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Résumé de « L’Erreur de Descartes » d’Antonio R. Damasio : un succès inattendu de librairie pour un livre qui navigue entre neurosciences et philosophie pour démontrer toute l’importance de la moelle épinière et des émotions sur nos manières de penser et d’agir.
Antonio R. Damasio, 1994 (2010 pour la dernière édition), 394 p.
Chronique et résumé de « L’erreur de Descartes » d’Antonio R. Damasio :
Avant d’aller plus loin : qui est Antonio Damasio ?
Neurobiologiste de renom, Antonio Damasio est le directeur du Brain and Creativity Institute (Institut pour l’étude neurologique de l’émotion et de la créativité) de l’université de Californie du Sud. Il enseigne également au Salk Institue for Biological Studies dans la région de San Diego (La Jolla).
Il s’est fait connaître du grand public par la publication de nombreux ouvrages de vulgarisation scientifique exigeante et de grande qualité. L’Erreur de Descartes (initialement paru en 1995, actualisé en 2010) est le premier et sans doute le plus connu. Mais d’autres ont également eu un grand succès :
- Le Sentiment même de soi : corps, émotions, conscience (1999) ;
- Spinoza avait raison : joie et tristesse, le cerveau des émotions (2003) ;
- L’ordre étrange des choses : la vie, les émotions et la fabrique de la culture (2017) ;
- Sentir et savoir : une nouvelle théorie de la conscience (2021).
Préface à la nouvelle édition
Antonio Damasio propose ici un résumé très rapide du développement des neurosciences et de ses espoirs pour l’avenir. Il cite rapidement les pionniers de la psychologie scientifique du début du XXe siècle ayant questionné le rôle des émotions chez les humains :
- Charles Darwin ;
- William James ;
- Sigmund Freud ;
- Charles Sherrington.
Au cours de la deuxième moitié du XXe siècle, un fossé s’est creusé entre le domaine naissant des neurosciences (qui s’intéresse au fonctionnement du cerveau humain) et l’étude des sentiments. Heureusement, la publication de L’Erreur de Descartes a changé la donne.
Selon l’auteur, il existe des marqueurs somatiques (expliqués plus loin dans l’ouvrage) qui permettent de faire le « pont » entre émotion et raison. Cela permet de montrer que :
- Certes, les émotions peuvent créer des préjugés et nuire au raisonnement.
- Mais qu’elles interviennent également de façon beaucoup plus positive qu’on ne le croit souvent.
En fait, selon Antonio Damasio, la raison a évolué à partir des émotions. Celles-ci peuvent augmenter la prise de décision et son efficacité et ainsi nous assurer de meilleures chances de survie.
Notre instinct nous guide en se rappelant des bonnes décisions prises par le passé. Plus encore, nos sentiments et nos émotions jouent un grand rôle dans l’apprentissage et, notamment, dans l’apprentissage des règles sociales.
Les sciences humaines et sociales (et par extension, le marketing (digital), par exemple) peuvent-elles apprendre quelque chose de la neurobiologie ? C’est ce qu’espère l’auteur !
Introduction
Les philosophes et les scientifiques opposent souvent raison et passion. Mais l’auteur souhaite remettre en question cette opposition. Comment en est-il venu à se questionner à ce sujet ?
Il raconte une anecdote d’un patient qui ne pouvait plus ressentir d’émotions en raison d’une lésion neurologique fonctionnelle. La personne était intelligente, mais elle ne pouvait plus, suite à son problème de santé, prendre des décisions « socialement appropriées » ou « personnellement avantageuses ».
Que s’était-il passé ? Pour l’auteur, c’était le signe que prise de décision rationnelle et émotions avaient un lien. En tant que spécialiste de neurobiologie, Antonio Damasio en a fait une hypothèse scientifique : la raison nécessite la capacité de ressentir des sentiments pour agir correctement.
Après 20 ans de recherche clinique, son hypothèse devient enfin une théorie « viable ». Son travail montre que le cerveau et la moelle épinière ne sont pas les seuls centres de raisonnement. En fait, il semble que les pensées humaines soient régulées au sein d’une organisation complexe de réseaux neuronaux qui dépasse le seul cerveau.
Tous nos ressentis et émotions participent à nous faire agir dans un sens ou dans un autre. Plus précisément, c’est grâce à eux que nous pouvons adhérer à des principes moraux ou des conventions sociales. Éthique et biologie sont donc étroitement corrélées.
Autre contribution majeure des recherches de l’auteur : l’idée que les sentiments ne sont pas seulement « dans la tête » mais plutôt un reflet de ce qui se passe dans l’ensemble du corps, y compris la moelle épinière. En réalité, ils sont des guides internes qui permettent une surveillance continue de l’état du corps et qui nous renseignent sur notre état (douleur, plaisir, joie, satisfaction, etc.).
Nous avons tendance à oublier que notre cerveau — où nous plaçons notre « esprit » et notre intelligence — est le fruit d’une évolution qui commence par le reste du corps. Or, c’est d’abord par les organes sensoriels que nous appréhendons notre environnement ; la raison ne vient que dans un deuxième temps ! Une lésion fonctionnelle affectant la moelle épinière peut, par exemple, perturber ce processus en limitant notre capacité à ressentir certains stimuli ou émotions.
Première partie
Chapitre 1 : Désagrément dans le Vermont
Antonio Damasio commence par raconter l’histoire de Phineas P. Gage, un travailleur des chemins de fer très promis à une belle carrière dans le Vermont de la fin du XIXe siècle. Doué, proactif et sociable, il avait tout d’un futur leader.
Malheureusement, un accident survint : le cheminot reçut une barre de métal droit dans la tête, transperçant de la joue jusqu’au crâne, ce qui provoqua une grave lésion fonctionnelle du cerveau. Il n’en mourut pas, mais — chose étrange — sa personnalité changea du tout au tout. Il avait toujours un côté rationnel, mais n’avait plus aucune discipline et ne pouvait plus se comporter correctement en société.
Licencié par son employeur, il mourut à 38 ans. Son cas devint célèbre auprès des médecins.
Pourtant, les scientifiques de l’époque n’interrogèrent pas directement le lien entre le dommage cérébral et les défaillances éthiques et sociales de Phineas P. Gage, excepté son propre médecin, le Dr. Harrow.
Pour Antonio Damasio, cette histoire montre qu’agir de façon personnellement et socialement avantageuse requiert au moins deux composantes :
- La connaissance des règles sociales ;
- Le fonctionnement correct des systèmes cérébraux, dont la moelle épinière joue un rôle essentiel dans la transmission des informations nerveuses.
Toutefois, de nombreuses énigmes restent à éclaircir, et les témoignages et les relevés réalisés à l’époque ne permettent pas de lever tout le mystère.
Chapitre 2 : L’étude du cerveau de Gage
Antonio Damasio explique comment l’affaire fut résolue dans le monde scientifique à l’époque :
- Les médecins Paul Broca et Carl Wernicke considérèrent que les lésions cérébrales avaient causé une aphasie (altération du langage). Après quelques hésitations, le monde scientifique se rangea sous cette explication.
- L’hypothèse du Dr. Harlow (selon laquelle les dommages causés à certaines zones du cerveau affecteraient le comportement social) n’a, quant à elle, pas été reprise aussi largement par le corps scientifique et médical.
Néanmoins, le Dr. Harlow réussit à convaincre la famille de Phineas Gage de donner le crâne du pauvre homme à la science pour plus d’études. Il se trouve aujourd’hui à la Harvard Medical School.
Beaucoup plus récemment, la neuroscientifique Hanna Damasio développa un système novateur pour réétudier le cerveau de Phineas Gage. Elle remarqua que les zones dédiées au langage et au mouvement étaient intactes, mais que l’hémisphère gauche et la région préfrontale étaient eux davantage touchés.
Or, les recherches récentes montrent que ces régions sont impliquées dans la prise de décision. Sa conclusion va donc plutôt dans le sens de l’hypothèse du Dr. Harlow.
Les lésions fonctionnelles dans ces zones du cerveau, affectant la prise de décision et le comportement social, expliquent en grande partie les changements dans la personnalité de Phineas Gage.
Si vous êtes intéressés par les détails de l’anatomie du système nerveux, Antonio Damasio propose un « intermède » assez technique sur ce sujet p. 48-55.
Chapitre 3 : un Phineas Gage d’aujourd’hui
Elliot est le nom fictif d’un patient qu’Antonio Damasio a évalué durant sa carrière. Sa personnalité avait radicalement changé à la suite de lésions du cortex préfrontal dues à une opération pour lui retirer une tumeur cérébrale.
Pour l’auteur, le cas d’Elliot était « une version particulièrement pure » de l’état de Phineas Gage : son intellect demeurait ici aussi intact, mais ses aptitudes à décider correctement pour lui-même et en contexte social avaient empiré.
Comme Phineas, Elliot avait perdu son emploi. Malheureusement, il n’avait reçu aucune prestation d’invalidité de l’État, car celui-ci n’avait pas reconnu son problème. C’est pourquoi son médecin cherchait à faire connaître sa maladie en venant trouver l’auteur de L’erreur de Descartes.
Comme Phineas, il commença à avoir des attitudes bizarres, comme collectionner des déchets. Pire, il ne parvenait plus à faire des plans pour le futur et à maintenir une attitude sociale ; il divorça même deux fois. Pourtant, Elliot paraissait étrangement distant lorsqu’il racontait toutes les tristes histoires qui lui étaient arrivées. Et il en était conscient…
C’est là que le neurobiologiste se rendit compte qu’il fallait qu’il prenne en compte les émotions ! Lors de tests ultérieurs menés en laboratoire, Antonio Damasio prit conscience que son patient connaissait les règles de conduite sociale, mais n’arrivait pas à les appliquer dans la vie réelle.
Il émit alors pour la première fois son hypothèse centrale : la réduction de la réactivité émotionnelle d’Elliot devait être liée, d’une manière ou d’une autre, à son incapacité à agir correctement en société, et ce dysfonctionnement était probablement d’origine fonctionnelle dans ses réseaux cérébraux. Une partie des processus nécessaires à une interaction sociale fluide, tels que ceux régulés par la moelle épinière et d’autres régions cérébrales, semblait altérée.
Chapitre 4 : De sang-froid
« Personne n’a jamais douté que, dans certaines circonstances, l’émotion perturbe la faculté de raisonnement. Les preuves en sont abondantes et sont à l’origine du conseil fort juste que nous avons tous appris depuis notre plus jeune âge : Gardez la tête froide, contrôlez vos émotions ! Ne laissez pas vos passions interférer avec votre jugement. »
(L’Erreur de Descartes, p. 83)
Bien sûr, les émotions peuvent nous mener à faire des choix terribles et à agir de façon manifestement « irrationnelle ». Pour autant, Antonio Damasio refuse que nous considérions les émotions comme une « faculté mentale surnuméraire » et comme un « à-côté de la pensée rationnelle » qui serait « de trop ».
En fait, les histoires de Phineas et d’Elliot nous apprennent aussi autre chose : le manque d’émotions peut également être à l’origine de comportements irrationnels. L’auteur, bien sûr, ne s’est pas contenté de ces deux cas ; il a étudié chez d’autres patients et ceux-ci ont confirmé cette hypothèse.
Cela dit, l’erreur serait d’identifier trop rapidement des zones du cerveau avec ces facultés. En réalité, il existe de nombreuses interactions entre « sites cérébraux » et celles-ci interviennent dans le rapport entre émotions, raisonnement et prise de décision.
C’est ce que l’auteur souhaite montrer en présentant plusieurs autres cas assez techniques tout au long du chapitre. Finalement, il lui apparaît que les dommages peuvent non seulement venir du cortex préfrontal, mais également de :
- La zone de l’hémisphère cérébral droit qui traite les signaux du corps ;
- Certaines structures du système limbique (et en particulier l’amygdale).
Et même des lésions au niveau de la moelle épinière, qui peuvent affecter la capacité du corps à transmettre correctement les signaux nécessaires à une prise de décision rationnelle. Ces dysfonctionnements peuvent être à la fois d’ordre structurel et fonctionnel, perturbant l’équilibre nécessaire entre émotion et raisonnement.
Deuxième partie
Chapitre 5 : L’élaboration d’une explication
À partir de ce chapitre, l’auteur va chercher à élaborer une explication scientifique aux constats qu’il a réalisés dans sa carrière et qu’il a résumés dans la première partie du livre. Le contenu des chapitres devient plus complexe et plus technique. L’auteur se livre à plusieurs distinctions et explications de base.
Par exemple, il distingue le corps et l’organisme. Le second est l’ensemble de l’individu, dont la frontière est la peau. Le corps, quant à lui, est l’organisme « moins les tissus nerveux » (système nerveux central et périphérique), y compris la moelle épinière, qui joue un rôle clé dans la transmission des informations entre le cerveau et le reste du corps.
Un organisme change constamment. Il peut être dans un état mental ou corporel à un moment donné, et en changer à un autre moment. Les relations entre le mental et le corporel se réalisent via deux « canaux » spécifiques :
- Le système nerveux périphérique, incluant la moelle épinière qui relie le cerveau aux organes;
- Le système sanguin (par lequel transitent les hormones, neurotransmetteurs, etc.).
Lorsqu’un organisme reçoit un stimulus, il y répond par une action, un mouvement. Ces mouvements peuvent être volontaires ou non (c’est-à-dire automatiques). Le mouvement délibéré est lié à la pensée et aux images qui peuvent se former à l’esprit. Si des lésions affectent certaines zones du système nerveux ou de la moelle épinière, cela peut interférer avec la capacité de l’organisme à effectuer des mouvements coordonnés ou à répondre adéquatement aux stimuli.
L’organisme interagit non seulement avec lui-même, mais avec l’extérieur ; son milieu. Celui-ci se rend présent à l’organisme via ses 5 sens. Les informations ainsi recueillies seront transmises au cerveau qui les traitera de façon sélective.
La mémoire est un élément crucial qui nous aide également à raisonner. Il faut distinguer entre les images qui nous viennent directement de la perception (via nos sens) et celles que nous nous formons à partir de la mémoire (nos souvenirs). Les lésions affectant les zones cérébrales ou même la moelle épinière peuvent avoir un impact direct sur la manière dont ces informations sont traitées et stockées.
Selon Antonio Damasio, la mémoire est fondamentalement « reconstructive », à savoir qu’elle recompose une image du passé à partir de différents éléments et zones du cerveau, sans reproduire à l’identique l’événement. Connaître, c’est accumuler les représentations qui nous viennent des sens et de la mémoire. Nous pensons et parlons d’abord à partir d’images qui se forment dans notre esprit.
Bien que nous nous réinventions constamment, nous avons aussi un « ensemble de préférences de base » constituées pour notre survie au cours de l’évolution.
Chapitre 6 : La régulation biologique de la survie
Les instincts nous permettent de répondre rapidement à des stimuli de notre corps ou de l’environnement. Par ailleurs, nos émotions et sentiments manifestent certains instincts. Ainsi, quand nous avons faim (instinct) et que nous nous plaignons (sentiment), c’est parce que le niveau de sucre dans notre corps commence à diminuer (stimuli corporels), avec la moelle épinière jouant un rôle essentiel dans la transmission de ces informations corporelles vers le cerveau.
Les instincts sont indispensables à notre survie. Ils sont une forme de mécanisme pré-organisé qui nous aide à classer les événements selon des catégories négatives ou positives. En cas de lésion affectant le système nerveux ou la moelle épinière, ce processus instinctif pourrait être perturbé, ce qui rendrait plus difficile la gestion des stimuli environnementaux. Grâce à la mémoire, nous pouvons nous souvenir d’événements passés et ainsi pré-classer les événements futurs.
Ici, corps et esprit ne sont pas distincts mais travaillent complètement ensemble. L’enjeu ? Accroître les chances de survie de l’organisme !
Pour Antonio Damasio, il est clair que la pensée ne vient pas d’une origine divine, mais bien des processus longs et complexes de l’évolution biologique. Selon lui, nous pouvons utiliser la neurobiologie pour étudier la manière dont nous agissons et prenons nos décisions, tout en considérant les impacts d’éventuelles lésions cérébrales ou de troubles fonctionnels qui pourraient altérer ces processus.
Pour autant, cela ne signifie pas nécessairement réduire l’explication des comportements humains à la biologie ; afin d’étudier ceux-ci, le scientifique plaide plutôt pour l’utilisation de méthodes interdisciplinaires qui associeraient neurosciences et sciences humaines.
Chapitre 7 : Les émotions et leur perception
Antonio Damasio considère la différence entre :
- Certains animaux comme les reptiles qui ne possèdent que d’anciennes structures cérébrales, fonctionnent à l’instinct et vivent souvent dans des environnements simples ;
- Les organismes dont le cerveau comprend des structures plus récentes, telles que le néocortex, qui doivent tenir compte de plus de facteurs lorsqu’ils prennent des décisions et vivent dans des milieux plus complexes. Ces organismes possèdent également des systèmes nerveux plus sophistiqués, où la moelle épinière joue un rôle central dans la transmission des informations entre le cerveau et le reste du corps.
Nous retrouvons ici, d’une certaine manière, la différence entre « le système 1 et le système 2« , pour reprendre l’expression d’un livre fameux : un cerveau reptilien qui agit par pure habitude ou instinct et un cerveau développé capable de prendre des décisions précises et subtiles en fonction de situations changeantes.
Cela dit, c’est un peu plus complexe que ça ! Tout le chapitre vise à montrer que les émotions (sensées cantonnées au premier niveau) s’invitent constamment dans la prise de décision et le raisonnement.
Le chercheur distingue trois types d’émotions :
- Primaires = depuis la naissance (joie, tristesse, colère, peur et dégoût)
- Secondaires = appréciations plus fines de l’environnement en fonction du passé ;
- Sentiments d’arrière-plan = qui nous donnent une image de l’état de notre corps à un moment T.
Le scientifique distingue également les émotions (emotions) et les sentiments (feelings). Tous les sentiments ne génèrent pas d’émotions, alors que toutes les émotions génèrent des sentiments.
À noter : c’est une vérité qui est à la base, notamment, des ateliers du rire où le simple fait de produire le rire crée progressivement l’émotion qui lui correspond !
Nos sentiments et nos émotions sont tout aussi concrets que nos organes ou notre langage, par exemple. Ils sont, de ce fait, parfaitement « étudiables » par la biologie contemporaine. Cependant, Antonio Damasio y insiste, cela ne signifie pas que ce type d’interprétation matérialiste, scientifique, suffise à rendre compte de leur richesse.
Chapitre 8 : L’hypothèse des marqueurs somatiques
Nous voici arrivés au cœur de l’hypothèse scientifique de l’auteur. À nouveau, si vous souhaitez entrer dans les détails techniques et rigoureux de l’explication, il est préférable de vous référer directement à l’ouvrage. Nous nous en tenons ici aux grandes lignes.
Qu’est-ce qui constitue une prise de décision ? Selon le chercheur, la prise de décision est le but ultime du raisonnement. Son résultat est le choix lui-même (aller dans tel sens ou tel autre). Pour penser et nous décider, nous avons besoin d’ :
- Une connaissance de la situation actuelle ;
- Des options d’action disponibles et de leurs conséquences ;
- Une capacité inhérente à trier et jauger ces situations, options et conséquences.
Antonio Damasio suggère en outre, nous l’avons vu, que les émotions sont tout aussi importantes que la raison et la mémoire dans le raisonnement et la prise de décision.
Par ailleurs, il met en avant (après d’autres, bien sûr) que certaines décisions peuvent être :
- Inconscients (vous ne choisissez pas consciemment d’avoir faim) ;
- Conscients, mais sans raisonnement (vous ne raisonnez pas quand vous vous protégez contre un danger).
Jusqu’alors, nous pensions que raisonnements intuitifs et raisonnements délibérés et rationnels devaient être strictement séparés, tant au niveau logique que sur le plan biologique. C’est ainsi que le voyait notamment le philosophe Descartes. Or, selon Damasio, c’est faux ; ces différents types de raisonnements opèrent à partir du même noyau neurobiologique. Ce noyau comprend à la fois des circuits cérébraux et des processus fonctionnels dans le système nerveux, y compris la moelle épinière, qui coordonne de manière complexe la prise de décision.
Bien sûr, nous avons aussi vu que certaines personnes, comme Phileas Gage (voir chapitre 1), peuvent raisonner rationnellement sur un plan mathématique, par exemple, et pourtant échouer à prendre des décisions justes sur un plan social. Pour l’auteur, cela montre que ces décisions en contexte social sont particulièrement complexes et ne peuvent être gérées de la même façon, en raison des perturbations fonctionnelles dans les circuits émotionnels et sociaux du cerveau, souvent liées à des lésions spécifiques.
En fait, ces décisions ne peuvent fonctionner sur un mode purement utilitaire de coûts et bénéfices, en évacuant toute émotion. Et c’est là qu’intervient l’hypothèse des marqueurs somatiques — la clé de l’argument d’Antonio Damasio.
Que signifie cette expression ? Dit simplement, c’est l’idée qu’un sentiment instinctif (gut feeling) peut déjouer tous nos plans cartésiens. Le corps (soma en grec) provoque une image et lui associe un sentiment viscéral. De ce fait, il « oblige » l’esprit à restreindre les options disponibles en en rejetant automatiquement certaines de façon émotionnelle.
Bref, les marqueurs somatiques court-circuitent la pensée rationnelle ! Ils font partie des émotions secondaires, mais trouvent leur base dans les émotions primaires. Dès l’enfance, nous acquérons un ensemble de marqueurs somatiques qui dirigeront notre vie durant (ou tenterons de le faire).
Certaines conditions socio-politiques (régimes autoritaires, etc.) ou individuelles (maladies, etc.) peuvent contrarier le développement et l’expression corrects de ces marqueurs somatiques.
Troisième partie
Chapitre 9 : La mise à l’épreuve de l’hypothèse des marqueurs somatiques
Pour tester son hypothèse, Antonio Damasio conduisit plusieurs expériences avec son équipe. Il rapporte en particulier le succès de deux expériences rassemblées sous le nom générique du test du « jeu de poker« .
Dans la première version de l’expérience, des cartes sont distribuées à un « Joueur » (le sujet de l’expérience) à qui l’on demande de gagner le plus d’argent possible en piochant des cartes dans deux paquets distincts. Certaines cartes lui font gagner gros (paquets A et B) et d’autres moins (paquets C et D). Parfois même, certaines cartes exigent de lui qu’il paie une somme plus ou moins importante (quand elles sont « mauvaises », les cartes du paquet A exigent un remboursement important).
Le Joueur découvre, chemin faisant, comment éviter les plus grosses pertes tout en cherchant à optimiser ses gains :
- Les joueurs « normaux » apprennent à préférer progressivement les paquets C et D par prudence.
- Ceux qui ont des lésions frontales spécifiques agissent à l’inverse en persistant à jouer « risqué ».
Plusieurs interprétations sont dégagées par le chercheur et ses collègues. Pour choisir parmi elles, un autre test fut imaginé dans lequel la punition était première (les cartes « négatives » arrivant plus souvent que les cartes « positives », qui font gagner de l’argent). Les résultats de ce deuxième test permirent d’y voir plus clair.
Pour mettre un mot sur leurs résultats, les scientifiques forgèrent l’expression de « myopie de l’avenir« . Selon eux, ces tests montrent que « les patients atteints de lésions frontales souffriraient d’une profonde exagération de ce qui pourrait être une tendance fondamentale normale, à savoir : se saisir du présent plutôt que de miser sur l’avenir ».
Voici ce qu’en dit encore Antonio Damasio :
« Il semble bien que les patients atteints de lésions frontales aient perdu ce qu’ils avaient acquis par l’éducation et la socialisation. L’une des aptitudes les plus caractéristiques de l’homme est d’apprendre à orienter son comportement en fonction de perspectives lointaines et non en fonction d’objectifs immédiats, apprentissage que nous commençons à faire dès l’enfance. »
»Les lésions frontales, chez nos patients, mettent à mal non seulement tous les acquis accumulés jusque là, dans ce domaine, mais empêchent toute acquisition nouvelle. Le seul côté un peu positif de ce triste constat est que, comme c’est souvent le cas en neuropathologie, il ouvre des perspectives au progrès de la science. L’effet des lésions nous permet d’entrevoir la nature des processus qui ont été perdus. »
(L’Erreur de Descartes, Chapitre 9)
Chapitre 10 : Le corps dans le fonctionnement mental du cerveau
Percevoir le monde, ce n’est pas seulement une attitude passive de réception ; c’est aussi de l’action. Lorsque je perçois, mon corps agit ou mieux, interagit avec son environnement.
Prenons un exemple. Si vous vous baladez la nuit et que vous vous sentez suivi, votre esprit et votre corps reconnaissent tous les deux la menace et initient des changements pour assurer votre survie. Et si vous décidez de fuir, tous les systèmes de votre corps seront déjà alignés pour suivre cet objectif !
Corps et cerveau interagissent constamment entre eux et avec le monde via les circuits neuronaux. C’est ainsi que le corps peut se maintenir en équilibre (homéostasie).
Mais Antonio Damasio va plus loin. Il soutient que le concept de soi est un état biologique qui est constamment mis à jour. Rien à voir avec l’idée d’un inspecteur ou d’un juge qui agirait « par-delà » le corps, comme jugé sur sa tour d’ivoire. Sans corps, pas de vie de l’esprit !
Inversement, le développement de l’esprit assure la survie en donnant aux organismes un moyen de s’adapter aux changements imprévus dans le génome. Cela signifie aussi que le corps est la priorité de l’esprit. Première tâche de celui-ci : comprendre quelles sont les limites du corps, sa « géographie ». Deuxième tâche : localiser les interactions à l’extérieur du corps grâce aux sens.
En fait, l’esprit surveille constamment l’état du corps et interagit avec lui en arrière-plan pour s’assurer de notre survie. D’ailleurs, remarque-t-il, « quand vous voyez, vous ne voyez pas seulement : vous sentez que vous voyez quelque chose avec vos yeux ».
L’auteur se pose encore une autre question importante dans ce chapitre : quel est le fondement biologique de la conscience ? Nous pouvons chercher à le comprendre à partir de certaines pathologies.
Si les personnes malades sont généralement capables de décrire le changement d’état par rapport à eux-mêmes, les anosognosiques complets (personnes incapables de reconnaître le mal dont elles souffrent) ne le peuvent pas. Pourquoi ?
C’est peut-être, d’après l’auteur, parce qu’elles ont subi des dommages au sein de leur « moi neural« . Ils deviennent incapables de reconstruire une image neuve de l’état de leur corps pour la comparer à l’ancien.
Le moi neuronal comprend deux ensembles de représentations qui sont constamment mis à jour :
- Les événements autobiographiques, tels que la notion d’identité, de routines et d’aspirations.
- Les représentations du corps tel qu’il est actuellement et le compare à la façon dont il est généralement.
D’habitude, ces processus restent masqués. Pourtant, ces pathologies nous donnent des indices de ce qui passe hors de la scène. Le chercheur va même jusqu’à émettre des hypothèses sur la formation de la subjectivité comme « troisième étape » à partir de ces deux premières étapes (voir p. 325-329).
Chapitre 11 : La passion fondant la raison
Bien que certaines de ses idées aient été vérifiées par l’expérience, le propos central de l’auteur demeure une hypothèse qui demande encore du travail afin d’être totalement validée.
Par ailleurs, Antonio Damasio met en garde contre des interprétations trompeuses de ses théories. Il ne dit pas que les émotions et les sentiments sont « supérieurs » à la raison ni qu’ils l’emportent toujours face au raisonnement. S’ils font partie du processus de raisonnement, cela ne diminue en rien l’importance de celui-ci.
Nous pouvons néanmoins apprendre à comprendre ce qui se passe au sein de ces interactions, et en particulier lorsque ce « monde intérieur » ne fonctionne plus.
Pour Antonio Damasio, l’erreur fondamentale de Descartes — quelle que soit l’interprétation qu’on fasse de sa philosophie par ailleurs — consiste dans la séparation du corps et de l’esprit. Et le problème est que sa pensée reste influente dans le milieu de la recherche, y compris en neurobiologie ou en neurochimie.
Pour l’auteur, la rationalité humaine est fragile et finie — et c’est parce qu’elle est incorporée. Il importe donc de changer de paradigme afin de pouvoir nous appréhender de façon plus complète et aussi plus humble.
Post-scriptum
Antonio Damasio dit avoir écrit L’Erreur de Descartes afin de donner un aperçu de la recherche en neurobiologie au plus grand nombre et pour faire comprendre comment ce savoir peut affecter la façon dont nous envisageons l’humanité.
Par ailleurs, il a écrit pour que le corps médical change de perception sur la question des rapports entre le corps et l’esprit. Si elle modifie son paradigme pour prendre en compte les interactions constantes entre corps, émotions et raison, la médecine sera en mesure de développer de meilleurs traitements et d’être plus respectueuse du patient.
Pour l’instant, la situation académique n’est, selon lui, pas satisfaisante. Les étudiants de tous les cursus devraient apprendre les bases de la psychologie humaine. Dans les facultés de médecine ou de neurosciences, il faudrait éduquer davantage les étudiants à l’empathie.
En fait, le « biais cartésien » — qui dissocie nettement raison et passion — ne fait pas du bien à la recherche et devrait être modifié pour :
- Faire davantage de progrès ;
- Augmenter l’efficacité du diagnostic et du traitement des maladies psychologiques ;
- Redonner confiance en la médecine occidentale.
Antonio Damasio poursuit ses investigations. Ses plus récentes recherches ont par exemple établi que la douleur et le plaisir sont tous deux nécessaires pour qu’un organisme fonctionne normalement et efficacement. Ce sont des dispositions innées qui ont pour fonction de configurer correctement nos instincts. Ceux-ci peuvent ensuite servir à établir des stratégies de prise de décision complexes.
Conclusion sur « L’Erreur de Descartes » d’Antonio R. Damasio :
Ce qu’il faut retenir de « L’Erreur de Descartes » d’Antonio R. Damasio :
Retenez que :
- Le raisonnement est éclairé par les émotions et les sentiments ;
- Pour raisonner correctement, nous avons besoin de l’intégrité des systèmes de notre cerveau (et non seulement d’une petite partie où se logerait la « raison »).
- Le raisonnement prend ses sources dans l’esprit autant que dans le corps ;
- Celui-ci évolue avec l’expérience et peut en général être amélioré.
Contrairement à ce que pensait le philosophe René Descartes, la raison n’est ni pure, ni complètement immatérielle. Si cette théorie s’avère exacte, alors elle impliquera une reconfiguration profonde de nos façons de voir le monde et notamment nos interactions sociales.
Points forts :
- Un livre savant par l’un des plus grands neuroscientifiques actuels ;
- Des explications claires malgré la complexité du sujet, avec des sections spécifiques pour introduire certains termes techniques ;
- De nombreuses images qui aident à la compréhension ;
- Une écriture agréable, qui allie la raison à l’émotion, notamment via des anecdotes personnelles.
Point faible :
- C’est un peu difficile à lire, mais l’effort en vaut la peine !
Ma note :
★★★★★
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