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Résumé de « Ma vie sur la route | Mémoires d’une icône féministe » de Gloria Steinem : dans ce récit autobiographique qui mêle souvenirs personnels et réflexions sur l’histoire du mouvement des femmes Outre-Atlantique, Gloria Steinem retrace son parcours de militante féministe et de journaliste engagée. Elle partage, en parallèle, son amour de la route et comment ses voyages à travers les États-Unis ont façonné sa vision du monde et nourri son combat pour l’égalité et pour une société plus juste.
Par Gloria Steinem, 2020, 416 pages.
Titre original : « My Life On the Road«
Chronique et résumé de « Ma vie sur la route | Mémoires d’une icône féministe » de Gloria Steinem
Avant-propos de « Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe » de Gloria Steinem
Dans cet avant-propos, l’auteure, Gloria Steinem, raconte son arrivée à un pow-wow des Sioux Lakotas avec cinq amies, au milieu de bikers peu conventionnels. Elle confie ses a priori sur les motards. En échangeant avec certains d’entre eux, elle s’apercevra à quel point ses idées s’avèrent infondées.
L’auteure de « Ma vie sur la route | Mémoires d’une icône féministe » rapporte notamment une conversation avec une femme biker passionnée de littérature. Celle-ci raconte rouler désormais seule sur sa propre Harley violette :
« – Vous voyez la Harley violette, cette bécane magnifique ? C’est la mienne. Avant, je montais derrière mon mari et je ne roulais jamais seule. Puis les enfants ont grandi et j’ai tapé du poing sur la table. Ça a été dur, au début, mais nous avons appris à devenir de véritables partenaires. Et maintenant il préfère ça. Il n’a plus peur de tomber en panne ou d’avoir une crise cardiaque qui nous tuerait tous les deux. J’ai même mis « Ms. » sur ma plaque d’immatriculation. La tête de mes petits-enfants quand ils voient leur grand-mère débarquer sur sa Harley violette !«
Cette rencontre amène Gloria Steinem à réfléchir sur l’importance de s’approcher des gens pour dépasser ses préjugés. Elle conclut en soulignant que la route est source d’enseignements, et que nous avons tous en nous une « moto violette » à trouver et enfourcher.
Introduction – Panneaux indicateurs
La route comme mode de vie
Dans l’introduction de son livre « Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe« , Gloria Steinem nous révèle que voyager est son mode de vie depuis plus de 40 ans.
En effet, l’auteure nous explique que la route est devenue le lien entre tous les éléments de son existence : son travail de journaliste, son engagement féministe, sa vie communautaire. Elle confie que c’est en voyageant qu’elle a trouvé l’énergie et l’espoir qui l’animent encore aujourd’hui.
Un héritage paternel insoupçonné
Gloria Steinem revient ensuite sur une découverte troublante : en se penchant sur son passé, elle a réalisé qu’elle avait inconsciemment suivi les traces de son père, un éternel nomade. Malgré leurs différences, elle admet être bien la fille de cet homme pour qui la route était toute sa vie.
« Jusque-là, j’aurais juré que je m’étais rebellée contre le mode de vie de mon père. Je m’étais créé un chez-moi que j’aimais, un havre où je pouvais me réfugier ; lui était un perpétuel nomade. Je n’avais jamais emprunté un sou ; il était constamment endetté. Je prenais l’avion ou le train pour vivre des aventures communautaires ; il préférait mille fois rouler seul pendant une semaine. Mais il arrive qu’on croie tourner le dos à son passé uniquement pour découvrir qu’on est revenu à ses racines. J’ai compris ainsi que ce n’était pas un hasard si je me sentais chez moi sur la route. Jusqu’à l’âge de dix ans, c’était toute ma vie. J’étais bien la fille de mon père.«
L’auteure souligne d’ailleurs que, pour elle, c’est le voyage qui a créé sa vie sédentaire, et non l’inverse.
– La route est une école de vie pour Gloria Steinem
Pour l’auteure de « Ma vie sur la route« , voyager lui a d’abord appris l’importance du contact direct avec les gens, au-delà des idées reçues véhiculées par les médias.
C’est en allant à la rencontre des Américains qu’elle a pu mesurer la complexité et la diversité de son pays, loin des poncifs réducteurs. Gloria Steinem est convaincue que la route, en nous mettant face au réel, nous fait passer de la tête au cœur :
« Prendre la route – ou plutôt laisser la route me prendre – a changé la perception que j’avais de moi-même. Si la route est compliquée, c’est parce que la vraie vie est compliquée. C’est ce qui nous permet de passer du déni au réel, de la théorie à la pratique, de la prudence à l’action, des statistiques à l’expérience individuelle : en bref, de la tête au cœur.«
– Pourquoi Gloria Steinem a écrit « Ma vie sur la route«
À travers ce livre, Gloria Steinem confie vouloir partager avec nous sa passion pour la route, un élément ancien et essentiel à sa vie.
Elle espère, de cette façon, nous donner envie de nous lancer nous aussi dans l’aventure du voyage, synonyme de révélations et de rencontres marquantes selon elle. Car pour elle, partir, c’est aussi une façon d’organiser l’avenir et de mieux nous comprendre nous-même.
Un autre vœu, déclare-t-elle, avec ce livre, est de partager des histoires. « Plus que toute autre chose, le voyage nous oblige à vivre l’instant« . Aussi, toutes ces rencontres faites en voyage « sont autant d’instants magiques » écrit-elle :
« Peut-être parce que les femmes sont censées savoir écouter, une voyageuse – et peut-être tout particulièrement une voyageuse féministe – devient une sorte de « barmaid céleste ». Les gens lui révèlent des choses qu’ils ne confieraient même pas à leur psy.«
Enfin, Gloria Steinem souligne que traditionnellement, la route a été l’apanage des hommes, tandis que les femmes incarnaient le foyer. Elle note que partir reste encore périlleux pour une femme, entre les mises en garde et les restrictions imposées.
Mais d’après elle, il n’y a peut-être rien de plus révolutionnaire pour une femme que de voyager de son plein gré et d’être fêtée à son retour.
Chapitre 1 – Dans les pas de mon père
1.1 – Une enfance nomade au rythme des saisons
Dans le premier chapitre de son livre « Ma vie sur la route« , Gloria Steinem nous plonge dans son enfance singulière, marquée par une vie nomade au gré des saisons.
En effet, l’auteure nous confie être littéralement « tombée dans la route« dès son plus jeune âge, son père Leo ne se satisfaisant d’une existence sédentaire que quelques mois par an.
Elle décrit avec force et détails leurs étés dans le Michigan, où son père gérait un dancing au bord d’un lac où il faisait venir les meilleurs orchestres. Mais dès l’arrivée de l’automne, l’appel de la route se faisait irrésistible pour cet éternel bourlingueur.
1.2 – Des parents vivant au rythme de la terre
Gloria dépeint ses parents comme vivant en harmonie avec la terre et les opportunités qu’elle offrait.
Chaque automne, la petite famille sillonnait la région pour chiner antiquités et bibelots lors de ventes aux enchères rurales. Puis, quand les premières gelées annonçaient l’hiver, ils entamaient leur long périple vers la Floride ou la Californie, troquant et vendant leurs trouvailles tout au long du voyage pour financer leur transhumance.
L’auteure souligne que pour ses parents, cette vie au rythme des saisons constituait en soi un enseignement.
1.3 – Une éducation hors des sentiers battus
Pendant que sa sœur aînée fréquentait les bancs du lycée, la jeune Gloria passait, elle, le plus clair de son temps libre plongée dans la lecture de bandes dessinées et de romans pour la jeunesse. À son âge, ses parents estimaient, précise-t-elle, « que le voyage était un enseignement en soi« . Avec le recul, elle réalise avoir appris à lire grâce aux panneaux routiers et aux slogans publicitaires qui jalonnaient leur route, un « abécédaire idéal » en somme.
L’auteure fait ici le récit de ces nombreuses pérégrinations enfantines passées sur la route. « L’odeur âcre des stations-service », les paysages désertiques ponctués de ranchs « se vantant d’élever des serpents à sonnette », les villes fantômes, les « douches de béton froides des parcs de mobile-homes », les motels plus confortables, « les effluves de l’air salin » sur les routes surplombant le Pacifique… Bref, un quotidien fait de vagabondages, joyeux et libre.
Mais une vie hors norme où la fillette aspirait aussi, à cette époque, à être comme les autres.
Ainsi, bercée par le ronronnement du moteur, elle se perdait alors dans des rêveries, s’imaginant parfois être une enfant adoptée qu’on viendrait chercher pour l’emmener vers une existence plus conventionnelle, faite de stabilité et de petits rituels.
« Il y a cependant une autre vérité plus difficile à admettre au sujet de mes premières années : j’aspirais à un foyer. Pas un lieu déterminé, juste une maison idéale, propre et rangée, avec des parents normaux, une école où j’irais à pied, des copines qui habiteraient à côté. Ma vie rêvée ressemblait furieusement à celle qu’on me présentait au cinéma. Ce désir était comme une fièvre, pas très forte, mais constante. Jamais je ne me suis fait la réflexion que ces enfants qui vivaient dans des maisons impeccables et devaient aller en classe tous les jours me jalousaient peut-être.«
1.4 – L’éclatement douloureux de la cellule familiale
Le cours de cette enfance nomade est brutalement interrompu quand, à l’aube de ses dix ans, Gloria voit ses parents se séparer.
On est en 1944. Contrainte de s’installer avec sa mère dans l’Ohio, elle goûte pour la première fois à une vie plus traditionnelle, rythmée par l’école et la sédentarité. Mais très vite, les troubles psychologiques de sa mère, sujette à de sévères épisodes dépressifs, obligent l’adolescente à endosser de lourdes responsabilités.
Tiraillée entre son désir de normalité et la honte des problèmes familiaux, Gloria peine à trouver sa place.
1.5 – Un père fantasque, optimiste et joueur
Pendant ce temps, le père de Gloria poursuit sa vie d’errance solitaire à travers le pays, donnant sporadiquement de ses nouvelles.
Au fil de ses cartes postales pleines d’anecdotes et de projets plus loufoques les uns que les autres, c’est le portrait d’un homme fantasque et joueur qui se dessine. Éternel optimiste, Leo est convaincu que « l’affaire du siècle » l’attend forcément au prochain tournant.
Gloria relate, avec une tendresse teintée d’amusement, certaines de leurs aventures cocasses, comme ce périple improvisé qui les mena de Las Vegas à Washington, sans le sou, mais riches de leur complicité et de leur goût du jeu.
1.6 – Un lien indéfectible par-delà la distance et les années
Si les aléas de la vie ont fini par distendre leurs liens, Gloria sent confusément qu’une connexion indéfectible la relie à ce père anticonformiste.
Devenue adulte, elle réalise a posteriori à quel point ils se ressemblent, habités tous deux par une même soif de liberté et une incurable passion pour la route.
Pourtant, l’auteure avoue sans fard avoir eu honte de cet homme atypique à l’adolescence, embarrassée par son mode de vie marginal si éloigné de celui des pères de ses camarades. Il aura fallu des années à Gloria pour mesurer la valeur de l’héritage paternel.
1.7 – La fin de la route
La disparition brutale de son père dans un accident de voiture plonge Gloria dans un abîme de questions et de regrets.
« Pour des raisons professionnelles et géographiques, nous ne nous sommes guère vus au cours des années qui ont précédé sa mort. Je n’ai jamais eu l’occasion de lui dire ce que je pensais et lui non plus. Je ne l’ai jamais remercié pour toutes les fois où il s’est arrêté parce qu’il y avait un élevage, un manège ou un palomino doré à crins blancs dans un champ, afin de satisfaire ma passion des chevaux. (…) Je ne lui ai jamais dit que j’étais heureuse qu’il soit différent du père de ma meilleure amie. Un jour où j’avais assisté chez elle à une scène humiliante du genre « Termine ton assiette ou tu seras privée de dessert », je le mis à l’épreuve en rentrant à la maison. Comme d’habitude, nous prenions nos repas aux quatre coins du salon – jamais sur la table de la salle à manger toujours encombrée (…) – et il me demanda si je voulais du dessert. Je lui fis remarquer que je n’avais pas fini mon assiette. « Ce n’est pas grave, dit-il, se levant pour aller chercher la glace à la cuisine. Il y a des jours où on a faim pour certaines choses et pas pour d’autres. » À cet instant, j’aurais pu lui sauter au cou. Il écoutait patiemment mes récriminations quand je me plaignais de ne pas pouvoir aller en classe comme les autres enfants. Mais, après sa mort, je me suis rendu compte que, quels que soient ses défauts, mon éducation m’avait épargné toutes les limites et les obligations que l’école impose aux filles par rapport aux garçons.«
Par ailleurs, rongée par la culpabilité de ne pas avoir été à son chevet, elle s’interroge : a-t-il eu le temps de réaliser qu’il était arrivé au bout de sa route ? A-t-il regretté sur son lit de mort son existence d’éternel nomade ? S’est-il senti terriblement seul ? Autant de questionnements douloureux condamnés à rester sans réponse.
1.8 – Un père pas comme les autres, généreux et bienveillant
Il faudra à Gloria de longues années et des témoignages inattendus pour cerner peu à peu qui était vraiment cet homme qui l’a mise au monde. D’anciens amis de son père lui révèlent un être profondément généreux et bienveillant, capable de tendre la main aux plus démunis, un original sachant savourer l’instant présent loin des diktats d’une société bien-pensante.
Avec le temps, l’auteure de « Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe » admet que si son père a payé au prix fort ses choix de vie marginaux, il a eu au moins le mérite et le courage de suivre sa propre voie sans se soucier du regard d’autrui.
1.9 – Entre désir de normalité et soif d’aventures
En conclusion de ce 1er chapitre dans lequel elle nous livre un récit détaillé et captivant de son enfance tourmentée, Gloria Steinem tente de faire la paix avec l’héritage complexe de ce père hors norme.
Malgré cette enfance chaotique et instable, un désir de normalité et des périodes de rejet, elle reconnaît avoir indubitablement hérité de lui un goût prononcé pour l’aventure et la vie nomade.
L’auteure laisse entendre qu’entre le confort rassurant d’un foyer et les promesses incertaines de la route, elle choisirait, elle aussi, aujourd’hui, le nomadisme.
Elle termine ce chapitre introspectif de « Ma vie sur la route » en s’interrogeant :
« Je me demande parfois si mes pérégrinations croisent les routes empruntées par mon père, si nous pénétrons dans les mêmes villes, les mêmes relais routiers, si nous suivons les mêmes rubans d’asphalte noirs luisant sous la pluie nocturne, comme sur une succession d’images défilant en accéléré. Je me sens à la fois très différente et très semblable à lui. »
Chapitre 2 – Cercles de parole
2.1 – En quête d’une vie conventionnelle
Dans le chapitre 2 de son livre « Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe« , Gloria Steinem raconte son désir, d’abord, d’une vie conventionnelle.
Elle confie, en effet, qu’après son enfance nomade aux côtés d’un père vagabond, elle aspirait à une existence diamétralement opposée, rêvant d’un foyer stable et d’une vie rangée. Pourtant, c’est un séjour de deux ans en Inde après l’université qui va ébranler ses certitudes : elle comprend qu’il est possible de voyager autrement que seul.
« C’est en Inde, où j’ai passé deux ans après l’université – pour fuir un brave garçon qui n’était pas fait pour moi –, que j’ai compris que les grandes traversées en solitaire de mon père n’étaient pas le seul modèle. Là-bas, j’ai découvert que la route pouvait se partager, qu’il existait une manière différente d’aborder le voyage, à la fois très ancienne et très moderne.«
2.2 – Immersion dans le quotidien indien
Arrivée à New Delhi, la jeune femme apprend à porter un sari et à prendre les transports en commun bondés. C’est ainsi qu’elle plonge, confie-t-elle véritablement dans la vie indienne.
Dans les bus notamment, Gloria se lie avec des femmes de toutes conditions qui l’initient à leur culture et leurs préoccupations. Elle réalise que ce n’est qu’en partageant leur quotidien qu’elle peut réellement comprendre ce pays.
2.3 – La révélation des cercles de parole
Mais c’est un périple improvisé au cœur d’une région rurale en proie à de violentes émeutes qui va marquer un tournant décisif dans son parcours.
Aux côtés d’un vieil homme d’un ashram gandhien, Gloria arpente les villages. Les soirs, elle assiste à d’intenses cercles de parole où les habitants se livrent sur les drames vécus. Malgré la barrière de la langue, la jeune Américaine est frappée par la puissance cathartique et apaisante de ces échanges. Elle prend conscience de la « magie du groupe où chacun peut s’exprimer, où tout le monde doit écouter, où l’important est d’arriver à un consensus, quel que soit le temps nécessaire. » Elle réalise alors que ces cercles de parole ont, en fait, été « un mode de gouvernement ordinaire pendant presque toute l’histoire de l’humanité« .
2.4 – Des leçons gandhiennes
Au fil des jours, Gloria Steinem observe que les disciples de Gandhi suscitent la générosité et rendent la non-violence possible par leur simple présence à l’écoute. Elle tire alors de ces derniers une leçon essentielle : pour être entendu, il faut d’abord écouter ; pour espérer changer les mentalités, il faut comprendre la vie des gens ; pour créer un lien, il faut regarder l’autre dans les yeux.
Des enseignements précieux pour la future « community organizer » qu’elle deviendra sans le savoir encore, une dizaine d’années plus tard.
2.5 – Le féminisme, un combat universel
Vingt ans plus tard, de retour en Inde, Gloria Steinem mesure le chemin parcouru.
Partout dans le monde, les femmes s’organisent pour faire entendre leur voix et réclamer l’égalité. Avec son amie Devaki Jain, elle souhaite diffuser les méthodes de résistance non-violente de Gandhi auprès des féministes. Mais une vétérante du mouvement d’indépendance leur révèle que ce sont en réalité les femmes qui ont inspiré le Mahatma !
C’est une prise de conscience pour Gloria Steinem : le féminisme n’a pas à s’inspirer des grands hommes, il dispose de ses propres ressources, puisées dans une longue histoire de luttes.
2.6 – Une vocation de « rassembleuse » itinérante
Avec le recul, Gloria Steinem comprend que son deuxième séjour en Inde a été le révélateur de sa vocation de « rassembleuse ».
Loin de sa vie new-yorkaise, elle réalise que l’écoute et le partage sont ses plus précieux outils pour faire bouger les lignes. Les cercles de parole découverts au cœur des villages indiens trouvent un écho dans son engagement féministe aux États-Unis. La militante a enfin trouvé sa voie, conciliant son goût de l’indépendance hérité de son père et son besoin de collectif né des épreuves maternelles.
Sur les routes d’Amérique, elle va répandre la bonne parole de la sororité.
2.7 – Les femmes, un « exogroupe » qui se rebelle
Grâce à Mme Greene, Gloria Steinem réalise que les femmes forment ce que la psychologie sociale appelle un « exogroupe », un ensemble d’individus auquel le groupe dominant ne s’identifie pas.
Cela explique les discriminations et les stéréotypes qu’elles subissent dans tous les domaines. Malgré les réticences des rédacteurs en chef, l’auteure de « Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe » veut rendre compte de cette révolution qui accorde une égale valeur à tous.
2.8 – Des conférences pour sensibiliser les foules
Invitée à parler de la « libération des femmes », Gloria surmonte sa peur de s’exprimer en public en faisant équipe avec son amie Dorothy.
Leur duo inédit, une Blanche et une Noire, attire un public diversifié.
Au fil des conférences, elles créent un environnement propice à l’émergence de cercles de parole où chacun peut partager son vécu et se sentir moins seul face à l’injustice.
2.9 – Le féminisme, un feu de forêt qui se propage
À la fin des années 60, le féminisme se répand comme une traînée de poudre, inquiétant aussi bien la droite religieuse que la gauche radicale, explique l’auteure.
« Le féminisme ne tarda pas à se propager comme un feu de forêt à l’ensemble du pays. Beaucoup d’ailleurs le considéraient avec autant d’inquiétude. Pour la droite religieuse et une bonne partie de l’opinion, nous défiions Dieu, la famille et le patriarcat. Pour la gauche, pointer du doigt la discrimination sexuelle détournait l’attention de la lutte des classes, du racisme et d’autres problèmes plus importants, car ils affectaient les hommes.«
Gloria Steinem fait alors équipe avec d’autres militantes afro-américaines charismatiques. Elle démontre de cette façon que le mouvement est bien plus inclusif que ne le prétendent les médias qui le résument à la « classe moyenne blanche ».
Ces tournées en duo lui révèlent des vérités dérangeantes sur le sexisme et le racisme aux États-Unis.
2.10 – Les pièges du sexisme ordinaire
Gloria découvre aussi les réactions mesquines visant à la réduire à son physique. On l’accuse de n’être écoutée que pour son apparence, comme si une jolie femme ne pouvait avoir de légitimité intellectuelle. « L’idée que je devais à mon physique tout ce que j’avais accompli demeurerait un préjugé et une accusation blessante qui me colleraient à la peau jusqu’à un âge avancé » écrit-elle.
Heureusement, sur le terrain, le bon sens du public et l’humour de ses partenaires remettent « les pendules à l’heure ».
Elle apprend aussi à faire face aux différentes attaques : par exemple, si on la traitait de lesbienne (à cette époque, une féministe célibataire était nécessairement lesbienne, rappelle-t-elle), elle disait simplement « merci ». « Une réponse qui ne révélait rien, décontenançait mon interlocuteur, exprimait ma solidarité avec les homosexuelles et faisait rire la salle » explique l’auteure.
2.11 – Un événement oublié qui a changé une vie
Gloria Steinem confie que la Conférence nationale des femmes de 1977 à Houston a été un tournant décisif dans son existence.
En l’espace de trois jours et deux ans de préparation, sa vie est devenue indissociable des combats féministes et des femmes rencontrées sur le terrain. Cette assemblée, la plus représentative que le pays ait connue, fut pour l’auteure « le cercle de parole suprême« .
« Ces deux années qui furent à la fois interminables, dures, drôles, éducatives, exaspérantes, fédératrices, anarchiques et épuisantes raccourcirent sans doute nos vies à toutes. Mais cela en valait la peine.«
2.12 – Un défi à la hauteur d’une campagne présidentielle
L’organisation de cette conférence, lance l’auteure, fut un véritable défi, impliquant 56 États et territoires dans un processus ultra-démocratique.
L’afflux des participantes, bien au-delà des prévisions, mit à rude épreuve la logistique. Par ailleurs, certains groupes religieux conservateurs tentèrent de fausser la représentativité en envoyant des délégations entières voter contre l’égalité.
Mais malgré ces obstacles, Bella Abzug et son équipe tinrent bon.
2.13 – Houston, entre espoirs et appréhensions
À Houston, le jour de la conférence, l’excitation était à son comble parmi les 2000 déléguées et les 18000 observatrices. Et ce, malgré la présence menaçante d’opposants à l’extérieur.
Des personnalités comme les épouses de présidents et la poétesse Maya Angelou marquèrent l’événement de leur présence.
Les débats furent intenses sur les 26 thèmes abordés, de la garde d’enfants aux droits des lesbiennes, mais un esprit de respect prévalut.
2.14 – Le « plan d’action national », un texte historique
Un moment fort de cette conférence fut le vote du « plan d’action national » rédigé par Gloria Steinem en lien avec les déléguées issues des minorités.
Pour la première fois, les problèmes spécifiques des femmes noires, hispaniques, asiatiques et amérindiennes étaient pris en compte dans un même texte. Son adoption enthousiaste, suivie du chant « We Shall Overcome« , constitua un instant d’intense communion et d’émotion.
2.15 – Une prise de conscience décisive
Pour Gloria Steinem, cet événement fut un avant/après. Avant, elle croyait en la capacité des femmes à s’organiser, sans vraiment y croire. Après, elle en avait la certitude. Avant, elle savait qu’en petit comité, elles pouvaient dépasser leurs différences. Après, elle réalisait que c’était aussi vrai à grande échelle, pour des enjeux cruciaux.
Houston lui révéla la puissance des relations en cercle, par opposition à la hiérarchie.
2.16 – Un héritage menacé mais essentiel
Épuisée à la fin de la conférence, Gloria s’interroge : cet événement historique marquera-t-il les esprits ou sera-t-il oublié, comme tant de luttes féministes avant lui ?
Le cadeau impromptu de trois déléguées amérindiennes – un châle pour danser et un collier protecteur – lui redonne espoir.
Désormais, elle sait l’importance de témoigner de ce moment fondateur où un autre monde s’est dessiné. Et si pour Billie Nave Masters, une intervenante marquante de la conférence, Houston demeurait « l’expérience la plus intense et significative » de sa vie, pour Gloria Steinem, l’évènement fut tout aussi révélateur :
« Sans cet aperçu d’un autre mode de vie – qui avait été et pouvait donc être à nouveau –, je n’aurais pas voyagé de la même façon, je n’aurais pas vu le même pays et je ne serais sans doute pas devenue celle que je suis.«
Chapitre 3 – Pourquoi je ne conduis pas
3.1 – L’Inde et la révélation d’un autre mode de transport
Dans le 3ème chapitre de son livre « Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe« , Gloria Steinem s’interroge sur les raisons qui l’ont amenée à ne jamais passer le permis de conduire, alors même que la voiture est un symbole d’indépendance pour les Américaines.
Elle confie que c’est son séjour en Inde qui lui a fait découvrir les vertus des transports en commun, loin de l’isolement de « boîtes de conserve roulantes« . Désormais, elle assume pleinement ce choix atypique, affirmant que pour elle, « l’aventure commence à l’instant où [elle] sort de chez [elle]« .
3.2 – Un chauffeur de taxi pas comme les autres
L’auteure raconte un souvenir marquant, alors qu’elle se rendait à l’aéroport en compagnie de son amant de l’époque.
Dans le taxi, le couple se sent d’abord mal à l’aise, scruté par le regard du chauffeur dans le rétroviseur. Mais l’homme finit par leur offrir la course. Il leur confie que malgré leurs différences, tous deux lui rappellent sa propre histoire d’amour improbable. Un geste touchant qui fait réfléchir Gloria sur les préjugés qu’on peut avoir envers des inconnus.
3.3 – Les taxis, baromètre de l’opinion publique
Pour Gloria Steinem, monter dans un taxi, c’est pénétrer dans l’univers singulier de quelqu’un. Mais c’est aussi, pour cette journaliste, une occasion unique de prendre le pouls de la société.
Elle souligne que les chauffeurs de taxi sont souvent de fins analystes politiques, bien plus perspicaces que nombre d’experts. Grâce à leurs échanges constants avec des passagers d’horizons variés, ils constituent un échantillon représentatif de la population et de ses préoccupations.
3.4 – Des chauffeurs anticonformistes et philosophes
Gloria Steinem confie ensuite comprendre pourquoi le métier de taxi attire souvent des esprits indépendants et originaux.
Elle raconte ici ses rencontres marquantes avec des chauffeurs new-yorkais hauts en couleur : un vétéran qui écrit un livre intitulé « Derrière mon dos« , un artiste qui dessine des mains et fréquente assidûment les musées, un figurant de cinéma amer de n’être jamais le héros des films sur les taxis, ou encore une femme flamboyante qui se vante d’initier ses amants aux secrets du « sexe tantrique ».
3.5 – Un taxi comme caisse de résonance de la société
Mais les chauffeurs ne sont pas tous des philosophes bienveillants, rappelle l’auteure. Elle relate un épisode pénible avec un immigrant ukrainien qui proférait des injures racistes dans les rues de New York, et sa propre réaction colérique et maladroite.
Malgré ce type d’expériences négatives, Gloria Steinem réaffirme que les taxis restent à ses yeux un excellent baromètre de l’opinion publique et des évolutions de la société.
3.6 – De surprenantes leçons de vie
L’auteure poursuit son récit en décrivant d’autres rencontres en apparence anodines, mais souvent riches d’enseignements.
Ainsi, ce jeune chauffeur qui a décidé de se sevrer des médias pendant un an, parcourant le pays au volant de son taxi, pour se forger sa propre vision du monde, et qui lui dira avant de la déposer : « Je commence tout juste à croire que j’existe. (…) Désormais, j’essaie (…) de regarder avec mes propres yeux.«
Ou cette mère chicana qui affirme que les moments les plus heureux de sa vie sont ceux passés à conduire avec ses filles à ses côtés.
3.7 – Quand un taxi se transforme en confessionnal intime
Gloria Steinem raconte également des courses plus intrigantes, voire embarrassantes. Cet homme, par exemple, d’apparence austère qui tente d’engager une conversation lubrique sur les sous-vêtements féminins, avant de la remercier de l’avoir sévèrement recadré. Des années plus tard, elle réalisera que ce « pervers » était en fait une femme transgenre en plein questionnement sur son identité. Un épisode qui pousse l’auteure à s’interroger sur le pouvoir clivant des stéréotypes de genre.
3.8 – Le taxi, témoin des luttes contre les discriminations
Enfin, Gloria Steinem se remémore un détail troublant lors d’une conférence qu’elle donna en 1972 à l’académie navale d’Annapolis : la présence de serveurs uniquement philippins, héritage d’une époque de ségrégation.
Dans le taxi qui la ramène de l’académie des années plus tard, elle évoque ce souvenir au chauffeur. Stupéfait, il lui révèle que l’un de ces serveurs était son propre frère, qui a depuis réalisé son rêve de devenir ingénieur.
Une anecdote qui illustre les progrès accomplis, sans faire oublier le chemin qu’il reste à parcourir.
Comme le résume brillamment une vieille Irlandaise au volant de son taxi : « Mes jolies, si les hommes pouvaient tomber enceinte, l’avortement serait un sacrement.«
3.9 – La rébellion des hôtesses de l’air
Gloria Steinem relate ici l’éveil militant des hôtesses de l’air dans les années 70. Lasses des discriminations, des exigences sexistes et des conditions de travail éreintantes (par rapport aux hommes) les hôtesses commencèrent à se rebeller.
« Les hôtesses se transformèrent en serveuses séduisantes, dont on attendait un comportement de geisha. Il y avait même des vols « spécial cadres » réservés aux hommes, avec steaks, brandy et cigares qu’elles leur allumaient. (… ) Désormais, elles devaient également répondre à des critères physiques précis. Leur taille, leur poids (contrôlé régulièrement), leur coiffure, leur maquillage (jusqu’à la teinte de leur rouge à lèvres), la longueur de leur jupe : tout était décidé par la compagnie aérienne. Avoir un « nez large » était même interdit – une mesure aux relents racistes qui expliquait en partie pourquoi la majorité des hôtesses étaient blanches. Elles devaient en outre être célibataires, jeunes, et se voyaient congédiées si elles se mariaient ou accusaient un peu trop leur âge au-delà de trente ans.«
L’auteure de « Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe » décrit sa visite dans les locaux de l’association « Stewardesses for Women’s Rights« (Hôtesses pour les droits des femmes) : des employées de différentes compagnies y unissent leurs forces pour faire évoluer leur métier. Elles exigent alors notamment l’intégration d’hommes dans les équipages ou encore le droit de se marier. Il fallut attendre de nombreuses années avant que les choses évoluent.
3.10 – Vicki Frankovich, figure de proue du combat syndical
En 1985, alors que le financier Carl Icahn tente d’imposer de nouveaux sacrifices aux hôtesses, il se heurte à la résistance acharnée de Vicki Frankovich, secrétaire générale de leur syndicat.
Malgré le soutien des pilotes et des mécaniciens à Carl Icahn, elle réussit à mener une grève historique qui coûtera 100 millions de dollars à l’entreprise. Un épisode révélateur du mur auquel se heurtent encore les femmes dans ce secteur à ce moment-là.
3.11 – Des rencontres aériennes qui marquent une vie
Au fil des ans, Gloria Steinem noue des liens forts avec certaines hôtesses.
Elle relate l’évolution de l’une d’entre elles : auparavant convaincue que les rôles genrés étaient une fatalité biologique, celle-ci est passée à une totale remise en question de ses préjugés sexistes. Ou encore l’histoire de Tommie Hutto-Blake, pionnière du combat syndical devenue une figure respectée de la profession.
Des parcours de vie qui se mêlent à la grande Histoire des luttes féministes.
3.12 – Solidarité et générosité au-dessus des nuages
L’auteure termine le 3ème chapitre de « Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe » en rendant hommage à ces femmes hôtesses de l’air qui, malgré des conditions souvent ingrates, font preuve d’une immense générosité à son égard. Des petites attentions qui allègent ses voyages, et une solidarité indéfectible lorsqu’il s’agit de défendre la profession.
Si le personnel navigant commercial reste encore largement féminin et peine à accéder aux postes d’encadrement, il a gagné en expérience et en combativité. Gloria Steinem conclut que ces rencontres aériennes lui ont appris une leçon essentielle : lorsqu’on se soucie des autres, ils nous le rendent bien.
Chapitre 4 – Le monde est un campus
4.1 – Une passion pour l’atmosphère unique des campus
Le chapitre 4 du livre « Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe » revient sur l’amour inconditionnel que porte Gloria Steinem pour l’ambiance singulière des campus universitaires.
L’auteure s’enthousiasme, en effet, pour les coffee-shops propices aux échanges, les tenues excentriques des étudiants, les fêtes improvisées et les conversations qui se muent en séminaires spontanés. Mais ce sont surtout les cérémonies de remise des diplômes, à la fois personnelles et collectives, qui, dit-elle, la touchent le plus.
4.2 – Les campus, épicentres des luttes étudiantes
L’auteure souligne également le rôle crucial joué par les étudiants dans la transformation de l’enseignement supérieur.
Des manifestations contre la guerre du Vietnam à la lutte contre les violences sexuelles, en passant par la promotion d’une plus grande diversité, ils ont été le fer de lance de changements majeurs. Gloria Steinem observe que les programmes reflètent désormais un peu mieux la réalité, même s’il reste du chemin à parcourir.
Par ailleurs, l’auteure de « Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe » explique que si le féminisme a changé l’université en élargissant ses enseignements, l’inverse est aussi vrai : « l’université a parfois changé le féminisme« . Entre autres, par son langage académique qui va parfois jusque faire dire aux femmes qu’elles ne sont « pas assez savantes » ou « pas assez intelligentes » pour être féministes.
4.3 – Un schéma récurrent lors des visites sur les campus
La militante décrit ensuite en détail le déroulé type de ses nombreuses interventions dans les universités.
Elle est souvent, indique-t-elle, accueillie par des étudiants militants inquiets du manque de mobilisation sur leur campus. Mais une fois sur place, les amphithéâtres se révèlent bondés. Cela prouve bien que lorsque l’on aborde des sujets qui touchent au quotidien, les gens répondent présents, en dépit des préjugés véhiculés sur le féminisme.
Elle constate aussi à quel point le campus est le théâtre d’enjeux politiques majeurs. Quand les gens commencent à parler, mille problèmes révèlent le besoin de changement.
4.4 – 1972, un discours historique à Harvard
Gloria Steinem revient ensuite sur une intervention qui l’a particulièrement marquée à la faculté de droit de Harvard. On est en 1972. La militante y est invitée pour prononcer le discours officiel du banquet annuel de la Harvard Law Review.
Malgré sa peur de parler en public, elle accepte, car consciente que c’est une opportunité unique d’aborder les discriminations subies par les rares étudiantes dans ce bastion masculin. Son allocution intitulée « Pourquoi la faculté de droit de Harvard a plus besoin des femmes que l’inverse » suscite alors un tollé chez certains professeurs. Un en particulier du nom de Vernon Countryman, va, par son comportement hostile, illustrer involontairement son propos comme le rappellera un article de presse 30 ans plus tard :
« Le banquet s’est achevé sur le sentiment discret mais général que Countryman avait illustré ce que Steinem voulait dire quand elle parlait de la grossièreté des hommes et de leur manque de respect, plus clairement qu’elle n’aurait pu le faire avec des mots. »
4.5 – La Texas Woman’s University, un « électrochoc » féministe
La même année, Gloria Steinem et son amie Margaret Sloan se rendent à la Texas Woman’s University, un établissement peu progressiste spécialisé dans les « sciences domestiques » et les soins infirmiers.
Leur conférence rassemble un public divers, des féministes aux militants du Black Power, unis par leur vécu de la double discrimination. Les deux oratrices abordent des sujets explosifs avec humour et audace, donnant aux étudiantes la force de se rebeller. 35 ans plus tard, une participante confiera à Gloria que cette intervention a été un « électrochoc » qui a changé le campus durablement.
4.6 – Gallaudet, une immersion dans le monde des sourds
En 1983, Gloria Steinem intervient à l’université Gallaudet, seul établissement supérieur pour sourds et malentendants au monde.
Au contact des étudiants, elle découvre la richesse de la langue des signes et réalise à quel point la surdité est encore un facteur d’exclusion, en particulier pour les femmes.
L’intensité de la communication non verbale la marque durablement.
Quelques années plus tard, lorsque Gallaudet nomme enfin un président sourd grâce à la mobilisation de ses élèves, elle mesure le chemin parcouru et rêve d’un monde où maîtriser une langue orale et gestuelle serait la norme.
4.7 – Une rencontre bouleversante avec un survivant d’inceste
Dans le Midwest, sur un campus proposant des formations en hôtellerie, un jeune homme aborde Gloria Steinem pour lui confier son histoire.
Élevé comme une fille par une famille incestueuse, abusé sexuellement dès l’enfance, il a réussi à s’enfuir et à guérir grâce à une thérapie. Il explique que paradoxalement, le fait d’avoir été traité en fille lui a évité de s’identifier à son agresseur et de reproduire les violences subies.
Il remercie le mouvement féministe d’avoir brisé le silence sur ces crimes et permis aux victimes d’être entendues.
4.8 – Une levée de boucliers ratée contre le planning familial
En 1995, le Dominican College de San Francisco accueille une collecte de fonds pour le planning familial, suscitant l’ire de l’archevêque catholique local.
Malgré ses pressions, l’université maintient l’événement au nom de la liberté d’expression.
Le jour dit, un avion arborant des slogans anti-avortement survole l’amphithéâtre, mais les participants n’en ont cure. Trois mois plus tard, l’archevêque prend une retraite anticipée, décrit par la presse comme « trop distant des fidèles ».
Une illustration du fossé grandissant entre la hiérarchie ecclésiastique et la réalité des femmes.
4.9 – La liberté de procréation, un droit fondamental
Lors d’une conférence en Oklahoma, Gloria Steinem est interpellée par un groupe d’étudiants chrétiens anti-avortement.
S’ensuit un débat passionné où des participants démontrent, arguments et exemples à l’appui, que le droit à l’IVG est un combat de santé publique et de justice sociale, protégeant aussi bien le choix d’avorter que celui de donner la vie.
Furieux, les protestataires quittent la salle. C’est alors qu’un jeune inventeur décide spontanément de faire don de la moitié de ses gains, soit 90 000 dollars, pour défendre ce droit élémentaire, suscitant stupéfaction et espoir dans l’assemblée.
4.10 – Le partage, récompense suprême des conférences
Les discussions qui suivent ses interventions sont le moment le plus enrichissant, affirme Gloria Steinem.
Elle s’efforce de créer une atmosphère propice aux échanges, où chacun se sent libre de s’exprimer. L’auteure note que certains sujets reviennent souvent, comme le regret des hommes de ne pas avoir eu un père aimant, un allié précieux pour le féminisme.
4.11 – Quand le public vole au secours de l’oratrice
Gloria Steinem termine ce chapitre par de multiples anecdotes savoureuses issues de ses interactions avec son public, comme celle de cette timide Japonaise expliquant clouer au sol les sous-vêtements que son mari laisse traîner. Au fil de ces histoires, nous voyons comment les réactions du public, souvent drôles et pertinentes, ont aidé la militante à se sortir de situations délicates.
Et comment toutes ces interventions de participants donnent vie aux discussions et renforcent la conviction de l’auteure : rien ne remplace les rencontres en chair et en os pour faire bouger les lignes.
« Si vous aspirez à un changement, quel qu’il soit, je ne peux que vous conseiller de faire cette expérience : essayez de travailler sur le terrain avec des citoyens ordinaires pendant une semaine ou un an, un mois ou toute une vie. Un jour ou l’autre, vous tomberez sur un inconnu en train de fêter une victoire dont vous serez à votre insu l’un des artisans.«
Chapitre 5 – Quand le politique est personnel
5.1 – L’éveil politique au contact d’une mère engagée
Dans le 5ème chapitre de son livre « Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe« , Gloria Steinem commence par nous raconter que son intérêt pour la politique lui vient de sa mère, qui lui a enseigné très tôt que les décisions politiques façonnent le quotidien.
À travers ses récits sur la Grande Dépression et le rôle salvateur de Franklin et Eleanor Roosevelt, cette femme a transmis à sa fille la conviction que le personnel et le politique sont indissociables.
5.2 – Des histoires marquantes, entre espoir et tragédies
Gloria Steinem se souvient notamment de la façon dont sa mère parlait des Roosevelt, louant leur capacité à comprendre la vie des plus démunis malgré leur origine privilégiée. Mais elle évoquait aussi les émeutes raciales et les camps de concentration, injectant à petites doses les dures réalités du monde à sa fille. Gloria pense aujourd’hui que c’était une manière de l’immuniser contre la dépression dont elle-même souffrait.
5.3 – Le décès de Roosevelt, un deuil partagé en silence
Ainsi, la mort de Franklin Roosevelt fut un choc pour la jeune Gloria et sa mère.
Elles réalisèrent qu’elles étaient bien seules dans leur chagrin, relate l’auteure. Car la plupart des gens autour d’elles critiquait le défunt président. C’est ainsi que Gloria comprit alors que la politique était indissociable des désaccords, et que la perspective d’un conflit suffisait à plonger sa mère dans un profond désespoir.
5.4 – Une colère maternelle réprimée, source d’engagement
Gloria Steinem analyse la dépression de sa mère comme le fruit d’une colère refoulée face aux injustices, un mal encore répandu chez les femmes à qui on inculque que la colère est « peu féminine ». L’auteure est convaincue que cette incapacité à exprimer ses émotions a aggravé l’état de sa mère, et que c’est paradoxalement ce qui l’a poussée elle-même à s’engager.
C’est ainsi, au contact d’une mère sensible et meurtrie, mais lucide sur les liens entre destin individuel et choix de société, que s’est forgée la conscience politique de Gloria Steinem. Une prise de conscience précoce qui allait façonner son parcours de militante et sa conviction inébranlable : le personnel est politique.
5.5 – Un reportage à Washington interrompu par un drame
En 1963, Gloria Steinem raconte avoir enfin obtenu un reportage politique à Washington sur le style Kennedy à la Maison-Blanche.
Profitant du bureau de Ted Sorensen, conseiller du président, la jeune militante assiste à la dernière apparition de JFK avant son départ fatidique pour Dallas.
En effet, le lendemain, c’est le choc : elle apprend la terrible nouvelle de son assassinat.
5.6 – Bobby Kennedy, un candidat atypique
Lorsque Bobby Kennedy se présente au Sénat de New York, Gloria Steinem décide de le suivre durant une journée de campagne pour un article.
Elle découvre un homme politique peu conventionnel, fuyant la langue de bois : « c’était un candidat hors norme. Quand il voulait éluder une question, contrairement à la plupart des hommes politiques, il ne pratiquait pas la langue de bois. « Comme vous le voyez, disait-il sans détour, j’essaie d’éviter cette question ». Il ne semblait prendre intérêt à la discussion que si on l’interrogeait sur des problèmes auxquels on n’avait pas déjà la réponse » écrit la militante à son propos.
Malheureusement, cette expérience est ternie par l’attitude sexiste et rabaissante d’un journaliste et d’un écrivain qui l’accompagnent alors.
« À Manhattan, le journaliste Gay Talese et le romancier Saul Bellow suivaient également le candidat, ce jour-là. (…) Assise entre eux sur la banquette arrière, j’étais en train de leur rapporter le conseil avisé de Jack Newfield, lorsque Talese se pencha par-dessus moi – comme si je ne parlais pas, comme si, en fait, je n’étais même pas là – et lança à Bellow : « Vous êtes au courant que, chaque année, il y a une jolie fille qui débarque à New York et prétend savoir écrire ? Eh bien, cette année, la jolie fille, c’est Gloria. » Puis ils se mirent à discuter des problèmes de circulation. J’étais mortifiée. Est-ce que Bellow allait regretter d’avoir accordé une interview à quelqu’un qu’on accusait d’être sans talent ?«
Une humiliation cuisante qui fait naître, chez la journaliste, une colère sourde.
5.7 – Eugene McCarthy, un candidat décevant et une campagne fratricide écœurante
En 1968, Gloria Steinem se porte volontaire pour la campagne d’Eugene McCarthy, seul démocrate à oser défier Lyndon Johnson.
Mais une interview du candidat en compagnie d’autres journalistes vire à la désillusion : McCarthy se montre froid, hautain. Il conseille d’éviter le sujet du Vietnam dans le New Hampshire, pourtant au cœur de son programme. La militante sent sa foi vaciller.
Lorsque Bobby Kennedy se lance finalement dans la course, provoquant le retrait de Lyndon Johnson, l’équipe de McCarthy se déchire.
D’alliés, les partisans des deux hommes deviennent des ennemis acharnés, oubliant leurs valeurs communes. Gloria Steinem, écœurée par ces conflits stériles, préfère s’éloigner et rejoindre César Chávez en Californie pour soutenir la lutte des ouvriers agricoles.
Cette expérience lui rappellera ce qui compte vraiment : la compassion de Kennedy et son engagement auprès des plus démunis.
5.8 – Bella Abzug, une alliée de choix
Gloria Steinem raconte ici sa rencontre avec Bella Abzug, élue à la Chambre des représentants en 1970.
Cette femme politique atypique, indifférente aux injonctions à la « féminité », incarne pour l’auteure un mouvement à elle toute seule. Faire campagne pour elle est alors une révélation. Gloria n’a plus à passer par des hommes pour faire entendre ses idées. Elle admire le courage et l’écoute dont Bella fait preuve sur le terrain, à l’image des disciples de Gandhi en Inde.
5.9 – La création d’un caucus politique national des femmes
En 1971, Bella Abzug, Shirley Chisholm et Patsy Mink décident de créer une organisation pour promouvoir l’élection de femmes progressistes : le National Women’s Political Caucus (NWPC).
Gloria Steinem participe activement à la fondation de ce groupe non partisan, qui rassemble des militantes issues d’horizons divers. Elle sillonne le pays pour aider à la mise en place de sections locales.
5.10 – Une convention démocrate sous haute tension
En 1972, le NWPC se mobilise pour peser sur la convention démocrate de Miami. Gloria, désignée porte-parole malgré elle, redoute que les tensions internes, notamment avec Betty Friedan, n’éclatent au grand jour.
Mais le bilan est globalement positif : davantage de femmes déléguées, un important volet dédié aux droits des femmes dans le programme, et la candidature symbolique de Shirley Chisholm.
Ces élections marquent une étape dans le parcours militant de Gloria. Elle réalise que consolider les mouvements progressistes est le meilleur moyen de faire avancer ses idées. Elle écrit : « ces élections représentèrent un tournant pour moi. À partir de cette date, je commençai à faire campagne au sein d’un mouvement, plutôt que pour un candidat.«
5.11 – Geraldine Ferraro, un espoir déçu mais inspirant
En 1984, Gloria Steinem se réjouit de voir une femme, Geraldine Ferraro, briguer la vice-présidence avec de réelles chances de l’emporter.
Malgré les attaques sexistes qu’elle subit, la candidate démocrate tient bon, soutenue par des citoyens enthousiastes. Si le ticket Mondale-Ferraro est battu, leur campagne a valeur de symbole et ouvre la voie à d’autres femmes en politique.
« Au début de cette nouvelle étape dans ma vie militante, je pensais : On dirait que le destin m’a envoyé une bonne expérience pour m’inciter à poursuivre dans cette direction. Et il ne cessa plus de m’encourager. Les candidates formidables continuèrent de défiler au cours des années suivantes. Jusqu’à 1992, baptisée « année de la femme » en raison du nombre de femmes élues au Congrès, même si, comme le souligna la sénatrice Barbara Mikulski : « Nous ne sommes pas une mode, un caprice ou une année ». Elle le prouverait en étant réélue cinq fois et en siégeant pendant trente ans.«
À ce moment-là, Gloria réalise vraiment l’importance d’utiliser sa notoriété militante pour soutenir des candidats partageant ses valeurs.
5.12 – Campagne après campagne, même combat
Dans cette partie de « Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe« , Gloria Steinem relate son expérience des primaires démocrates de 2008 qui opposaient Hillary Clinton à Barack Obama.
« Campagne après campagne, j’entendais deux questions revenir comme un leitmotiv : « Quand est-ce qu’on aura une femme présidente ? » « Quand est-ce qu’on aura un président noir ? » La primaire démocrate de 2008, qui opposait Hillary Clinton et Barack Obama, nous offrait ces deux possibilités.«
Mais l’auteure explique que paradoxalement, malgré la qualité exceptionnelle des candidats, la compétition fut terrible en termes de conflits.
5.13 – Un choix cornélien entre deux candidats pionniers
Gloria Steinem confie avoir longtemps hésité entre soutenir Hillary Clinton, qu’elle connaissait et admirait depuis des années pour son intelligence, son charisme et son combat féministe, et Barack Obama, un homme politique prometteur qui incarnait l’espoir d’une Amérique post-raciale.
L’auteure souligne que les deux candidats partageaient une même vision progressiste et étaient soutenus par un électorat divers, au-delà des clivages de sexe et de couleur de peau.
5.14 – La presse attise les divisions
Cependant, Gloria Steinem déplore que les médias aient préféré attiser les conflits et les divisions plutôt que de célébrer cette coalition historique.
Elle raconte comment la presse s’est focalisée sur le genre d’Hillary Clinton et la couleur de peau de Barack Obama, réduisant leur candidature à ces caractéristiques. L’auteure y voit la même stratégie que celle utilisée par le passé pour diviser le mouvement suffragiste en accordant le droit de vote uniquement aux hommes noirs.
5.15 – Un choix mûrement réfléchi en faveur d’Hillary Clinton
Après avoir soigneusement pesé le pour et le contre, Gloria Steinem explique avoir finalement décidé de soutenir Hillary Clinton, en raison de sa plus grande expérience politique. Elle publie une tribune dans le New York Times intitulée « Les femmes ne sont jamais parmi les favoris » où elle dénonce le sexisme latent dans la couverture médiatique de la campagne.
Ce texte suscite de vives réactions. Certains accusent l’auteure de faire passer le féminisme avant la lutte contre le racisme. Gloria Steinem se défend de hiérarchiser les combats et appelle à l’unité derrière le vainqueur des primaires.
5.16 – Panser les plaies et se rassembler derrière Barack Obama
Une fois la nomination de Barack Obama actée, Gloria Steinem œuvre à la réconciliation entre les partisans des deux candidats. Elle organise des réunions pour permettre à chacun d’exprimer sa déception ou ses craintes.
Par ailleurs, la militante distribue des badges « Hillary soutient Obama, moi aussi » lors du discours de sa défaite, où la candidate appelle à l’unité. Un symbole fort pour tourner la page de cette primary divisive et se rassembler.
5.17 – Voter, un devoir démocratique crucial
Pour Gloria Steinem, le vote est le minimum à faire pour avoir une démocratie. Elle relate sa campagne de soutien à Harriett Woods, candidate démocrate talentueuse mais battue de peu aux sénatoriales du Missouri en 1982.
Sa défaite, précise-t-elle, permit l’élection du républicain John Danforth, qui emmena avec lui Clarence Thomas à Washington.
5.18 – Un scrutin présidentiel suspendu à quelques voix
L’auteure du livre « Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe » revient ensuite sur la présidentielle de 2000 opposant Bush à Gore, dont l’issue dépendait de la Floride.
Lors d’une conférence, elle recueillit les témoignages édifiants de nombreux électeurs empêchés de voter. Malgré ses alertes aux avocats, la Cour Suprême, avec la voix déterminante de Clarence Thomas, fit arrêter le recompte, donnant la victoire à Bush.
5.19 – Effet papillon et enseignements politiques de Gloria Steinem
En guise de conclusion du 6ème chapitre de « Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe« , Gloria Steinem souligne enfin l’effet papillon dans ces évènements : sans la défaite d’Harriett Woods, Clarence Thomas ne serait pas arrivé à la Cour Suprême pour faire élire Bush, qui déclencha guerres, dérèglement climatique et creusement des inégalités.
C’est pourquoi, « il faut se conduire comme si chaque geste avait de l’importance. Au cas où. »
Et c’est un rappel que chaque vote compte, insiste-t-elle. Et que c’est pour cela qu’il est crucial de se battre pour ce droit démocratique essentiel. Car « l’isoloir est le seul endroit sur terre où les plus faibles sont les égaux des plus puissants » poursuit Gloria Steinem. Et « la démocratie est une graine qu’on ne peut planter qu’à l’endroit où l’on est« .
Chapitre 6 – Le surréalisme au quotidien
6.1 – L’illogisme et l’inattendu de la route, sources d’addiction
Gloria Steinem introduit le chapitre 6 de son livre « Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe » en expliquant son titre :
« À priori, un trajet – que ce soit pour aller à l’épicerie du coin ou l’histoire d’une vie – est censé avoir un début, un milieu et une fin. Eh bien, pas la route. C’est son aspect illogique et la juxtaposition d’éléments inattendus – ainsi que notre désir de leur donner un sens – qui rendent le voyage si addictif.«
L’auteure a alors inventé une expression pour désigner cette « forme particulière de folie » lorsqu’elle écrivait pour une émission de satire politique: elle la nomme « le surréalisme au quotidien« .
6.2 – Une émission pionnière malgré la censure
En 1963, Gloria Steinem écrit pour « That Was the Week That Was » (TW3), l’une des premières émissions télévisées de satire politique.
Malgré la terreur des dirigeants de chaînes face à la politique et la menace permanente de censure, l’équipe parvient malgré tout à faire passer des messages forts, comme un sketch mettant en scène un jongleur de couteaux avec une pancarte « La guerre nucléaire« .
La journaliste, seule scénariste féminine, explique alors se spécialiser dans ce qu’elle appellera le « surréalisme au quotidien » en dénichant des nouvelles internationales invraisemblables.
« On s’amusait sur le plateau de TW3. C’était une émission pionnière. Elle ne pouvait pas durer. En revanche, le surréalisme au quotidien m’est resté. Jamais plus je n’ai pu me retrouver face à l’inimaginable sans penser à lui décerner un titre.«
6.3 – Le rire, signe distinctif des nomades
L’auteure fait alors une transition avec le rire et l’irrationalité des choses.
Elle nous parle ici de la route : pour elle, le rire est le signe distinctif des nomades, car il jaillit face à l’inattendu, à la surprise, ce qui échappe à tout contrôle :
« Le rire est la seule émotion libre, la seule qui ne puisse être forcée. On peut nous contraindre à avoir peur. On peut même nous faire croire qu’on est amoureux, pour peu qu’on nous maintienne assez longtemps dans l’isolement et la dépendance, parce que nous avons tous besoin de créer des liens pour survivre. Mais le rire jaillit comme un cri. Il survient quand la chute remet en question tout ce qu’on a vu avant, quand deux opposés entrent en collision et produisent un troisième sens, quand une nouvelle réalité nous apparaît. (…) Le rire est un orgasme de l’esprit.«
Or, le voyage possède son lot de moments surréalistes :
« En voyage, les moments surréalistes peuvent surgir et s’évanouir en l’espace d’une seconde. Je regarde le paysage par la fenêtre à bord d’un train qui file à travers un désert sans fin au clair de lune, quand une étendue de réfrigérateurs bien alignés se matérialise devant mes yeux. Ils peuvent aussi durer des heures : je rentre épuisée dans un hall d’hôtel aseptisé et me retrouve conviée à une réunion des derniers membres vivants d’une ancienne ligue de base-ball noire, dont les anecdotes me transportent dans un autre monde. Si apprendre permet à notre cerveau de créer de nouvelles synapses, j’aime à croire que les surprises de la route aiguisent mon esprit et allongent ma vie.«
6.4 – Immersion dans le monde méconnu des routiers
Gloria Steinem explique faire l’expérience, en 1997, d’une communauté insoupçonnée : celle des routiers.
Son chauffeur de VTC, un ancien camionneur, l’emmène en effet découvrir les relais routiers, véritables havres chaleureux et conviviaux pour cette population qui sillonne le pays de nuit.
L’auteure y observe un univers à part, avec ses codes, son langage, sa musique, ses liens forts. De l’huile de moteur vendue sous les comptoirs aux photos de camions indiens couverts de fleurs, elle s’immerge dans ce monde hors du temps qui transcende les frontières. Et nous le fait vivre ici à travers des descriptions brutes et pleines de réalisme.
Une plongée qui lui fait finalement prendre conscience des « majestueuses baleines » croisant sous la surface : « j’ai passé la majeure partie de ma vie à voyager sans rien connaître de cet univers qui veille quand nous dormons« , se résout l’auteure avant de conclure :
« De retour dans notre cocon, nous roulons sous une pluie battante, sans un mot. Le rythme des essuie-glaces se mêle dans ma tête à la voix de baryton sensuelle de Brook Benton. Je vois les lumières de Manhattan se refléter dans le ciel nocturne, mais j’ai perdu toute notion du temps. Nous pourrions continuer ainsi éternellement. Je réalise que je nageais tout près de la surface, alors qu’en dessous de moi, dans les abysses, se croisaient de majestueuses baleines.«
6.5 – Entre excès et manque, le grand écart du community organizer
Gloria Steinem raconte, dans cette partie de « Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe« , le contraste saisissant entre les milieux aisés où elle collecte des fonds et les réalités des personnes pour lesquelles elle se bat.
Aussi, l’auteure explique que c’est à la fois une source de colère face aux inégalités et de joie quand on parvient à les réduire. Elle rappelle, par ailleurs, que de grands activistes comme Marx, Harriet Tubman ou Gandhi ont aussi dû faire appel à de riches bienfaiteurs.
L’auteure relate enfin une collecte de fonds surréaliste lors d’un week-end de Thanksgiving chez de puissants PDG. Malgré ses efforts pour les convaincre de soutenir des projets pour les femmes, elle se heurte à leur indifférence et leur focalisation sur les profits.
6.6 – Une course hippique pour financer Ms Magazine
En 1982, Gloria Steinem participe à une course de trot attelé. Le milieu des courses et des paris étant majoritairement masculin, la directrice de marketing de l’hippodrome souhaiterait attirer un public plus féminin.
La féministe doit donc courir contre l’actrice Loretta Swit et pourra, en échange, recevoir un pourcentage des entrées en guise de fonds pour sa cause.
Malgré le trac, Gloria Steinem confie largement savourer ce moment hors du temps. Elle fusionne avec sa jument et son driver noir d’un certain âge.
Bien que les gains soient décevants, cette parenthèse surréaliste dans le monde des courses lui aura rappelé sa passion d’enfance pour les chevaux.
6.7 – Le « prophète du resto », témoin éclairé sur le Vietnam
En 1967, tandis qu’elle voyage en Virginie pour interviewer une fillette intégrant une école ségréguée, Gloria Steinem assiste à une scène marquante dans un restaurant.
En effet, alors que de jeunes Blancs tiennent des propos racistes sur la guerre du Vietnam, un vieil homme solitaire les interrompt. Il raconte avoir rencontré Hô Chi Minh pendant la Seconde Guerre mondiale, quand les Américains et Vietnamiens étaient alliés contre les Japonais.
Selon lui, si les États-Unis n’avaient pas trahi Hô Chi Minh en soutenant les Français pour préserver l’OTAN, ils ne seraient pas en guerre aujourd’hui contre le Vietnam.
Interpellée, l’auteure de « Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe » démarre alors une discussion avec l’homme :
« Il est le premier Américain que j’entends dire ce qu’on m’a expliqué quand j’étais étudiante en Inde, autrement dit que Hô Chi Minh voulait uniquement l’indépendance de son pays et qu’il en ferait un État tampon entre la Chine et le reste du monde : l’inverse de ce que croient les États-Unis, persuadés que sa victoire aurait un effet domino et pousserait l’Asie dans les bras de la Chine.«
Après cette rencontre, Gloria Steinem se renseigne sur le passé de Hô Chi Minh. Après avoir notamment découvert qu’il a vécu à New York au début du 20ème siècle, elle écrit un article relatant son parcours d’indépendantiste et sa connaissance de la Déclaration d’Indépendance américaine. Mais son texte est largement coupé.
Notons que cette partie du livre retrace avec détails et analyse le combat anticolonialiste outre-atlantique du début du XXème siècle.
6.8 – Au cœur de la controverse en prononçant un « sermon » dans une église
En 1978, Gloria Steinem prononce l’homélie lors d’une messe dans l’église Sainte-Jeanne-d’Arc de Minneapolis. Elle y a été invitée par son ami le père Harvey Egan, un prêtre progressiste apprécié mais mal vu de sa hiérarchie.
« Inutile de préciser qu’il [son ami prêtre] n’est pas en odeur de sainteté auprès de la hiérarchie catholique. Pourtant, sa paroisse est la plus fréquentée de l’État. (…) « Il y a deux Églises, se plaisait à dire César Chávez, leader du mouvement des ouvriers agricoles. Celle des bâtiments et celle des gens. » Celle du père Egan appartient clairement à la seconde catégorie. Les fidèles l’adorent. C’est sa hiérarchie, le problème.«
Malgré les manifestations hostiles à l’extérieur, la militante parle, lors de cette homélie, de l’équilibre entre féminin et masculin qui existait avant le patriarcat, de la nécessité de rendre leur pouvoir spirituel aux femmes et à la nature.
Son « sermon » est bien accueilli par l’assemblée.
Mais très vite, la polémique enfle. L’archevêque réprimande publiquement le père Egan. Deux semaines plus tard, le Pape interdit carrément les sermons par des laïcs, visant clairement l’événement. Malgré ces pressions, le père Egan ne se laisse pas démonter et continue à prendre des positions courageuses jusqu’à sa mort en 2006 :
« Il contourne (…) l’ordre du pape en renommant le sermon « présentation du dimanche » et en invitant des laïcs admirés par ses paroissiens. Il continue à affirmer publiquement son soutien « aux femmes et à leur participation à la liturgie », à la contraception artificielle, à la liberté de conscience qui existe dans le catholicisme et pour les mouvements de paix et de justice dans le monde.«
Une fois à la retraite, le prêtre écrira encore sur de multiples sujets pour dénoncer les injustices. Il s’opposera à l’amendement sur la vie humaine, « bien qu’il soit défendu par les évêques ». Et publiera un article sur le célibat des curés qui explique que cette pratique a débuté en 1139, parce que l’Église ne voulait plus être responsable des enfants des curés.
6.9 – Le soutien à l’Omacare : nouveau « crime » des religieuses américaines
En 2012, le Vatican annonce une enquête :
« Pas sur les révélations au sujet des abus sexuels perpétrés par des prêtres sur des enfants, non : sur la Leadership Conference of Women Religious, une organisation représentant 80 % des religieuses d’Amérique du Nord. On leur reproche de réclamer plus de responsabilités dans l’Église, pour elles-mêmes et pour les femmes en général, de « rester silencieuses » sur l’homosexualité et l’avortement, de passer trop de temps à travailler contre la pauvreté et l’injustice, de promouvoir « des thèmes féministes radicaux incompatibles avec la foi catholique » et de soutenir l’assurance maladie du président Obama, alors qu’elle inclut la contraception.«
L’affaire rappelle à Gloria Steinem l’Inquisition qui brûla huit millions de femmes guérisseuses. Face à l’absurdité, elle se console en croisant, des années plus tard, un ado hmong de Minneapolis admiratif de son audace. La graine semée ce jour-là a fait son chemin et c’est bien là l’essentiel.
Chapitre 7 – Secrets
7.1 – Des secrets enfouis dans l’immensité du paysage
Le 7ème chapitre du livre « Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe » démarre en expliquant que certains secrets survivent parce que dissimulés dans « l’immensité des paysages » ou « derrière des barrières naturelles ».
Gloria Steinem cite, par exemple, l’histoire d’ouvriers agricoles afro-américains en Louisiane, qui, dans les années 70, vivaient encore dans des conditions proches de l’esclavage. Malgré les aides extérieures, leur mobilisation n’a pu aboutir que tardivement, quand ils réussirent à sortir des taudis de leurs maîtres pour construire leurs propres maisons.
L’auteure souligne la résilience de l’association de ces ouvriers, la Southern Mutual Help Association. Celle-ci qui a, en effet, su faire face à de nombreuses épreuves (comme les ouragans Katrina et Rita) pour finalement devenir un moteur de développement rural exemplaire.
7.2 – Des secrets cachés en pleine lumière dans les villes
Mais il y a aussi des secrets en plein jour dans les villes, note Gloria Steinem.
En visitant un temple mormon flambant neuf avant sa consécration, elle découvre stupéfaite un système de contrôle high-tech des fidèles, avec écrans encastrés dans les murs et cartes à puce à insérer : « ainsi, on verrait s’il [le fidèle] versait sa dîme, se rendait aux réunions hebdomadaires et s’il était un bon mormon en général ».
Derrière cet écrin de marbre, se cache, non pas une ou plusieurs salles de cérémonies et rassemblement, mais plein de petites salles structurées en nid d’abeille. Des cellules automatisées qui révélaient une volonté de mystère et de division propre à la religion organisée, par opposition, observe-t-elle à une spiritualité ouverte.
7.3 – Des secrets comme refuge nécessaire : les communautés secrètes de femmes
L’auteure évoque ensuite le rôle protecteur des secrets pour certains groupes vulnérables.
Elle revient sur l’histoire des premières associations lesbiennes dans les années 50-60, quand l’homosexualité était encore illégale et dangereuse. Pour celles qui étaient rejetées par leurs familles, ces communautés secrètes offraient une forme de protection et une famille de substitution.
Gloria Steinem décrit ces refuges, des groupes itinérants en camping-car au célèbre Michigan Womyn’s Music Festival, en passant par des villages de retraite. Si aujourd’hui la nécessité de se cacher a diminué, le besoin de lieux sûrs réservés aux femmes demeure :
« Que l’on soit née femme ou qu’on le soit devenu, nous sommes encore nombreuses à nous sentir plus en sécurité dans un environnement uniquement féminin. Et nous nous sentons certainement plus en sécurité entre nous que les hommes entre eux. Tant qu’il y aura du danger, il y aura des secrets.«
7.4 – Des secrets qui font honte et leur pouvoir pernicieux
Mais c’est au contact des ouvriers agricoles migrants que Gloria Steinem dit avoir vraiment pris conscience du pouvoir pernicieux des secrets.
Fin des années 60, elle se retrouve enrôlée presque malgré elle par son amie Marion Moses pour soutenir le syndicat des travailleurs agricoles de César Chávez en Californie. Organisant depuis New York un boycott et une levée de fonds, elle mesure les ravages de la précarité dissimulée derrière le rêve américain.
Plus tard, en découvrant des camps de travailleurs saisonniers misérables cachés au cœur de Long Island, l’auteure réalise avec effroi que cette pauvreté honteuse est partout, juste sous notre nez.
Un secret dont elle ne pourra plus jamais faire abstraction.
7.5 – Aux côtés de César Chávez pour briser le secret de l’exploitation des travailleurs agricoles
Gloria Steinem raconte ensuite son engagement auprès de César Chávez et de son syndicat des ouvriers agricoles en 1971.
Elle relate le scandale des femmes dans le besoin, envoyées se prostituer dans les bordels légaux du Nevada pour ne pas perdre leurs allocations.
L’auteure et son amie Flo Kennedy manifestent devant le plus grand bordel de l’État. Puis, elles défilent à Las Vegas, réussissant à attirer l’attention des médias sur cette honteuse exploitation. Leur action contribue à faire réinscrire des milliers de mères sur les listes d’aides sociales.
Cette expérience confronte Gloria Steinem au pouvoir des mots. En effet, si la prostitution devient un « travail sexuel« , alors on peut y contraindre les femmes, et même les hommes.
Enfin, l’auteure souligne l’hypocrisie d’une société qui pénalise les addictions enrichissant des réseaux parallèles mais pas celles profitant aux industries légales.
Elle propose une troisième voie entre criminalisation et légalisation : décriminaliser les personnes prostituées en les aidant à se réinsérer, et pénaliser les clients.
7.6 – Retour à Las Vegas, là où les secrets de l’industrie du sexe prospèrent
En 2008, Gloria Steinem retourne à Las Vegas, seul État américain où les maisons closes restent légales.
Avec une amie, elle enquête incognito dans les bars topless, les bordels et les sex-shops. Elle découvre un monde glauque d’exploitation des femmes vulnérables. Une danseuse et une prostituée lui confient avoir été progressivement contraintes à vendre leur corps. L’auteure réalise avec effroi que Las Vegas sert à « roder » contre leur gré des femmes et des filles avant de les prostituer dans d’autres États.
Gloria Steinem dénonce une industrie du sexe mondialisée prospérant sur l’addiction des hommes à la domination. Elle souligne le lien entre légalisation, hausse de la demande et explosion du trafic, comme en Allemagne ou aux Pays-Bas. Seule une approche pragmatique visant à faire baisser la demande en responsabilisant les clients peut permettre aux personnes prostituées de s’en sortir, conclut-elle.
7.7 – Tom Stoddard, un combattant exemplaire contre les secrets et les discriminations
L’auteure rend un vibrant hommage à son ami Tom Stoddard, brillant avocat et défenseur des droits des homosexuels et des malades du sida.
Elle relate une marche symbolique à ses côtés à New York en 1993, derrière des militaires gays et lesbiennes, pour les soutenir alors que Bill Clinton vient de céder sur sa promesse de mettre fin à la discrimination dans l’armée.
Malgré le compromis décevant du « Don’t ask, don’t tell« , Tom Stoddard ne baisse pas les bras. Même affaibli par la maladie, il continue de se battre avec courage et persuasion contre les secrets et les préjugés.
Son combat et son charisme inspireront toute une génération de juristes et de militants, bien après sa mort du sida en 1997 à 48 ans, relate Gloria Steinem avec émotion.
7.8 – Les prisons, le plus grand secret de l’Amérique
Gloria Steinem identifie ensuite les prisons comme le plus grand secret des États-Unis, pays qui compte un quart des détenus de la planète pour seulement 5 % de la population mondiale. Elle dénonce un apartheid carcéral ciblant les Afro-Américains, mais aussi les pauvres.
L’auteure pointe la responsabilité de la privatisation et de la recherche de profit qui dégradent les conditions de détention. Elle appelle les citoyens à s’informer sur l’utilisation de leurs impôts et à s’impliquer, en visitant des détenus ou en envoyant des livres. Car c’est en se confrontant à cette réalité qu’on peut changer les choses.
Gloria Steinem raconte sa prise de conscience progressive, à travers sa correspondance avec des détenues qui lui font part de leurs souffrances indicibles. Puis avec d’anciens prisonniers, notamment un homme portoricain lui confiant avoir été violé et « loué » par son codétenu.
L’auteure souligne d’ailleurs que ces abus touchent davantage les femmes dehors que les hommes en prison.
7.9 – Rendre visible l’invisible en allant à la rencontre des détenues
En accompagnant Deborah Jiang-Stein, ancienne enfant née en prison et fondatrice d’un programme de soutien aux détenues, Gloria Steinem visite un centre de détention pour femmes dans le Minnesota.
Entre espoir et résignation, elle y découvre des destins brisés par les abus, les addictions et l’illettrisme. Mais aussi des initiatives positives pour aider ces femmes à retrouver confiance et compétences.
Cette expérience conforte l’auteure dans sa volonté de dévoiler ces secrets bien gardés. Comme le souligne son ami Bryan Stevenson, avocat engagé, le changement passe par la proximité avec le problème, un nouveau récit, le maintien de l’espoir et l’audace de déranger.
Des clés pour briser le pouvoir toxique des secrets, en prison comme ailleurs, conclut Gloria Steinem.
Chapitre 8 – Ce qui a été peut être à nouveau
8.1 – Une troisième voie entre l’inégalité hommes/ femmes et l’espoir d’une égalité future
Dans le dernier chapitre de « Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe« , Gloria Steinem commence par expliquer que grâce à la Conférence de Houston et à ses contacts avec les cultures amérindiennes, elle a pris conscience qu’une égalité entre les sexes avait déjà existé et existait encore partiellement.
Ainsi, une troisième voie entre l’idée d’une égalité « impossible car contre-nature » entre hommes et femmes et celle d’une égalité possible dans le futur se dessinait : l’équilibre féminin-masculin avait été une réalité dont nous pouvions nous inspirer.
8.2 – Immersion dans l’histoire cachée des cultures amérindiennes
En 1995, Gloria Steinem se rend pour la première dans l’Ohio afin d’y donner une conférence.
Là-bas, la militante y fait une découverte stupéfiante : celle de gigantesques monuments amérindiens. En effet, son guide, un organisateur amérindien humble et patient, lui fait visiter des tumulus millénaires en forme d’animaux ou de pyramides qui révèlent une civilisation très avancée, capable de prouesses architecturales et d’un vaste réseau commercial.
Avec ses amies Alice Walker et Deborah Matthews, Gloria Steinem part alors explorer ces sites oubliés, dont les plus anciens remontent à plus de 2000 ans. Du Grand Cercle de Newark au mythique Serpent Mound, elles s’imprègnent de cette histoire enfouie. Et s’interrogent sur l’amnésie d’un pays qui a effacé ce passé glorieux pour mieux justifier le génocide des peuples premiers.
Émerveillée, l’auteure réalise que ces lieux réveillent en elle une mémoire plus intime et sensorielle de l’histoire, qu’aucun livre ne lui avait transmise jusque-là.
8.3 – Déconstruire les mythes, des ouvriers mohawks aux « sauvages » des westerns
Gloria Steinem relate ensuite plusieurs expériences qui l’ont amenée à remettre en question les stéréotypes sur les Amérindiens.
Enfant, fascinée par de mystérieux ouvriers mohawks bâtisseurs de gratte-ciel à Chicago, elle apprend bien plus tard de la bouche de femmes de cette tribu que leur soi-disant absence de vertige était un mythe : ils avaient surtout besoin de travail.
L’auteure dénonce les préjugés de ses manuels scolaires. Ces derniers dépeignent, en effet, des Indiens « arriérés » et « violents », occultant leurs immenses apports (60 % des cultures agricoles mondiales) et le fait que de nombreux colons adoptaient leur mode de vie.
Et si des Blanches restaient parfois dans les tribus, ce n’était pas parce qu’elles étaient captives, c’était par choix, indique la militante, attirées par la place faite aux femmes chez les Indiens.
L’histoire est écrite par les vainqueurs, conclut Gloria Steinem :
« Il ne faut pas s’étonner si l’histoire orale se révèle souvent plus juste que celle des livres. La première est transmise par la multitude de ceux qui étaient présents. La seconde est écrite par une élite qui ne l’était sans doute pas.«
Mais chaque « roues sur les pistes indiennes » graffitées au-dessus d’un tunnel new-yorkais peut être le début d’un voyage initiatique vers une autre vérité.
8.4 – Ce que les cultures amérindiennes ont à nous enseigner
Lors de la Conférence de Houston, la militante comanche LaDonna Harris fait prendre conscience à Gloria Steinem de la situation dramatique des peuples amérindiens qui ne représentent que 1 % de la population : misère, spoliation des terres, pensionnats arrachant les enfants à leur culture, stérilisations forcées des femmes…
Elle raconte, par exemple :
« Grâce à des Amérindiennes (…) qui venaient aux réunions et restaient pour discuter à la fin, je découvris que des générations de familles avaient été obligées d’envoyer leurs enfants en pension dans des écoles chrétiennes (…). « Tuons l’Indien, sauvons l’homme », clamait le fondateur des premières institutions de ce genre, au XIX e siècle. Là, ils se voyaient privés de leur famille, de leur nom, de leur langue, de leur culture et même de leurs longs cheveux. On leur enseignait une histoire qui mesurait le progrès à leurs défaites. Le travail forcé, la malnutrition, la violence et les abus sexuels étaient monnaie courante. Quand on finit par fermer ces établissements, il restait tout autour les tombes des enfants qu’on avait affamés et battus. Plus tragique encore, deux siècles de mauvais traitements avaient normalisé les châtiments et la violence sexualisée dans les familles indiennes. On reproduit certains schémas parce qu’on ne connaît pas autre chose. Par ailleurs, si les écoles s’étaient humanisées, l’enseignement des langues et les cultes amérindiens demeurèrent illégaux jusque dans les années 1970. »
Mais au-delà de ces tragédies méconnues du grand public, l’auteure découvre la richesse de cultures souvent matrilinéaires, où les rôles féminin et masculin étaient distincts mais également valorisés. Les femmes contrôlaient leur fécondité, nommaient les « sachems » (les anciens) et les agresseurs sexuels étaient sévèrement punis.
Loin de la pyramide patriarcale, le cercle était le paradigme d’une société de consensus et d’équilibre qui a directement inspiré la Constitution américaine. Une révélation pour Gloria Steinem, qui voit soudain s’ouvrir la voie d’un futur ancré dans un passé porteur d’espoir.
8.5 – Quatre Amérindiennes d’exception au conseil d’administration de la Fondation Ms.
Gloria Steinem raconte comment, suite à la Conférence de Houston, elle a pris conscience qu’aucune Amérindienne ne siégeait au conseil d’administration de la Fondation Ms.
Pour y remédier, elle a proposé à quatre femmes exceptionnelles de les rejoindre dans les années 80 et 90.
– Rayna Green, l’humour comme pont vers le sacré
Rayna Green, une Cherokee écrivaine et anthropologue, a fait découvrir à Gloria Steinem la figure du « trickster », ce transgresseur facétieux présent dans toutes les mythologies amérindiennes. Son humour permettait de ramener les débats à l’essentiel.
En partant, elle lança une phrase énigmatique : « Le féminisme, c’est la mémoire. » L’auteure comprendra plus tard, grâce à Paula Gunn Allen, que sans la mémoire des sociétés matrilinéaires passées, le féminisme risque « la confusion, la division, et beaucoup de temps perdu.«
– Wilma Mankiller, le combat d’une cheffe visionnaire
Wilma Mankiller, première femme cheffe de la Nation Cherokee, a profondément marqué Gloria Steinem.
Malgré un parcours semé d’embûches, de la déportation de sa tribu à un grave accident de voiture, elle a su redonner espoir et autonomie à son peuple, en l’aidant à réaliser des projets concrets comme l’adduction d’eau.
Son élection en 1987 a renoué avec la tradition matrilinéaire Cherokee, où les femmes nommaient les chefs et décidaient de la guerre. Réélue triomphalement, invitée par Bill Clinton avec d’autres leaders amérindiens à la Maison Blanche, décorée de la médaille de la Liberté, Wilma Mankiller a changé le destin de sa Nation tout en incarnant un idéal de dirigeante sage et altruiste.
– Rebecca Adamson, l’économie tribale au service du bien commun
Rebecca Adamson, experte de l’économie locale, a initié Gloria Steinem à une autre façon de penser le développement lors d’un rassemblement militant qu’elle a organisé dans le Dakota du Sud.
Loin de l’individualisme, il s’agit de mesurer la réussite d’une entreprise à ce qu’elle apporte à chaque cercle : environnement, communauté, famille et individus.
Une révolution conceptuelle pour l’auteure de « Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe« .
– Faith Smith, la réussite par l’éducation identitaire
Enfin, Faith Smith, une éducatrice ojibwa, a cofondé à Chicago une petite université gérée par des Amérindiens, qui diplôme 70 % de ses étudiants contre seulement 10 % dans le système classique. Pour Gloria Steinem, sa réussite repose sur l’adéquation entre études et communauté, comme l’illustre une maxime affichée au mur de l’université : « Ce n’est pas en pensant qu’on apprend à bien vivre. C’est en vivant qu’on apprend à bien penser.«
8.6 – Les derniers jours de Wilma Mankiller, une leçon de sagesse et d’acceptation
Dans cette partie de « Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe« , Gloria Steinem revient sur les derniers moments de son amie Wilma Mankiller, atteinte d’un cancer du pancréas en phase terminale en 2010.
Quand l’auteure se précipite à son chevet dans l’Oklahoma, déterminée à trouver une solution pour soulager ses terribles douleurs, elle trouve Wilma entourée de ses proches, faisant preuve d’un calme et d’une lucidité déconcertants. Elle refuse la morphine qui engourdirait sa conscience : elle veut rester pleinement présente jusqu’au bout.
Les visiteurs se succèdent pour lui rendre un dernier hommage. Gloria Steinem réalise alors la force de la communauté qui entoure Wilma, et ce lien indéfectible entre l’individu et le collectif.
Lorsque Wilma s’éteint paisiblement, ses cendres sont dispersées au bord du ruisseau où poussent les plantes médicinales, comme elle le souhaitait. Quelques jours plus tard, 1500 personnes se réunissent pour une cérémonie émouvante à sa mémoire, tous vêtus de rose vif, sa couleur préférée.
À travers le monde, des feux sont alors allumés pour éclairer le chemin de cette « Grande Âme » vers ses ancêtres.
8.7 – L’héritage des cultures premières, une voie pour le futur
Cinq ans après la disparition de Wilma, Gloria Steinem continue d’apprendre des cultures amérindiennes, africaines et indiennes.
Malgré une situation critique, elle garde espoir : ce qui a été peut advenir à nouveau, même si c’est d’une manière différente. L’auteure admet avoir trouvé en ces terres son pays d’adoption, elle qui est pourtant issue d’une famille d’immigrés.
Et si elle pouvait parler une dernière fois à Wilma, annonce Gloria Steinem, elle lui dirait simplement : « Nous sommes toujours là. » Un message d’espérance et de résilience, à l’image de ces peuples premiers qui ont su préserver leur héritage malgré les tragédies de l’histoire.
Postface – Le retour
Dans la postface de « Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe« , Gloria Steinem confie avoir pris conscience à 50 ans de son instabilité, similaire à celle de son père. Pour ne pas finir comme lui, elle a dû apprendre à construire, dit-elle, un foyer, symbole du soin apporté à soi-même.
L’auteure raconte aussi comment, en s’ancrant, elle a paradoxalement redécouvert les joies du voyage, désormais librement consenti. Elle réalise que l’alternance entre partir et revenir, inscrite dans notre mémoire cellulaire depuis les migrations ancestrales, donne toute sa saveur à l’existence.
Avec le recul, Gloria Steinem regrette que ses parents aient dû choisir entre liberté et stabilité, entre leur propre chemin et un foyer. Elle conclut que cet équilibre entre deux modes de vie complémentaires, à la fois ancien et moderne, est accessible à tous. La route et la maison ne s’opposent pas, elles s’enrichissent mutuellement, termine-t-elle.
Conclusion de « Ma vie sur la route | Mémoires d’une icône féministe » de Gloria Steinem
1. Une vie sur la route au service du féminisme
Dans « Ma vie sur la route | Mémoires d’une icône féministe », Gloria Steinem partage son parcours de journaliste militante. Au-delà de cette autobiographie, l’auteur dresse aussi, à travers ses pérégrinations, un portrait saisissant de l’Amérique et de l’évolution du mouvement féministe au fil des décennies.
Aussi, trois idées majeures se dégagent de ce récit captivant :
Le pouvoir transformateur du voyage
Gloria Steinem démontre comment ses innombrables voyages ont façonné sa vision du monde et nourri son engagement. Sur la route, elle découvre la diversité des réalités américaines, bien loin des clichés médiatiques. Ces rencontres improbables, du chauffeur de taxi philosophe aux ouvrières agricoles exploitées, ont forgé sa conscience politique et son désir de changement.
Le personnel est politique
L’auteure illustre brillamment ce slogan féministe en tissant habilement son histoire personnelle avec les grands combats de son époque. De son enfance nomade à ses campagnes pour l’égalité des droits, Gloria Steinem montre comment les expériences individuelles s’inscrivent dans un contexte social et politique plus large, appelant ainsi à une prise de conscience collective.
L’héritage oublié des cultures amérindiennes
À travers sa découverte tardive des civilisations précolombiennes, Gloria Steinem nous invite aussi à repenser notre vision de l’histoire et de l’égalité des sexes. Elle révèle l’existence passée de sociétés plus égalitaires, et offre ainsi une perspective nouvelle et inspirante pour imaginer un futur plus juste.
2. Que vous apportera la lecture de « Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe » ?
Ce livre apporte une perspective unique sur l’histoire du féminisme américain et au-delà.
Vous plongerez dans le parcours exceptionnel de Gloria Steinem et découvrirez alors les coulisses des grands moments du mouvement des femmes, de la lutte pour le droit à l’avortement aux campagnes présidentielles historiques.
Le style vivant et les anecdotes savoureuses de l’auteure rendent accessibles des enjeux complexes. En cela, l’ouvrage permet de mieux comprendre les défis passés et actuels du combat pour l’égalité.
3. Pourquoi lire « Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe » ?
« Ma vie sur la route | Mémoires d’une icône féministe » s’adresse à tous ceux qui s’intéressent au leadership, aux grands destins et aux mouvements sociaux. Les entrepreneurs y trouveront des leçons sur la persévérance et l’art de fédérer autour d’une cause. Les passionnés de développement personnel seront inspirés par le parcours d’une femme qui a su rester fidèle à ses convictions tout en évoluant constamment.
Si certains passages traitant de la politique américaine ou du militantisme des années 60-70 peuvent moins captiver les lecteurs peu familiers de cette époque, la richesse des réflexions et la force du témoignage de Gloria Steinem transcendent largement ce contexte spécifique.
Finalement, « Ma vie sur la route | Mémoires d’une icône féministe » est un livre que je recommande au moins pour deux raisons :
- L’histoire d’un destin inspirant, d’une vie hors du commun.
- Sa capacité à nous faire réfléchir sur notre propre rôle dans la construction d’un monde plus équitable.
Gloria Steinem nous rappelle avec force que chacun peut, à son échelle, contribuer au changement social. Une lecture inspirante qui donne envie de prendre la route et de s’engager !
Points forts :
- Un témoignage unique sur l’histoire du mouvement féministe américain.
- Un style vivant et accessible, mêlant anecdotes personnelles et réflexions politiques.
- Une perspective originale sur l’Amérique, vue à travers les yeux d’une militante itinérante.
- Des révélations fascinantes sur les cultures amérindiennes et leur vision de l’égalité des sexes.
Points faibles :
- Certains passages sur le militantisme et la politique américaine des années 60-70 peuvent être moins accessibles ou intéressants pour un lecteur non initié.
- Le récit non linéaire peut parfois rendre difficile le suivi de la chronologie des évènements.
Ma note :
★★★★★
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