le petit enfant développe nécessairement avec l’adulte qui prend soin de lui. Cet adulte est le plus souvent sa mère qui lui apporte réconfort et affection à travers les contacts physiques et sensoriels.

Puis rapidement d’autres adultes vont aussi prendre soin du bébé et de l’enfant. Ils peuvent être de la même famille (grands-parents, tantes et oncles, cousins, etc.) ou bien membres de la même communauté ou village. Ces « tuteurs comportementaux », selon l’expression de l’auteur, orientent le développement de l’enfant.

Cyrulnik parle de « niche sensorielle » nécessaire à l’enfant pour s’épanouir et se développer dans de bonnes conditions. Cette niche sensorielle est constituée d’appuis émotionnels et cognitifs qui doivent être stables, positifs et structurants.

De nombreux éléments et évènements peuvent venir perturber cette « niche sensorielle » : guerres, maladies, pauvreté, chômage ou autres problèmes affectant l’humeur et la disponibilité des parents et des proches. Lorsque la niche sensorielle est affectée, le développement de l’enfant l’est aussi et son avenir s’assombrit.

Les niches sensorielles évoluent en même temps que l’histoire des sociétés. Les structures qui prenaient en charge collectivement l’éducation des enfants – villages et communautés – ont commencé à se désagréger au moment de la révolution industrielle du XIXème siècle.

La grande misère des conditions de vie de certains ouvriers notamment les a conduits à confier leurs enfants à des institutions comme l’assistance publique. Ces enfants souffraient alors de carences affectives et sensorielles. Certains auteurs de littérature les ont représentés dans des héros devenus célèbres comme Cosette, Oliver Twist et Gavroche.

Seule la rencontre avec des adultes aimants ou un groupe d’adultes accueillants (un mouvement politique par exemple) peut offrir une forme de soutien à ces enfants.

Chapitre 4 – L’héritage du goût du monde

Boris Cyrulnik, né deux ans avant la Seconde Guerre mondiale, a été très tôt orphelin de père et de mère. De son enfance avec ses parents, il garde quelques souvenirs associés à du réconfort affectif et à une bulle de paix dans un monde très menaçant.

Devenu neuropsychiatre, l’auteur explique en des termes scientifiques et biologiques l’influence d’une bonne niche sensorielle dans le développement ultérieur du bébé. Que se passe-t-il lorsqu’un bébé reçoit des stimulations affectives et sensorielles positives ? Certaines zones de son cerveau, qui sont relatives à la gestion des émotions, se développent.

À l’inverse pour un bébé qui n’a pas reçu ces stimulations, les mêmes zones du cerveau restent atrophiées. Dans la suite de sa vie, il peut alors rencontrer des troubles importants dans la gestion de ses émotions.

Si les carences n’ont pas été trop importantes, l’enfant, devenu adulte, peut récupérer une partie de ses capacités à gérer ses émotions lorsqu’il est au contact de stimulations positives.

Boris Cyrulnik cite les exemples de deux adolescents, adoptés lorsqu’ils étaient enfants, et qui manifestaient des comportements « trop parfaits » en apparence : « trop sage » pour l’un, « trop conformiste » pour l’autre. Pour le psychiatre, ces comportements semblent traduire une forme de torpeur, d’endormissement, comme si les enfants recherchaient un refuge contre les émotions transmises par les personnes qui les entouraient.

Un jour, les deux adolescents ont adopté des attitudes transgressives. L’un a commis un hold-up. L’autre a quitté ses beaux vêtements et a commencé à fréquenter le monde de la rue.

Le psychiatre pense qu’ils ont certainement éprouvé le besoin de se confronter à des « stimulations intenses » (p.32) provoquées par la transgression. Ainsi, ils pouvaient à nouveau être en contact avec le monde, ressentir des émotions et peut-être même accéder à une forme de liberté.

Chapitre 5 – Se cacher derrière un livre

Le refuge dans des livres ou dans la rêverie offre une protection contre l’établissement de relations interpersonnelles difficiles à vivre. L’imagination permet de s’échapper d’un monde douloureux. On peut alors accéder à des moments de bonheur. Mais cela ne règle pas le problème de fond qui subsiste.

Boris Cyrulnik cite des éléments de la vie de l’écrivain Georges Pérec dont la famille entière a disparu pendant la Seconde Guerre mondiale. Le jeune Pérec, qui a trouvé une forme d’apaisement dans la lecture, décide de devenir écrivain. En mettant des mots sur ses proches disparus, il « leur rend une dignité » (p. 38).

Chapitre 6 – La perte n’est pas le manque

Nous, êtres humains, nous nous construisons dans le rapport à d’autres humains. C’est parce que l’autre nous regarde, nous observe, nous juge et interagit avec nous que nous nous regardons et prenons conscience de notre propre identité. Le rapport à l’autre, fait d’imitations et de différenciations, est donc nécessaire à la construction de soi.

Selon Boris Cyrulnik, une vie « sans autre », une vie de solitude dépourvue d’interactions avec d’autres, est triste et morne. Il évoque un « gouffre vide ». Le rapport à l’autre, lorsqu’il est fondé sur des bases positives, nous stimule, nous nourrit, nous donne envie d’avancer, de créer.

Le manque et la tristesse se ressentent lorsqu’on perd un être à qui l’on est attaché affectivement. Une angoisse se crée alors. Pour la surmonter, certains se tournent vers la création et l’écriture. À tel point qu’ils peuvent même aller jusqu’à rechercher des conditions de vie ou des lieux alimentant l’angoisse, la solitude et le dégoût (comme la prison ou des toilettes par exemple).

En vivant dans ces conditions, ils n’ont pas d’autres choix que de se réfugier dans l’imagination alimentant ainsi la créativité et l’inspiration. L’auteur cite les écrivains et poètes comme Rimbaud et Genet.

« Alors, enfermé [Genet], il éprouvait le besoin d’écrire pour s’évader. Dans un contexte de chaleur affective, les mots, pour lui, sont sans saveur. La tombe, la prison, les égouts leur donnent une odeur. C’est dans le noir qu’on espère la lumière, c’est la nuit qu’on écrit des soleils. » (La nuit, j’écrirai des soleils, p. 40)

Chapitre 7 – Synesthésies

La synesthésie est un phénomène qui se produit lorsqu’une personne associe des sens différents là où d’autres ne perçoivent qu’une seule sensation. C’est le cas par exemple lorsqu’on associe une note de musique avec une saveur gustative comme le chocolat. Ou bien une lettre de l’alphabet (ou un chiffre) avec une couleur.

Le psychiatre qu’est Boris Cyrulnik explique ce phénomène par le fonctionnement du cerveau depuis les premiers jours de vie jusqu’à l’âge adulte. Le cerveau du nourrisson et du petit enfant est capable d’enregistrer une multitude d’informations et de s’adapter à différents environnements.

Les circuits et connexions neuronaux sont alors en formation. À partir de l’adolescence, ils sont davantage formés et stabilisés ce qui restreint la perception du monde environnant et les apprentissages qui en découlent.

Dans le cas de certains enfants et adultes autistes, notamment Asperger, qui sont dotés d’une très grande intelligence, les capacités de perception ne se restreignent pas à l’adolescence. Leur cerveau reste capable de capturer et d’associer différents sens. Ces adultes conservent alors une capacité créative supérieure à la normale.

Pour en savoir plus sur la synesthésie, lisez Je suis né un jour bleu, l’autobiographie du génie des nombres Danniel Tammet.

Chapitre 8 – Tracer des mots pour supporter la perte

Exprimer des mots, par l’écriture ou la parole, participe à la maîtrise des émotions.

En parlant à d’autres personnes ou à un auditoire, on exprime aussi des émotions et des attitudes corporelles. La réaction de nos interlocuteurs nous influence aussi en retour. Il s’agit d’un circuit dynamique d’échange de paroles, de pensées et de gestes.

Lorsque l’on écrit, on ne reçoit pas la réponse de son ou de ses interlocuteurs immédiatement. On s’adresse donc à un auditoire imaginaire, un « ami invisible » (p. 52).

« Ce n’est pas l’acte de parole qui apaise, c’est le travail de recherche des mots et des images, l’agencement des idées qui entraîne la maîtrise des émotions. Cela explique pourquoi les traumatisés peuvent écrire des poèmes, des chansons, des romans ou des essais où ils expriment leurs souffrances, alors qu’ils sont incapables d’en parler en face à face. » (La nuit, j’écrirai des soleils, p. 53)

Chapitre 9 – Le vol et la jouissance

Le concept et la conscience du vol n’existent pas chez l’enfant. Ce dernier prend des objets qu’il a envie de posséder. En principe, les adultes qui l’entourent et qui se chargent de son éducation manifestent une réaction de réprobation (froncement de sourcil, ton de la voix). L’enfant ressent une émotion désagréable et craint de perdre la considération de l’adulte. Cela l’amène alors à ne pas reproduire ce geste d’accaparement de ce qui ne lui appartient pas.

Dans certains cas cependant, il arrive que l’enfant devenu adulte et adolescent continue à prendre des objets qui ne lui appartiennent pas. Cela est alors un vol au sens propre du terme. Selon Boris Cyrulnik, ce vol n’est pas destiné à alimenter celui qui le commet en argent, en honneur ou en biens matériels.

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Non, pour Cyrulnik, dans ces cas-là, celui qui vole le fait davantage pour ressentir la sensation de la transgression. Dans le cas de la kleptomanie, le vol correspond au besoin de satisfaire une pulsion liée certainement à une forme d’angoisse. D’ailleurs, les personnes qui volent de manière impulsive redistribuent souvent immédiatement les effets volés à d’autres personnes.

Soleil dans la nuit

Chapitre 10 – Le pseudo, nom qui démasque

Pour des enfants ou des adultes aux parcours de vie semés de difficultés et de souffrances, le choix d’un pseudonyme peut revêtir une grande importance. Il permet de se représenter et de se donner à voir aux autres sous une nouvelle identité souvent idéalisée.

L’auteur explique qu’il a lui-même choisi de se faire appeler par le prénom « Boris » lorsqu’il avait décidé, adolescent, de devenir écrivain. Son prénom véritable désignait ses origines d’Europe Centrale. Tout en en étant fier, il a voulu garder cette partie de son histoire pour lui-même. De la même manière, il a préféré ne pas parler, pendant longtemps, de son évasion d’un centre d’enfermement nazi lorsqu’il était enfant.

Ce pseudonyme d’écrivain lui permettait alors de se présenter aux autres sous une autre face qu’il a jugée plus propice à la socialisation. Il pouvait se cacher sous cette identité, ne pas avoir à évoquer son passé. De plus, le nom de famille choisi « Aurige » évoquait un héros grec qui mettait sa force au service de la libération des esclaves ce à quoi aspirait aussi « Boris Aurige ».

Finalement à l’âge adulte, Boris Cyrulnik est devenu neuropsychiatre et psychanalyste. Il a participé à des actes de libération à travers son activité professionnelle : « l’ouverture des hôpitaux psychiatriques, les centres de soins gratuits, la suppression des entraves éducatives dans les écoles maternelles et les quartiers difficiles » (p. 65).

Chapitre 11 – Une science de l’affectivité

Un enfant qui ne reçoit pas les soins et les attentions affectifs et sensoriels appropriés peut présenter de graves troubles du développement au niveau émotionnel et cognitif.

Attention, ce n’est pas sa mère qui doit nécessairement se charger d’apporter à un enfant toute l’affection dont il a besoin. Il est aussi très important que d’autres adultes s’en chargent.

Les enfants abandonnés ou placés dans des institutions éducatives souffrent souvent de graves carences affectives et rencontrent d’importantes difficultés de socialisation. En effet, ces cadres d’éducation, qui sont le plus souvent défaillants, entravent l’apprentissage de la maîtrise des pulsions et des affects.

Toutefois, à travers des soins appropriés et des institutions qui transmettent des cadres bienveillants, les enfants, adolescents et adultes peuvent retrouver des formes de sécurisation. Ils peuvent alors aller vers plus d’autonomie et une meilleure socialisation.

« Les travaux actuels confirment que les carencés affectifs accèdent difficilement à l’indépendance, mais quand on leur propose une relation soutenante et une aide sociale, ils finissent par devenir indépendants, un peu plus tard, c’est tout. » (La nuit, j’écrirai des soleils, p. 72)

Chapitre 12 – Les voyous littéraires

François Villon, Jean Genet, le marquis de Sade, Arthur Rimbaud, Paul Verlaine, Romain Gary… Autant de figures célèbres, écrivains, philosophes et poètes qui partagent le fait d’avoir souffert d’une enfance carencée en attention et en affection.

Ces personnes célèbres partagent le fait d’avoir des souffrances enfouies et des conditions de vie où ils côtoient parfois l’horreur, ou bien s’adonnent à des actes de transgression. Et c’est de là qu’ils créent des œuvres où le merveilleux et le plaisir semblent transcender l’insupportable.

L’auteur développe l’exemple de Sade, un auteur qui a exprimé et représenté la perversité et le sadisme. Ces deux attitudes sont caractérisées par un manque d’empathie, c’est-à-dire de capacité à se représenter le monde de l’autre et ses émotions.

Le sadique trouve sa source dans un enfant qui était isolé, dépourvu de relations affectives avec d’autres humains. Il transforme alors l’autre en objet sans se préoccuper de ses émotions, ou même en tirant plaisir de sa souffrance.

Chapitre 13 – L’empreinte du passé donne un goût du présent

Boris Cyrulnik se souvient avec tendresse de cette minuscule chambre de bonne au mobilier très sommaire, sans eau, sans électricité, qu’il avait occupé alors qu’il était tout jeune étudiant à Paris. Il associe ce souvenir à celui de ses moments de rêverie et d’évasion au cours desquels il se représentait médecin, ce qu’il est devenu ensuite.

Il cite l’exemple d’une femme qui apprécie les mauvaises soupes pour la même raison : elles lui rappellent des bons moments passés au cours desquels elle les consommait.

À travers ces exemples, l’auteur illustre le sentiment de sécurisation qui naît lorsque l’on se retrouve en contact avec des objets, des environnements ou des personnes qui nous sont familiers. Cette sécurité constitue un refuge et un appui : on sait que l’on pourra y revenir en cas de problèmes. On part ainsi plus facilement à la rencontre de nouveaux environnements et de nouvelles personnes.

À l’inverse, des personnes peu ou mal sécurisées au cours de leur enfance auront tendance à éprouver des difficultés pour entrer en relation avec les autres. Celles-ci perçoivent que chaque nouvelle relation peut déclencher des angoisses sans possibilité de refuge et semblent alors préférer l’isolement. Elles n’expriment pas leurs besoins relationnels, ce qui aggrave leurs souffrances.

Si une personne qui a été maltraitée ou violée n’est pas ensuite correctement accompagnée dans un parcours de soins, elle risque fortement de conserver une image très dévalorisée d’elle-même. Elle peut alors ne pas se protéger de potentiels nouveaux agresseurs et subir le même type de violence.

Selon l’auteur, un chemin vers la résilience est possible. La victime doit alors recevoir de l’aide pour « se repersonnaliser ». La parole et des associations d’idées notamment peuvent l’aider à reprendre possession de son intimité qui a été détruite par l’agression.

Chapitre 14 – La mort donne sens à la vie

Les moments de malheur et la conscience de la mort nous permettent de savourer les temps de bonheur et la vie. La rencontre de différentes informations qui peuvent s’opposer crée de la tension, de l’énergie vitale. À l’inverse, la monotonie et la répétition mènent à l’engourdissement de la vie.

Lorsque l’on vieillit et que l’énergie physique s’estompe, les souvenirs de moments heureux peuvent alimenter une volonté de rester éveillé et d’aller vers les autres.

« Quand la vie ne revient pas, on dit que c’est un désastre, une étoile vient de s’éteindre. Mais quand la vie reprend après un évènement déchirant, un autre équilibre se met en place qu’on appelle résilience. » (La nuit, j’écrirai des soleils, p. 95)

Chapitre 15 – Après la fin, le renouveau

Les grandes catastrophes naturelles (séismes, tsunami, inondations, etc.) et sociales (guerres, persécutions) mènent à d’importantes destructions : de nombreux humains et êtres vivants meurent, des installations matérielles sont détruites.

Face à ces malheurs, les humains recherchent des causes. Les causes matérielles mènent à des remèdes médicaux ou médicinaux. Les causes spirituelles attribuent le désastre à la colère divine provoquée par le péché des hommes. Des actions spirituelles sont alors entreprises pour apaiser cette colère : incantations, prières, processions, chants.

Ces destructions mènent ensuite à des moments de reconstruction et de créativité importants et à de profonds changements dans l’organisation sociale et culturelle.

Boris Cyrulnik cite notamment l’exemple de la peste noire de 1348 qui a décimé la moitié de la population européenne et notamment des enfants et des femmes jeunes. Certains hommes âgés qui ont davantage survécu ont pris du pouvoir dans la société. Peu enclins au combat, ils ont instauré de nouvelles conventions sociales glorifiées par les artistes de l’époque : ordre intérieur, maisonnée, couple.

L’auteur mentionne également l’après Première Guerre mondiale en Europe qui a vu apparaître des mouvements artistiques et culturels comme le surréalisme et le dadaïsme.

Chapitre 16 – Deuil et créativité

Au début de ce chapitre, Boris Cyrulnik retrace les étapes du développement de l’enfant. À la fin de la grossesse, lorsque l’enfant est encore dans le ventre de sa mère, il perçoit les émotions qu’elle ressent. Au début de sa vie, le bébé ne parle pas encore et n’en a pas la capacité. Il fait l’expérience du monde qui l’entoure à travers ses sens. Il ressent les émotions que les personnes qui l’entourent lui transmettent.

La perte d’un être proche peut alors profondément modifier l’environnement sensoriel de l’enfant et déstabiliser ses bases de sécurisation affective nécessaires à son bon développement.

Lorsque l’enfant grandit, il commence à reconnaître les visages de son entourage. Puis progressivement, il ressent le manque des personnes qui ne sont pas là et comprend qu’il peut désigner, à travers la parole, ce qu’il ne perçoit pas de manière visible.

À partir de l’âge de six ou huit ans, il commence à se représenter le temps qui passe. Il se souvient de ce qu’il s’est passé et peut concevoir des évènements futurs. La perte d’un être proche devient alors associée à des souvenirs douloureux.

Lorsqu’un être à qui nous étions attaché meurt, nous sommes plongés dans la tristesse et la souffrance. Nous continuons à ressentir des émotions et des affects liés au souvenir de cette personne qui n’est plus là. Pour surmonter la peine, nous inventons alors des moyens d’incarner le souvenir de cette personne : écriture, récit biographique, photos, prières… C’est ainsi que le culte des morts caractérise les sociétés humaines.

Chapitre 17 – Étrange et douloureux plaisir

Pendant longtemps dans l’histoire des sociétés humaines, le père a été une figure ambivalente pour de nombreux enfants. Il travaillait beaucoup et n’établissait pas, ou peu, de relations affectives avec ses enfants.

  • La mère avait l’entière responsabilité des tâches ménagères et de l’éducation des enfants.
  • Le père apportait une sécurité au foyer à travers les ressources qu’il tirait de son travail et en faisant appliquer des règles. Mais il était également perçu comme oppresseur car il limitait les désirs d’expression de soi des enfants.

C’est ainsi que la mort de leurs pères a été perçue comme une libération pour de nombreux écrivains et scientifiques qui se sont alors révélés. Boris Cyrulnik cite Freud, Flaubert ou encore Romain Gary.

La mort d’un enfant cependant semble insurmontable et provoque un immense sentiment de désarroi pour les parents qui vivent cette épreuve. Beaucoup d’écrivains ont également écrit de magnifiques hommages à leurs enfants morts. C’est le cas de Victor Hugo, Malraux, Dostoïevski, Faulkner notamment.

L’écriture créative, et non pas automatique ou administrative, apporte une forme d’apaisement à une douleur qui paraît insurmontable.

Chapitre 18 – Quand le manque de mots aiguise l’appétit

Chaque enfant peut vivre différemment une enfance dépourvue d’attentions parentales.

Boris Cyrulnik cite l’exemple du grand acteur Gérard Depardieu. Il a grandi dans un quartier pauvre. Ses parents s’occupaient peu de lui et lui parlaient peu. Livré à lui-même très jeune, il est allé chercher des formes de stimulations sensorielles à l’extérieur du foyer familial. Il s’est abreuvé des « mots des autres » et a trouvé des moyens d’aller au cinéma sans payer.

L’auteur cite aussi l’exemple de deux faux jumeaux. Les parents, toujours pris dans des discussions intellectuelles, les délaissaient. L’un des enfants, devenu adulte, l’interprète comme une forme de liberté qui lui a été donnée pour explorer le monde. L’autre le perçoit et le vit comme une forme d’abandon.

Il arrive que des enfants réussissent à puiser au fond d’eux-mêmes de la confiance en eux malgré des environnements défavorables (attentions défaillantes des adultes qui les entourent, confrontation à de la violence, etc.). Si cette forme de confiance en eux exacerbée peut les amener à affronter des situations difficiles, ils peuvent aussi ne pas suffisamment se protéger et prendre trop de risques.

Chapitre 19 – Le gavage affectif éteint l’attachement

L’enfant s’attache à des personnes lorsque celles-ci le sécurisent en lui transmettant un sentiment d’apaisement. Il peut aussi s’attacher à des adultes peu présents mais qui lui sont présentés comme héroïques, comme par exemple un père, mineur, qui descend au fond de la mine dans des conditions extrêmes.

Chez l’enfant, les besoins d’attachement et de sécurisation sont très liés. Pour se sécuriser, l’enfant se réfugie aux côtés d’un adulte proche à la présence rassurante. Et lorsque l’enfant ne parvient pas à trouver de sécurité, l’angoisse l’envahit rapidement au moindre évènement. L’angoisse est contagieuse et peut toucher de proche en proche un grand nombre de personnes.

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Trop de marques d’affection, trop de sécurisation peuvent, à l’inverse, provoquer chez l’enfant un rejet de l’attachement. Il peut alors prendre des risques inconsidérés ou s’isoler.

Chapitre 20 – Ce n’est pas l’amour qui sécurise, c’est l’attachement

Il est faux de dire que l’amour peut tout réparer et aider à surmonter les épreuves de la vie. C’est au nom de l’amour que de nombreuses personnes, femmes et enfants notamment, subissent des maltraitances.

Boris Cyrulnik parle des épreuves qu’il a traversées. Enfant, il a réussi à retrouver des bases de sécurité après la guerre. À cause des remarques négatives qu’il a reçues, il s’est senti empêché de parler de son passé. Il s’est alors réfugié dans l’imagination et les rêveries.

Cependant il estime que l’écriture ne répare pas tout. De la même façon, il ne suffit pas « de placer autour de l’enfant blessé deux ou trois adultes pour que tout aille mieux » (p. 143). Pour se sécuriser, une connexion entre un adulte apaisant et protecteur et l’enfant doit se créer. L’enfant doit ressentir la présence réconfortante de l’adulte.

C’est ainsi que certains enfants ne parviennent pas à ressentir la présence de leur mère, qui se trouve pourtant à leurs côtés, car celle-ci est perdue dans son propre monde ou qu’une connexion ne se fait pas. Et d’autres enfants ressentent intensément la présence d’une mère absente physiquement car son image les sécurise.

La résilience, processus pour renaître après un trauma

Chapitre 21 – Quand on ne sait pas être heureux

De quoi a besoin une personne qui été victime de maltraitances et de négligences ? Il est important qu’elle rencontre sur son chemin des soutiens, des personnes, ou encore des institutions, qui peuvent l’aider à « enclencher un processus de résilience » (p. 150).

Si la personne victime de maltraitances ne bénéficie pas de ces appuis, elle risque d’alimenter continuellement le souvenir des évènements traumatiques. Cela peut conduire à des pathologies et des difficultés pour entrer en relation avec des proches.

« La mère se méfie de l’enfant qui se méfie de la mère. Chacun renforce l’autre sans se rendre compte qu’il participe au tissage d’un lien évitant qui empêche le plaisir de la rencontre ». (La nuit, j’écrirai des soleils, p. 152)

Chapitre 22 – Nous habitons des mondes imaginés

Aucun être vivant n’est capable de percevoir tout le réel qui existe sur terre. L’être humain n’y échappe pas et pour survivre, il doit nécessairement sélectionner les informations qu’il retient. Puis il agence ces informations en fonction de différents paramètres, culturels, sociaux, psychologiques, etc. Boris Cyrulnik parle d’une nécessaire « réduction » (p. 159).

L’enfant, à l’âge de six ans, a développé la capacité de se souvenir. Il a alors besoin de mettre en mot et en récit des évènements passés et futurs. Ce sont souvent des adultes qui lui font part de récits. Ce processus se poursuit tout au long de la vie et prend des formes différentes en fonction des normes culturelles et des intentions de ceux qui font les récits.

Le problème survient lorsqu’une personne, ou plusieurs, affirment détenir une vérité unique. Or, une vérité unique n’existe pas. Il ne s’agit que d’une composition particulière de différents éléments sélectionnés dans la réalité. Mais c’est à partir de cette affirmation d’une vérité unique que certains justifient des phénomènes d’emprise, des dictatures, des massacres.

C’est pourquoi, rappelle l’auteur, la tolérance de différents récits sur la réalité est si importante pour assurer des questionnements, des réflexions et des débats nécessaires à la vie en société.

Chapitre 23 – Le théâtre des mots

Boris Cyrulnik nous invite à nous méfier des affirmations trop hâtives qui semblent se baser sur la science pour assoir leur légitimité. C’est à travers ces mécanismes que des hiérarchisations entre les humains se mettent en place.

Qu’est-ce qui caractérise un être humain ? Mais au fond qu’est-ce qu’un être humain ? Ces questions ont souvent été au centre de grands débats et d’articles scientifiques. Elles ont conduit à justifier des phénomènes de soumission, d’exploitation et d’esclavagisme ou encore à expliquer la délinquance par la génétique.

Observons plus précisément ce qui se déroule dans le monde animal non-humain. De nombreux animaux font preuve d’ingéniosité, utilisent des formes de langage, des outils, évitent l’inceste… Quel est donc le propre de l’être humain ? Cette question mérite beaucoup de précautions et d’attentions.

Chapitre 24 – Implicite idéologique des mots scientifiques

Des découvertes et avancées scientifiques ont été détournées, dans le cours de l’histoire, pour justifier des phénomènes de hiérarchisation entre les êtres humains suivant la couleur de peau, la religion, l’origine ethnique, etc.

Ainsi, les affirmations de certains auteurs ont été sorties de leur contexte et transformées sous la forme de phrases et d’expressions simples et à l’apparence logique.

Boris Cyrulnik cite des passages des œuvres du scientifique Darwin qui ont été récupérées, au cours des XIXe et XXe siècles pour expliquer des différences observées entre des êtres humains par la transmission génétique.

C’est alors que des auteurs, comme Hitler notamment, se sont servis de ces idées et les ont détournées pour affirmer leurs propres slogans racistes, xénophobes et homophobes.

Ces auteurs ont eux-mêmes inventé et décrit ce qu’ils considéraient comme « des faiblesses » chez certains êtres humains : appartenir à tel groupe religieux, avoir telle couleur de peau, être déficient physique ou mental, ne pas être hétérosexuel, etc. Et ils les ont attribuées à des causes génétiques.

Ils ont alors affirmé que la solution pour fortifier l’humanité était d’éliminer ceux qu’ils considéraient comme les plus faibles plutôt que de les accepter dans la société.

En reprenant des mots scientifiques, ils ont formulé des phrases à l’apparence logique. Pourtant si on les observe bien, ces phrases n’ont aucun sens d’un point de vue moral. Et ces phrases sont devenues des doxa et ont entraîné l’adhésion des masses. Ces phénomènes ont conduit à des dictatures, des massacres et des génocides.

Chapitre 25 – Sciences et imaginaire collectif

Il y a tant d’articles scientifiques publiés par jour que peu sont réellement lus par un grand nombre de personnes. Certains cependant apportent des découvertes qui marquent la société parce qu’ils répondent aussi à des préoccupations du moment et parce qu’ils déplacent le regard pour interroger la réalité.

Selon Boris Cyrulnik, l’imaginaire collectif constitue une source d’inspiration pour les inventeurs. Il cite plusieurs auteurs de découvertes importantes dans le domaine des soins mentaux et psychiatriques à partir de l’étude du comportement animal.

D’autres auteurs, comme Konrad Lorentz, Henri Laborit, Edgar Morin, ont permis à leurs innovations d’être diffusées culturellement « en agissant sur l’imaginaire social » (p. 189).

Chapitre 26 – Le spectacle du monde est un opéra

« Le spectacle du monde peut être assimilé à un opéra, une comédie apprise mot à mot, soulignée par la musique et encadrée par un bâtiment qui participe à la représentation. L’Opéra Garnier à Paris ou l’Opéra de Toulon, ainsi que d’autres Opéras dans le monde, nous aident à mieux comprendre comment l’architecture constitue l’écriture de ceux qui ont le pouvoir. » (La nuit, j’écrirai des soleils, p. 193)

Au cours de l’histoire, les sociétés ont créé des hiérarchies entre les êtres humains qui ont permis de légitimer la domination d’un petit nombre sur un plus grand nombre. Et nos sociétés actuelles n’y échappent pas.

Les récits et les représentations qui peuplent les sociétés peuvent fournir des appuis à certains pour assurer leur domination sur d’autres.

Boris Cyrulnik prend l’exemple de ceux qui, en France pendant la Seconde Guerre mondiale, ont pris l’initiative de dénoncer certains de leurs collègues et voisins qui étaient Juifs alors que rien de les y contraignait.

Simplement parce qu’ils étaient influencés et encouragés par les discours ambiants et qu’ils pensaient qu’ils pourraient parvenir à faciliter leurs carrières par exemple. Ainsi des dictateurs, comme Hitler, réussissent leur entreprise d’extermination avant tout parce qu’ils parviennent à s’assurer du soutien de multiples petits dictateurs dans la société.

Chapitre 27 – Scientifiques et romanciers

Boris Cyrulnik montre la similitude qui existe entre le travail des scientifiques et celui des romanciers : ils observent le réel et formulent des hypothèses. Les scientifiques cherchent à vérifier ces hypothèses à partir d’expérimentations. Les romanciers, eux, les mettent en action par le biais de l’écriture et de l’imagination.

« Dans les deux cas, il faut manipuler le réel pour faire surgir une nouvelle vision du monde […]. » (La nuit, j’écrirai des soleils, p. 201)

Selon l’auteur, l’écriture possède une puissance qui influence fortement les normes et les représentations qui circulent dans la société. Il cite plusieurs exemples historiques.

Chapitre 28 – Donner une forme verbale à son goût du monde

Le petit bébé construit une sorte de « filtre sensoriel » qui est préverbal (il ne peut pas encore parler) au contact du monde qui l’entoure et de ce qu’il ressent. Les perceptions ressenties lorsqu’il est en relation avec les adultes qui s’occupent de lui sont fondamentales pour la suite de son développement.

Puis, au fur et à mesure de son développement, les émotions de l’enfant sont influencées :

  • Par le monde et les autres personnes qui l’entourent ;
  • Mais aussi par son filtre sensoriel, par la mémoire de ce qu’il a déjà ressenti auparavant.

Ainsi, un même évènement, comme le retour d’un père dans le foyer familial après une longue absence, peut être perçu très différemment en fonction des liens d’attachement que l’enfant a déjà créés. Le père peut aussi bien être perçu comme une menace si l’enfant a créé un lien de sécurisation très fort uniquement avec sa mère. Il peut aussi être vu comme un héros (de retour de guerre) s’il est sécurisé auprès de plusieurs personnes.

L’auteur termine ce chapitre par une réflexion forte sur le trauma :

« Penser le trauma est radicalement différent de penser au trauma. Penser le trauma, c’est faire un travail intellectuel et affectif qui aide à transformer la représentation du malheur, afin de reprendre une nouvelle évolution (ce qui définit le processus de résilience). Alors que penser au trauma, c’est réviser sans cesse le scénario du malheur, renforcer la mémoire traumatisée, faciliter la répétition, empêcher toute évolution, se rendre prisonnier de son passé, ce qui définit le syndrome post-traumatique. » (La nuit, j’écrirai des soleils, p. 213)

Chapitre 29 – Écrire pour sortir du tombeau

Le travail sur la mémoire d’évènements passés permet de reconstituer des éléments qui peuvent être vérifiés par d’autres sources, extérieures à nous-mêmes, comme des sources historiques. Mais ce que nous vivons aujourd’hui influence aussi la représentation que nous faisons de ce passé.

Boris Cyrulnik avance l’idée que la résilience est possible à partir du moment où l’on peut parler de son passé, ou écrire à son sujet, se le « représenter », le mettre en mot. Ainsi on peut essayer de trouver un sens aux faits et aller vers un avenir plus positif.

Si l’on reste dans un brouillard permanent, figé dans une répétition d’événements traumatiques passés, le présent et l’avenir n’en sont qu’une éternelle répétition.

« Pour se remettre à vivre quand on ne peut plus parler parce que l’émotion nous rend muet et que la société nous fait taire, il reste l’échappée de l’écriture. Dans le repli sur soi, dans la plongée intérieure, on va chercher des mots pour donner forme à quelques idées qu’on adresse aux lecteurs, amis réels ou invisibles. On se met au clair, on sort du tombeau de la non-pensée, on reprend conscience. » (La nuit, j’écrirai des soleils, p. 220)

La nuit, j'écrirai des soleils : écrire des soleils pour réapprendre à vivre

Chapitre 30 – L’effort d’écrire modifie l’histoire

L’écriture destinée à être partagée avec certains lecteurs permet de transformer « son trauma en ouvrage socialisant » (p. 227). Nous témoignons souvent d’une horreur vécue pour contribuer à ce qu’elle ne se reproduise pas.

Attention cependant, pour soutenir un processus de résilience, l’écriture doit élaborer des idées qui permettent de construire un sens et de projeter un avenir meilleur.

L’écriture qui n’est que répétition du trauma mène à la dépression et à l’isolement. Elle n’est qu’alimentation d’un délire qui peut devenir psychotique.

Les lecteurs de cet article ont également lu :  Comment trouver le leader en vous

Chapitre 31 – Dans la boue, avoir des rêves dorés

Boris Cyrulnik reprend la réflexion sur son propre parcours de vie. À la sortie de la Seconde guerre mondiale, personne ne croit en son histoire. Celui-ci vit en effet sous une nouvelle identité et ses parents sont morts en déportation. Par ailleurs, il s’est échappé d’un lieu d’enfermement nazi et a été recueilli par des Justes, puis dans différentes institutions. Enfin, il est élevé par une tante moralement blessée et accuse un retard scolaire.

Il s’est alors inventé des rêves éveillés peuplés d’animaux ou de filles qui ne le jugeaient pas mais qui réagissaient avec bienveillance aux histoires extraordinaires qu’il racontait. Ainsi, il reformulait et traduisait autrement des situations et des sensations qu’il avait réellement vécues et ressenties.

Boris Cyrulnik pense que ses rêves éveillés lui ont fourni un refuge qui lui a permis de rattraper son retard scolaire. Le souvenir inconscient des émotions positives transmises par ses parents alors qu’il était tout petit enfant lui a aussi fourni un appui.

C’est alors qu’il a pu puiser la force de se projeter vers un avenir positif où il est finalement devenu ce qu’il avait décidé (médecin). Il s’est également senti attiré et encouragé par des personnes qui semblent réaliser leurs rêves les plus fous.

Chapitre 32 – Comment déguster l’horreur des œuvres d’art

Le sordide, le macabre et la souffrance sont très souvent représentés dans la société, à travers des œuvres d’art, des écrits ou encore dans les articles de presse et au journal télévisé. Les héros, ceux qui résistent ou qui se sortent de ces situations extrêmes, injustes et inhumaines suscitent l’admiration.

Pour être bien sécurisé, un enfant doit être attaché sainement à deux adultes ou deux figures différentes. S’il n’est sécurisé que par une seule personne, il risque d’être enfermé dans un seul schéma d’attachement.

Boris Cyrulnik prend l’exemple de Romain Gary qui aurait pu suivre ce chemin puisqu’ayant perdu très tôt son père, il est resté seul avec sa mère. Mais il a réussi à s’ouvrir à la différence car il a aussi été très tôt en contact avec de multiples mondes et langues différentes.

« Par bonheur, le contexte social a forcé l’enfant [Romain Gary] à s’ouvrir sur d’autres mondes. […] Ces langues éclairent mille mondes, les frontières n’existent pas quand on apprend à penser de tant de manières différentes. » (La nuit, j’écrirai des soleils, p. 246)

Chapitre 33 – Ne sachant pas qui je suis, j’ai le plaisir de me rêver

Pour se construire, un enfant a besoin d’être ancré dans une identité. Cette identité peut être réelle, s’il connait ses deux parents et sa famille : il a alors accès, par différents biais, à l’histoire familiale et à la culture de la société dans laquelle il vit.

Si l’enfant n’a pas accès à ses origines, s’il est orphelin notamment, il a besoin de chercher à se construire une identité. Mais il a alors le choix entre plusieurs récits possibles sur sa filiation. Il peut alors imaginer ses ascendants sous différents aspects faisant varier les métiers, les traits physiques, la personnalité, la nationalité, etc.

Cela peut représenter une grande difficulté, mais aussi une chance de s’ouvrir à différents mondes et modes de pensée.

Chapitre 34 – Le bonheur dans l’hallucination

Le souvenir des personnes décédées peut rester très présent dans le monde des vivants.

Boris Cyrulnik cite l’exemple de la mère de Romain Gary qui lui a laissé un grand nombre de lettres transmises progressivement par ses amis, même longtemps après sa mort. Ainsi elle continuait à vivre dans son quotidien.

« Un tel évènement psychique n’est pas rare. Beaucoup de veuves entendent leur mari rentrer du travail, et respirer profondément la nuit, alors qu’il est mort depuis longtemps. Cette hallucination les comble puisqu’elles ont ainsi la preuve qu’il n’est pas vraiment mort. […] L’absence du mort dans le réel les pousse à combler ce manque par une hallucination qui les apaise. » (La nuit, j’écrirai des soleils, p. 262)

Chapitre 35 – La poésie, langage du deuil

Le processus de résilience s’engage lorsque l’horreur vécue est relatée à travers des mots qui permettent de la communiquer à d’autres personnes. Ces personnes peuvent alors aider en retour le traumatisé en l’amenant vers des formes de « resocialisation ».

Beaucoup d’écrivains ou d’artistes célèbres ont été blessés ou traumatisés par certains évènements, par des pertes d’êtres chers alors qu’ils étaient tout jeunes enfants, par des deuils et des blessures affectives profondes. L’écriture et la création poétique, et souvent la représentation d’éléments autobiographiques, ont constitué des formes d’apaisement et de refuge.

Chapitre 36 – Littérature de la trace

« Un conte explique à l’enfant comment il peut métamorphoser l’horreur au moyen du symbole. Faire un récit d’horreur, c’est l’apprivoiser, maîtriser la peur de l’inconnu, combler le vide en y découvrant des trésors. » (La nuit, j’écrirai des soleils, p. 279)

À travers la littérature, de nombreux écrivains tentent de dépasser leurs propres angoisses nées d’un sentiment de vide affectif. Cela permet de fabriquer un « récit de soi » (p. 281). Cette identité créée et affirmée, en exprimant « la trace » de ses origines, procure un sentiment d’apaisement à son auteur.

Chapitre 37 – Littérature du souvenir

Des expériences scientifiques ont montré que, parmi plusieurs types de photos, celles qui représentent des scènes horribles restaient le plus vivement ancrées dans la mémoire.

Un effort est alors nécessaire pour ne pas se laisser dominer par ses souvenirs douloureux et pour se concentrer sur les positifs.

« On peut prouver aujourd’hui qu’en parlant avec un locuteur sécurisant ou en écrivant un conte fondé sur une mémoire blessée, on s’entraîne à voir les choses autrement, on maîtrise l’émotion, on modifie la représentation de l’horreur. On se sent mieux, soulagé du poids du passé, peut-être parce qu’on a trahi le réel en modifiant la représentation. » (La nuit, j’écrirai des soleils, p. 287)

Chapitre 38 – Concordance ou discordance des récits

Selon Boris Cyrulnik, le petit enfant, déjà dans le ventre de sa mère crée un lien avec elle et ressent les effets de l’environnement social dans lequel il va naître. Puis il est entouré par des adultes qui lui transmettent les récits d’une histoire familiale et culturelle à la fois réelle et imaginée. Il perçoit alors la place qui lui est attribuée et qu’il doit prendre.

L’enfant est également mis en contact avec des récits et des contes populaires qui présentent des figures psychologiques simplifiées (les bons et les méchants, les gentils, les naïfs, etc.). Dans ces histoires, ce sont les bons qui gagnent le plus souvent, faisant ainsi triompher de bonnes valeurs.

De même, les enfants apprennent à jouer en mettant en scène des métiers ou des rôles pensés comme vertueux : le médecin, le policier, la cuisinière, la maman, etc. Autant d’incarnations qui sauvent des vies, protègent et nourrissent.

Lorsque l’enfant est mis en contact avec des réalités qui confirment ces récits populaires vertueux, il y a concordance. À l’inverse, lorsqu’il est mis en contact avec des éléments qui contredisent ces récits, il est confronté à de la discordance. Il préfère alors se taire au contact des adultes qui lui ont raconté ces récits, de peur d’être rejeté, ce qui alimente une forme de traumatisme.

Chapitre 39 – La morale de cette histoire

La créativité est au cœur de la pensée de Boris Cyrulnik.

« Les blessures de l’existence, les manques et les pertes nous mettent en demeure de créer d’autres mondes plus habitables où nos âmes assombries seront ensoleillées par nos œuvres. Quand la créativité est fille de la souffrance, l’écriture rassemble en une seule activité les principaux mécanismes de défense : l’intellectualisation, la rêverie, la rationalisation et la sublimation. » (La nuit, j’écrirai des soleils, p. 296)

L’écriture permet de créer une émotion partageable avec d’autres. Par la constitution d’un lien avec le lecteur, elle apaise et procure de la reconnaissance. Et en se reconnectant au social, on se sent moins seul.

La nuit, j'écrirai des soleils : le pouvoir du rêve et de la créativité

Conclusion sur « La nuit, j’écrirai des soleils » de Boris Cyrulnik :

Ce qu’il faut retenir de « La nuit, j’écrirai des soleils » de Boris Cyrulnik :

Voici un livre fort en idées et en émotions par lequel Boris Cyrulnik nous invite à réfléchir en profondeur à nos propres traumatismes et à ceux des autres, ainsi qu’aux moyens par lesquels nous pouvons essayer de les surmonter. Il convoque le pouvoir de l’imagination, du rêve et de l’écriture.

Le chemin vers la résilience n’est pas facile à emprunter pour une personne traumatisée. L’écriture, en sélectionnant des éléments, en les recomposant et en convoquant aussi bien le réel que l’imagination peut permettre d’emprunter ce chemin. En d’autres mots, devenir écrivain peut être une manière de pratiquer la résilience.

Boris Cyrulnik observe comment lui-même et plusieurs grands écrivains ont trouvé leur source d’inspiration et la force d’avancer dans leurs propres histoires de vie marquées dès le début par le deuil, la séparation, le manque et la perte d’êtres chers et de repères.

Points forts :

  • L’auteur étudie la résilience par l’écriture à partir du croisement de plusieurs sources ;
  • Un grand nombre de références scientifiques et littéraires ;
  • Des exemples nombreux et passionnants tirés de la vie de l’auteur lui-même et de celles de grands auteurs et compositeurs.

Point faible :

  • Par moment, l’auteur se répète et perd aussi quelque peu le fil principal du développement, mais cela ne nuit pas au plaisir de lecture ni à l’intérêt intellectuel de l’ouvrage.

Ma note :

Le petit guide pratique du livre La nuit, j’écrirai des soleils de Boris Cyrulnik

Quels sont les trois points clés essentiels du livre La nuit, j’écrirai des soleils de Boris Cyrulnik ?

  • La résilience par l’écriture
  • L’importance du récit personnel
  • Le lien entre créativité et résilience

Foire Aux Questions (FAQ) du livre La nuit, j’écrirai des soleils de Boris Cyrulnik

1. Comment le public a accueilli le livre La nuit, j’écrirai des soleils de Boris Cyrulnik ?

Le livre a été accueilli positivement par le public et a continué à renforcer la réputation de l’auteur en tant qu’expert dans le domaine de la résilience et de la psychologie humaine. Beaucoup laissent des témoignages positifs sur Amazon.

2. Quel fut l’impact du livre La nuit, j’écrirai des soleils de Boris Cyrulnik ?

Ce livre a eu un impact positif et significatif sur les lecteurs. Tout d’abord, il a contribué à sensibiliser à la résilience et à encourager l’expression personnelle. Deuxièmement, il a incité les gens à réfléchir sur les traumatismes, changeant ainsi leur point de vue sur les difficultés.

3. À qui s’adresse le livre La nuit, j’écrirai des soleils de Boris Cyrulnik ?

« La nuit, j’écrirai des soleils » s’adresse à tout le monde en général. Mais en particulier aux personnes intéressées par la psychologie, la résilience et l’exploration de la guérison émotionnelle par l’écriture.

4. Quel est le plus grand rôle de l’écriture créative ?

L’écriture créative apporte un soulagement à une douleur qui semble insurmontable.

5. À quel âge l’enfant développe la capacité de se souvenir ?

À l’âge de 6 ans

Ce qui influence les émotions des enfants vs La similitude entre les scientifiques et les romanciers

Ce qui influence les émotions des enfantsLa similitude entre les scientifiques et les romanciers
Par le monde et les autres personnes qui l’entourentLes scientifiques cherchent à vérifier ces hypothèses à partir d’expérimentations.
Par son filtre sensoriel, par la mémoire de ce qu’il a déjà ressenti auparavantLes romanciers, eux, les mettent en action par le biais de l’écriture et de l’imagination.

Qui est Boris Cyrulnik ?

Boris Cyrulnik : Auteur du livre La nuit, j'écrirai des soleils

Boris Cyrulnik, né à Bordeaux le 26 juillet 1937, est un neuropsychiatre et éthologue français connu pour ses travaux sur la résilience, la psychologie et le développement personnel. Il a survécu à la déportation pendant la Seconde Guerre mondiale et est l’auteur d’ouvrages influents tels que Un merveilleux malheur et Les vilains petits canards, qui ont contribué à populariser sa vision de la capacité humaine à surmonter les traumatismes et à se rétablir sur le plan émotionnel.

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