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The Network State

L'État réseau The network State Balaji Srinivasan

Résumé de « L’État-réseau – Comment créer un nouveau pays« , publié sous le titre « The Network State – How to start a new country » de Balaji Srinivasan : Dans ce livre, Balaji Srinivasan explique en quoi « l’État-réseau » peut devenir le successeur de l’État-nation. Tout au long des chapitres, il partage les tenants et aboutissants de ce nouveau concept et comment n’importe qui peut aujourd’hui créer un pays à partir d’internet en rassemblant une communauté numérique entièrement décentralisée, disséminée dans le monde entier mais organisée et connectée ensemble par une cause commune.

Par Balaji Srinivasan, 2022, 474 pages. Titre original « The Network State – How to start a new country« 

Chronique et résumé de « L’État-réseau – Comment créer un nouveau pays« , publié sous le titre « The Network State – How to start a new country » de Balaji Srinivasan

Chapitre 1 – Présentation rapide de l’État de réseau

1.1 – Préambule concernant le livre « L’État-réseau » (« The Network State« )

Notes :

  • Le livre « The Network State » n’a pas été publié en français : dans cette chronique,  je traduirai donc le terme de « Network State » par « État de réseau » ou « État-réseau« , et donc le titre par « L’État-réseau« 
  • Parmi ses différentes fonctions, soulignons que l’auteur Balaji Srinivasan est le fondateur de Counsyl et l’ancien PDG de Coinbase.

En préambule de son livre « L’État-réseau« , l’auteur, Balaji Srinivasan propose de considérer son ouvrage comme :

  • Un livre dynamique : « L’État-réseau » (« The Network State« ) existe sous forme numérique, consultable en ligne ou sur Kindle. Il est régulièrement modifié car continuellement mis à jour. Chaque fois que vous le consultez, vous le trouvez donc dans sa dernière version. Cette chronique concerne la version de fin 2022.
  • Une boite à outils : pour l’auteur, il n’est absolument pas nécessaire d’être d’accord avec tout ce qu’il dit dans l’ouvrage. Selon lui, l’État de réseau est un concept suffisamment flexible pour se l’approprier et le personnaliser à notre façon.
  • Un ouvrage qui définit le concept d’État de réseau et partage son fonctionnement, sa viabilité et son écosystème.

1.2 – Qu’est-ce qu’un État de réseau ou un « Network State » ?

Balaji Srinivasan propose de résumer, dans le premier chapitre de son livre « L’État-réseau » (« The Network State« ), le concept d’État de réseau simplement et d’en développer toute sa complexité dans les chapitres suivants. 

l'État réseau en termes d'esprit et non géographique

1/ L’idée phare : une conception de l’État en termes d’esprit, et non plus en termes de territoire

La première idée phare à retenir dans le concept d’État de réseau est la suivante : il ne s’agit plus de concevoir l’État en termes de territoire comme dans l’État-Nation mais en termes d’esprit.

Voici ce qu’écrit précisément Balaji Srinivasan à ce propos :

« Lorsque nous pensons à un État-nation, nous pensons immédiatement aux terres, mais lorsque nous pensons à un État-réseau, nous devrions immédiatement penser aux esprits. Autrement dit, si le système d’État-nation commence par la carte du globe et attribue chaque parcelle de terre à un seul État, le système d’État-réseau commence par les 7+ milliards d’humains du monde et attire chaque esprit vers un ou plusieurs réseaux. »

« When we think of a nation state, we immediately think of the lands, but when we think of a network state, we should instantly think of the minds. That is, if the nation state system starts with the map of the globe and assigns each patch of land to a single state, the network state system starts with the 7+ billion humans of the world and attracts each mind to one or more networks. »

2/ Une définition simple de l’État-réseau et les 11 éléments qui le constitue

Balaji Srinivasan poursuit en énonçant cette fois-ci une définition courte de l’État de réseau :

« Un État-réseau est une communauté en ligne hautement alignée avec une capacité d’action collective qui finance le territoire à travers le monde et obtient finalement la reconnaissance diplomatique des États préexistants. »

« A network state is a highly aligned online community with a capacity for collective action that crowdfunds territory around the world and eventually gains diplomatic recognition from pre-existing states.« 

Mais l’État-réseau est, en réalité, bien plus complexe et abouti que cette simple définition.

L’auteur indique en effet qu’un État réseau est un réseau social qui suppose 11 éléments spécifiques.

À savoir :

  • Une innovation morale,
  • Le sens de la conscience nationale,
  • Un fondateur reconnu,
  • Une capacité d’action collective,
  • Une civilité personnelle,
  • Une crypto-monnaie intégrée,
  • Un gouvernement consensuel limité par un contrat social intelligent,
  • Un archipel de territoires physiques financés par un système de crowdfunding,
  • Une capitale virtuelle,
  • Une population attestée par un recensement inscrit sur le registre de la blockchain,
  • Des revenus et une empreinte immobilière suffisamment importants pour atteindre une reconnaissance diplomatique.

3/ Trois points-clés essentiels de l’État-réseau

Toujours dans le but de mieux saisir le concept d’État de réseau, Balaji Srinivasan partage une image. Cette image représente ce que nous pourrions considérer comme la prochaine version d’un État-réseau avec :

  • Une population d’1,7 million de personnes,
  • Avec 157 milliards de dollars de revenus annuels,
  • Une étendue de 136 millions de mètres carrés.

Voici cette image extraite de l’ouvrage « L’État-réseau » (« The Network State« ) :

En fait, cette image illustre trois grandes idées centrales dans le concept d’État de réseau :

  • Un État-réseau n’est pas physiquement centralisé comme un État-nation, ni limité dans son échelle comme une cité-État : il est géographiquement décentralisé et connecté par Internet.
  • Il est possible de créer un État de réseau à partir de notre ordinateur : de la même façon que Facebook est né de l’ordinateur portable d’un individu, un État réseau d’un million de personnes, possédant un archipel mondial de territoires physiques, peut très bien être une société de démarrage lancée par une seule personne.
  • Le recensement en temps réel est capital dans un État du réseau. Il doit combiner des informations sur différents plans (monnaie, pays, entreprises, revenu annuel, empreinte immobilière) pour se concentrer sur la croissance continue des personnes.

1.3 – Les 7 étapes clés pour créer un État-réseau

Si la technologie nous a permis de créer de nouvelles formes d’entreprises, de nouvelles monnaies et communautés, l’auteur du livre « L’État-réseau » (« The Network State« ) est convaincu qu’il est aussi possible de créer de nouvelles villes et de nouveaux pays.

Il décrit alors comment il pense cela possible en 7 étapes clés.

1/ Résumé des 7 étapes à suivre pour créer un État de réseau

Étape 1 : communauté

Créer une société de démarrage, c’est-à-dire une communauté en ligne qui aspire à quelque chose de plus grand.

Étape 2 : union de réseau

Organiser cette communauté en « union de réseau » ou « syndicat de réseau », autrement dit, en groupe capable d’action collective pour une cause commune.

Étape 3 : rencontres physiques et économie

Instaurer une confiance hors ligne en organisant des rencontres physiques entre les membres de façon croissante. Puis, fonder une économie grâce à la crypto-monnaie.

Étape 4 : financements et création des noeuds physiques

Avec les fonds participatifs perçus, et une fois la confiance établie, financer des biens immobiliers et même des villes pour amener les membres numériques à cohabiter en communautés physiquement dans le monde entier. L’auteur utilise le terme de « nœuds physiques » pour décrire le lieu de cohabitation physique de ces communautés. Il s’agit en fait d’enclaves, de territoires non contigus de diverses tailles : un archipel en réseau n’a pas besoin d’acquérir tout son territoire en un seul endroit à la fois : « il peut connecter un millier d’appartements, une centaine de maisons et une douzaine de culs-de-sac dans différentes villes (…) avec sa capitale dans le cloud » écrit Balaji Srinivasan. 

Étape 5 : archipel de réseaux

Connecter ces nœuds répartis dans le monde entier numériquement entre eux dans un archipel de réseaux. Les membres de la communauté peuvent migrer entre ces enclaves. L’accès physique se fait grâce à un « crypto-passeport web3« , et la réalité mixte est utilisée pour relier de manière transparente les mondes en ligne et hors ligne.

Étape 6 : recensement par cryptographie

Réaliser un recensement vérifiable par la cryptographie. Montrer la croissance de la population, des revenus et de l’empreinte immobilière du futur État-réseau permet de faire face au scepticisme.

Étape 7 :

Acquérir une reconnaissance diplomatique d’un gouvernement préexistant, puis une souveraineté de plus en plus grande jusqu’à devenir un État-réseau.

2/ L’idée-clé pour créer un État de réseau

Balaji Srinivasan insiste sur une autre idée-clé du concept d’État-réseau : contrairement à « un État hérité idéologiquement désaligné et géographiquement centralisé, qui regroupe des millions de personnes en conflit en un seul endroit« , un État-réseau est idéologiquement aligné mais géographiquement décentralisé. Les gens sont répartis dans le monde entier en clusters (groupes) de taille variable « mais leurs cœurs sont au même endroit« .

L’objectif, c’est de peupler la terre partout à partir du cloud.

1.4 – 6 + 1 façons de créer un nouveau pays

On l’a compris, créer un nouvel État-réseau, c’est transformer une communauté en ligne en un état physique grâce à un capital virtuel.

Pour cela, affirme Balaji Srinivasan, nous devons être motivés par l’envie de construire quelque chose de nouveau sans contraintes liées à l’Histoire. Il faut avoir envie, en somme, de prendre un nouveau départ, et non pas, comme nous l’avons toujours fait, nous battre pour changer l’ancien.

C’est pourquoi, si jusqu’à présent, il y a eu au moins six manières de former un nouvel état – trois façons conventionnelles et trois façons non conventionnelles – nous devrions peut-être désormais imaginer une septième façon de le faire

1/ Les trois voies conventionnelles de créer un nouveau pays

  • L’élection : le pouvoir gagné quand on sort vainqueur d’une élection permet une reconnaissance internationale qui autorise à modifier les lois d’un État existant ou à en créer un autre.
  • La révolution politique : elle utilise en général la violence et aboutit souvent à un nouveau gouvernement.
  • La guerre : bien que destructrice, une guerre conduit, en général, à une nouvelle configuration des frontières.

2/ Les trois voies non-conventionnelles de créer un nouveau pays 

  • Les micro-nations : on parle de micro-nations quand un « excentrique » ou un petit groupe de personnes plante un drapeau sur un territoire contesté ou une plate-forme offshore pour se prétendre nation indépendante. Or, pour l’auteur, un territoire occupé par quelques personnes au milieu de nulle part, sans reconnaissance officielle d’aucun pays officiel, ne peut être viable.
  • Le seastanding : créé par Patri Friedman et soutenu par Peter Thiel, ce concept vise à implémenter des lieux de vie permanents ou semi-permanents d’habitation en eaux internationales ; autrement dit, en dehors de toute zone de souveraineté existante. Bien qu’il y ait des gens qui vivent sur des bateaux de croisière toute l’année, il n’y a pas encore vraiment d’exemple concret de seastanding. Balaji Srinivasan souligne que le seastanding est un concept qui pourrait être utilisé pour créer un État-réseau (en développant une startup capable de financer de façon participative un bateau de croisière par exemple).
  • L’espace : bien que perçu comme techniquement irréalisable aujourd’hui, l’idée de coloniser d’autres planètes est beaucoup plus accepté socialement que le seastanding qui passe pour un projet « fou » (sûrement parce que l’exploration spatiale a été glorifié dans de nombreux films et soutenu par les gouvernements). Ce procédé est actuellement sérieusement envisagé par la société SpaceX d’Elon Musk pour créer un nouvel État sur Mars.

3/ Une septième façon de fonder un nouvel État : la voie de l’État-réseau

Pour Balaji Srinivasan, il existe une ultime façon de fonder un état. Et c’est celle-ci qu’il préconise : le processus de création de l’État de réseau. Ce dernier est bien différent des 6 façons de former un pays précédemment décrites.

– Le processus de création de l’État-réseau

Voilà comment Balaji Srinivasan décrit ce processus :

« Nous créons une startup society, l’organisons en une union de réseau, crowdfundons les nœuds physiques d’un archipel de réseau et – le moment venu – finissons par négocier la reconnaissance diplomatique pour devenir un véritable État de réseau. Nous construisons l’état embryonnaire en tant que projet open source, nous organisons notre économie interne autour du travail à distance, nous cultivons des niveaux de civilité personnelle, nous simulons l’architecture en réalité virtuelle et nous créons de l’art et de la littérature qui reflètent nos valeurs. »

« We create a startup society, organize it into a network union, crowdfund the physical nodes of a network archipelago, and — in the fullness of time — eventually negotiate for diplomatic recognition to become a true network state. We build the embryonic state as an open-source project, we organize our internal economy around remote work, we cultivate in-person levels of civility, we simulate architecture in VR, and we create art and literature that reflects our values. »

– Le principe de « diaspora inverse »

Aussi, pour bâtir un tel état, l’auteur de « L’État-réseau » évoque une sorte de « diaspora inverse » : les émigrants sont dispersés internationalement mais connectés.

L’État-réseau attire d’abord une communauté via Internet et construit une culture en ligne. Puis, seulement ensuite, les membres de la communauté se réunissent physiquement pour construire des habitations et des structures. Les nouvelles recrues peuvent visiter les parties virtuelles ou physiques d’un État de réseau, le tester en version bêta et décider de partir ou de rester.

– Une innovation minimale nécessaire

Créer un nouvel état sur le modèle de l’État-réseau n’exige pas d’inventer de nouvelles technologies. Toutefois le processus implique de nombreuses technologies existantes liées à l’Internet. Celles-ci sont utilisées pour contourner les obstacles politiques (élection, révolution et guerres) qui ne laissent que très peu de place à l’initiative individuelle.

1.5 – Qu’est-ce qu’un « nouveau pays » ? 

Si certains entendent dans le fait de créer un nouveau pays, le fait de coloniser un territoire entièrement nouveau ou d’en changer la forme de son gouvernement, Balaji Srinivasan voit dans le démarrage d’un « nouveau pays » une dimension numérique et sociétale.

Ainsi, selon « L’État-réseau » (« The network State« ), il est possible de créer un nouveau pays en l’abordant sous ces deux angles.

1/ L’angle numérique

L’auteur propose d’imaginer un tableau qui montrerait des chiffres en temps réel pour attester de l’importance indiscutable du nouveau pays. Pour cela, ce tableau indiquerait :

  • Le nombre de membres de sa communauté (5 millions de citoyens numériques engagés dans le monde par exemple),
  • La superficie des biens immobiliers appartenant à ces membres (des milliers de kilomètres carrés de terres dis-contiguës par exemple)
  • Les revenus de la communauté sur la blockchain (des milliards de revenus annuels en crypto-monnaie par exemple). 

2/ L’angle sociétal

Selon les termes de Balaji Srinivasan, un nouveau pays est un pays « diplomatiquement reconnu par d’autres pays comme une entité politique légitime capable de s’autodéterminer« . C’est un État ayant « suffisamment de relations bilatérales pour avoir l’importance sociétale d’accéder à un groupe d’États préexistants comme l’ANASE, l’OEA, l’Union africaine, l’UE ou les Nations Unies« .

Chapitre 2 – L’histoire comme trajectoire

l'histoire comme trajectoire, the network state

2.1 – L’Histoire est le prologue de l’État-réseau

Dans le deuxième chapitre de son livre « L’État-réseau« , Balaji Srinivasan nous explique pourquoi l’Histoire est, selon ses termes, « le prologue de l’État-réseau« .

Il souligne également que, si une entreprise technologique s’intéresse d’abord à l’innovation technologique et ensuite à la culture d’entreprise, créer un État-réseau demande d’agir de façon inverse : il s’agit d’abord de la culture communautaire et ensuite de l’innovation technologique. « Et si innover sur la technologie, c’est prévoir l’avenir, innover sur la culture, c’est sonder le passé » précise-t-il.

1/ Il est crucial d’étudier l’Histoire pour construire une nouvelle société

Balaji Srinivasan affirme ici que, pour construire une nouvelle société, la créer à partir de zéro, il est utile de connaître, en premier lieu, la façon dont les pays ont été construits.

Ensuite, selon lui, l’histoire est cruciale dans le fait qu’elle : 

  • Apporte des arguments de poids, car elle s’appuie sur des faits qui se sont réellement passés.
  • Fonde nos lois, la morale, les doctrines politiques
  • Influence les médias et détermine les responsables des évènements.
  • Représente la vraie valeur de la crypto-monnaie.

« Une nouvelle société implique une innovation morale, sociale et juridique par rapport à l’ancienne – et cela nécessite une connaissance de l’histoire. »

« A new society involves moral, social, and legal innovation relative to the old one — and that requires a knowledge of history.« 

2/ Une société de démarrage se fonde sur une question morale, pas juste technologique

Balaji Srinivasan expose ensuite pourquoi une société de démarrage a pour origine une question morale (historiquement informée) et ne se fonde pas uniquement sur la technologie.

Il explique en fait que, pour créer une société de démarrage, il n’est pas question d’inviter les gens à acheter un quelconque produit. Il s’agit de les inviter à rejoindre une communauté. Le pitch se veut culturel et collectif, et non pas économique et individualiste

En somme, nous dit l’auteur, « vous soutenez que la culture de votre société de démarrage est meilleure que la culture environnante ; implicitement, cela signifie qu’il y a un déficit moral dans le monde que vous corrigez« . 

Et c’est donc pour identifier ce déficit moral que l’histoire doit être étudiée : nous pourrons ainsi « puiser dans le passé pour trouver des arrangements sociaux alternatifs là où ce déficit moral ne s’est pas produit« .

2.2 – Macro-histoire et micro-histoire

1/ La blockchain permet de rendre l’histoire humaine cryptographiquement vérifiable

Dans cette partie, Balaji Srinivasan explique comment, grâce à la technologie, il est aujourd’hui possible d’appliquer l’histoire d’un système isolé et reproductible (la microhistoire) à des millions d’êtres humains en interaction (la macrohistoire). 

Le nombre trop important de variables rendait jusqu’à récemment la macrohistoire (autrement dit l’histoire de l’humanité) faillible. Mais la naissance de la blockchain Bitcoin la rend désormais difficile à falsifier :

« À moins qu’il n’y ait une avancée dans l’informatique quantique, une percée en mathématiques pures, un bogue inédit dans le code ou une attaque très coûteuse (…), il est quasiment impossible de réécrire l’histoire de la blockchain Bitcoin.« 

« Unless there’s an advance in quantum computing, a breakthrough in pure math, a heretofore unseen bug in the code, or a highly expensive attack (…), it is essentially infeasible to rewrite the history of the Bitcoin blockchain.« 

Et même si cela arrivait, les données restent extrêmement bien sécurisées.

Certes, la blockchain Bitcoin n’est pas absolument infaillible (elle réunit plusieurs problèmes que l’auteur développe avec détails). Toutefois, elle est, jusqu’à ce jour, la meilleure technologie jamais inventée pour enregistrer l’histoire humaine, celle d’une économie et d’une société.

« Si le concept de crypto-monnaie peut perdurer après l’invention du décryptage quantique, nous penserons probablement au début de l’histoire cryptographiquement vérifiable comme au début de l’histoire écrite il y a des millénaires. Les sociétés futures pourront considérer l’année 2022 après JC comme l’année 13 AS (avec l’ »After Satoshi » comme le nouveau « Anno Domini ») et l’horloge de bloc, comme le nouveau temps universel.« 

« If the concept of cryptocurrency can endure past the invention of quantum decryption, we will likely think of the beginning of cryptographically verifiable history as on par with the beginning of written history millennia ago. Future societies may think of the year 2022 AD as the year 13 AS, with “After Satoshi” as the new “Anno Domini,” and the block clock as the new universal time. »

C’est pourquoi on parle aujourd’hui de crypto-histoire.

2/ La crypto-histoire : un concept à la base de l’État-réseau

Avec la blockchain, pratiquement tout le comportement humain a maintenant une composante numérique.

La blockchain permet désormais d’enregistrer et de quantifier numériquement les données à petite et grande échelle. Elle est le journal de ce que des milliards de personnes choisissent de rendre public.

La blockchain est l’avenir des documents publics : « un concept qui est au système papier de l’état hérité ce que les documents papier étaient aux documents oraux » lance l’auteur. Dons, naissances, décès, mariages, acquisitions, documents financiers, tous signés numériquement, horodatés et hachés dans des registres publics librement accessibles. Aussi, « chaque achat et communication, chaque trajet dans un Uber, chaque balayage d’une carte-clé et chaque pas avec un Fitbit« …

Pour l’auteur du livre « L’État-réseau« , la macro-histoire est en train de devenir le journal complet de la communauté. Bref, une crypto-histoire.

« L’unification de la microhistoire et de la macrohistoire dans un ensemble de données géantes cryptographiquement vérifiables. Nous appelons cette histoire indélébile, calculable, numérique et authentifiable le registre des archives. »

« The unification of microhistory and macrohistory in one giant cryptographically verifiable dataset. We call this indelible, computable, digital, authenticatable history the ledger of record. »

Ce concept est à la base de l’État de réseau. Et il peut être utilisé pour le meilleur ou pour le pire.

2.3 – Pouvoir politique et vérité technologique

Cette partie du livre « L’État-réseau » développe longuement deux idées importantes. Les voici résumées.

1/ Les biais de l’Histoire se heurtent aujourd’hui à la technologie

Dans cette partie, Balaji Srinivasan explique que l’Histoire est le récit complet de tout ce que l’humanité a fait. Et que c’est une structure de données très riches mais que nous commençons juste maintenant à considérer comme une structure de données.

Il indique que l’Histoire telle qu’elle est (appelée « l’histoire descendante ») a été écrite par les « vainqueurs » : autrement dit, qu’elle a été biaisée parce qu’écrite par les pouvoirs politiques, qu’elle a été déformée ou restituée de façon incomplète dans le but de favoriser un État. L’auteur rappelle à ce propos la distorsion avec laquelle les médias couvrent les évènements : en faveur des pouvoirs politiques en temps de paix comme de guerre. En guise d’illustration, il cite l’exemple de l’histoire d’atrocité, souvent fausse, exagérée dans l’objectif d’amener le public de son côté.

Quand nous avons conscience de ces biais, nous pouvons adopter un regard critique et ainsi nous prémunir contre le fait d’être trop cynique ou trop crédule.

Balaji Srinivasan termine sur ce point en mentionnant trois exemples très concrets de collision entre le pouvoir politique et la vérité technologique. Et dans les trois cas, la technologie a fourni un moyen plus robuste de déterminer ce qui était vrai ; elle a aussi montré comment l’histoire écrite par les médias et les pouvoirs politiques est déformée.

Ces tentatives d’exercer un pouvoir politique se heurtent à présent à la blockchain qui a « décentralisé la détermination de la vérité loin de l’establishment centralisé« .

2/ Un équilibre entre pouvoir politique et vérité technologique est nécessaire

Pour les Chinois, si vous êtes mauvais en technologie, vous serez battu politiquement. Les Américains pensent l’inverse : peu importe que vous soyez doué en matière de technologie, si vous êtes impopulaire, vous n’aurez, de toute façon, pas le pouvoir politique de construire dans le monde physique.

Pour Balaji Srinivasan, nous avons besoin des deux. : ce qu’il faut plutôt, c’est rechercher à maintenir un équilibre entre le pouvoir politique et la vérité technologique. Autrement dit, entre le nationalisme (dans le sens « identité du groupe ») et le rationalisme.

Et c’est pour cela, précise l’auteur, que les théories politiques et technologiques de l’histoire sont interdépendantes : « L’histoire technologique est l’histoire de ce qui marche ; l’histoire politique est l’histoire de ce qui fonctionne pour conserver le pouvoir« . De nombreux exemples montrent cette interdépendance.

2.4 – Dieu, État, Réseau

1/ Les trois forces les plus puissantes du monde

– Dieu, l’État et le Réseau sont trois moteurs fondamentaux

Dans cette partie, Balaji Srinivasan étudie l’histoire du pouvoir. Il identifie les trois forces les plus puissantes du monde comme étant Dieu, l’État et le Réseau.

Ces trois forces doivent être considérées comme trois moteurs fondamentaux :

« Chaque doctrine a son Léviathan, ce premier moteur qui plane au-dessus de tout. Pour une religion, c’est Dieu. Pour un mouvement politique, c’est l’État. Et pour une crypto-monnaie, c’est le Réseau. Ces trois Léviathans planent au-dessus des hommes faillibles pour les amener à se comporter de manière pro-sociale. »

« Every doctrine has its Leviathan, that prime mover who hovers above all. For a religion, it is God. For a political movement, it is the State. And for a cryptocurrency, it is the Network. These three Leviathans hover over fallible men to make them behave in pro-social ways. »

– L’émergence d’un nouveau Léviathan : le Réseau

Balaji Srinivasan poursuit en déclarant que finalement tout mouvement, quel qu’il soit, s’inscrit dans l’un de ces trois Léviathans :

« Une fois que nous généralisons au-delà de Dieu, une fois que nous réalisons qu’il n’y a pas un mais trois Léviathans au sens hobbesien, beaucoup de choses deviennent claires. Les mouvements qui ne sont pas des religions adoratrices de Dieu sont souvent des mouvements politiques adorateurs de l’État ou des tribus cryptographiques adoratrices du réseau. De nombreux athées progressistes ne sont en aucun cas des astatistes ; ils adorent l’État comme s’il s’agissait de Dieu. Et de nombreux athées libertaires ne croient ni en Dieu ni en l’État, mais ils croient au Réseau – que ce soit de leur réseau social ou leur crypto-monnaie. »

« Once we generalize beyond God, once we realize there’s not one but three Leviathans in a Hobbesian sense, much becomes clear. Movements that aren’t God-worshipping religions are often State-worshipping political movements or Network-worshipping crypto tribes. Many progressive atheists are by no means astatists ; they worship the State as if it were God. And many libertarian atheists may not believe in either God or the State, but they do believe in the Network – whether that be their social network or their cryptocurrency. »

En fait, pour l’auteur du livre « L’État-réseau » (« The Network State« ), le Réseau est un « véritable pair et complément à la fois de Dieu et de l’État en tant que mécanisme d’organisation sociale« .

– L’idée du Commandement unique (One Commandment)

Pour Balaji Srinivasan, l’idée du Commandement unique est le concept clé de ce deuxième chapitre : de la même façon qu’une innovation commerciale technologique attire des clients vers une entreprise en démarrage, c’est une innovation sociopolitique fondée sur l’histoire qui attire les citoyens vers une société de démarrage.

En d’autres termes, nous pouvons formuler la comparaison startup et startup society ainsi : si une startup commence par identifier un problème économique sur le marché d’aujourd’hui et présente une solution technologiquement informée à ce problème sous la forme d’une nouvelle entreprise, une « startup society » commence par identifier un problème moral dans la culture d’aujourd’hui et présente une solution historiquement informée à ce problème sous la forme d’une nouvelle société.

2/ L’évolution de ces trois forces

Balaji Srinivasan revient ensuite sur l’histoire de ces forces (ou Léviathans).

– De la crainte de Dieu à celle de l’État

L’auteur raconte avec détails comment nous sommes passé d’une époque où les gens se comportaient bien parce qu’ils craignaient d’être punis par Dieu (années 1800) à celle de l’intelligentsia, qui ne croyait plus en Dieu, ou en tout cas pas de la même manière que leurs ancêtres (années 1900) et qui se comportait bien parce qu’ils craignaient d’être punis par l’État (celui-ci ayant commencé à prendre une nouvelle signification).

Aujourd’hui, la foi en Dieu s’effondre (malgré un renouveau embryonnaire de la foi religieuse en attente). Et c’est le réseau – Internet, le réseau social et maintenant le réseau cryptographique – qui est le prochain Léviathan.

« Donc : dans les années 1800, vous ne voleriez pas parce que Dieu vous frapperait, dans les années 1900, vous ne voleriez pas parce que l’État vous punirait, mais dans les années 2000, vous ne pouvez pas voler parce que le Réseau ne vous laissera pas faire. Soit le réseau social vous harcèlera, soit le réseau de crypto-monnaie ne vous laissera pas voler parce que vous n’avez pas la clé privée, soit (éventuellement) l’IA en réseau vous détectera, ou tout ce qui précède. »

« So: in the 1800s you wouldn’t steal because God would smite you, in the 1900s you didn’t steal because the State would punish you, but in the 2000s you can’t steal because the Network won’t let you. Either the social network will mob you, or the cryptocurrency network won’t let you steal because you lack the private key, or (eventually) the networked AI will detect you, or all of the above. »

Autrement dit, la force la plus puissante sur Terre était :

  • Dieu dans les années 1800,
  • L’armée américaine dans les années 1900,
  • Le cryptage au milieu des années 2000
– Aujourd’hui, le cryptage limite les états

Désormais, le cryptage limite les gouvernements d’une manière qu’aucune législation ne peut le faire :

« Peu importe le nombre d’armes nucléaires dont vous disposez ; si un bien ou une information est sécurisé par cryptographie, l’État ne peut pas le saisir sans obtenir la solution d’une équation.« 

« So it doesn’t matter how many nuclear weapons you have; if property or information is secured by cryptography, the state can’t seize it without getting the solution to an equation.« 

3/ Le conflit entre deux Léviathans : le Réseau et l’État

– Dans de plus en plus de domaines clés, le Réseau devient plus fort que l’État

Par ailleurs, le Réseau est le prochain Léviathan car il devient, dans de nombreux domaines et sur des questions clés, plus puissant et plus juste que l’État. Le système judiciaire humain reste faillible avec son application de la loi sujette aux erreurs ou politisée.

Pour illustrer cette idée, l’auteur partage de nombreux autres exemples concrets qui montrent ce que la force du Réseau devient face à l’État. Parmi ceux cités :

  • Le cryptage > la violence d’État => un cryptage ne peut pas être déchiffré par un gouvernement, des transactions ne peuvent ainsi pas être interceptées par exemple.
  • Social > national : notre réseau social est désormais plus puissant que notre réseau national.

Mais aussi : Peer-to-Peer > Médias d’État, Mobile > Sessile, Réalité Virtuelle > Proximité Physique,  distance > En personne, Internationale > Nationale, Contrats intelligents > Loi, Vérification cryptographique > Confirmation officielle…

– L’impuissance du gouvernement face au réseau

Puis, l’auteur de « L’État-réseau » (« The Network State« ) mentionne différents exemples très parlants de l’impuissance du gouvernement américain face au réseau. Comme lorsqu’en 2021, Google, Apple, Amazon, Facebook et Twitter se sont mis d’accord pour faire disparaître les comptes internet de Donald Trump, alors président en exercice.

« C’était la preuve indéniable de l’impuissance du gouvernement américain, car « l’homme le plus puissant du monde » n’était clairement plus l’homme le plus puissant de son propre pays. Le réseau informel (l’establishment américain) a pris le pas sur l’État formel (le gouvernement américain). »

« This was undeniable proof of the US government’s impotence, because the “most powerful man in the world” was clearly no longer even the most powerful man in his own country. The informal Network (the US establishment) trumped the formal State (the US government). »

– Réseau et État, les forces en conflit

Bien sûr, le Réseau n’est pas toujours plus puissant que l’État.

Là aussi, l’auteur cite des exemples : la répression de la Chine contre la crypto-monnaie, l’arrestation de Ross Ulbricht par le gouvernement américain, la persécution des cyber-militants et lanceurs d’alerte Julian Assange et Edward Snowden, les interdictions de sortie des nomades digitaux pendant l’épidémie du COVID, le règlement GDPR de l’Union européenne, les activités visant la censure sur Internet, etc.

Toujours est-il que, pour Balaji Srinivasan, « le conflit entre ces deux Léviathans façonnera ce siècle comme le conflit entre le Dieu et les Léviathans de l’État a façonné le dernier« .

4/ La fusion d’un Réseau/Dieu et d’un Réseau/État

Balaji Srinivasan poursuit son propos en étudiant ce que pourrait être la fusion d’un Réseau/Dieu et d’un Réseau/État.

– Le Réseau/Dieu 

Dans ce scénario, nous verrions apparaître un Dieu-Réseau. Cela pourrait ressembler à une IA superpuissante – comme un GPT-9 ou un DALL·E 10 observe l’auteur – capable de fournir « des réponses instantanées et surhumaines à des questions difficiles en utilisant la connaissance de toute l’humanité« . « Après tout, les gens se confient déjà à Google comme s’il s’agissait de Dieu parfois, ou du moins d’un confessionnal » lance l’auteur.

Ce dieu n’aurait pas besoin d’être une IA générale. Il pourrait encoder une morale spécifique, être réglé et formé sur des corpus particuliers plutôt que sur le Web général. Par exemple, une application pourrait indiquer ce que ferait Jésus dans telle ou telle situation, ou ce que ferait George Washington, ce que conseilleraient les personnes que vous respectez.

– Le Réseau/État 

Pour Balaji Srinivasan, la fusion la plus intéressante à étudier est celle-ci : celle d’un Réseau/État. Et il y a plusieurs façons d’arriver à une fusion Réseau/État, affirme-t-il.

La première est la version à partir de zéro décrite au chapitre un, où un leader de l’Internet construit un syndicat de réseau suffisamment grand en ligne pour pouvoir financer un territoire et finalement obtenir une reconnaissance diplomatique

Mais l’auteur discute d’autres scénarios : des scénarios où des gouvernements existants fusionneraient avec le réseau. En résulteraient deux cas de figure : soit des versions réseau/État positives, soient des versions réseau/État négatives.

  • Synthèses positives : BTC, Web3, Efficacité

Dans un tel scénario, les entreprises, les villes, les monnaies, les communautés et les pays deviennent tous des réseaux.

Tout est dématérialisé : les films, livres, musiques s’envoient via Internet, les actions, les obligations, l’or, les prêts et l’art ne sont plus que des débits et crédits sur les blockchains. Toutes les villes et pays commencent à suivre ce modèle où les citoyens peuvent être géographiquement éloignés et avec des fonctions gouvernementales transférées aux réseaux privés.

  • Synthèses négatives : USG, CCP, Monopoly

Dans cette configuration, les États chinois et américain prennent le contrôle des entreprises technologiques centralisées.

Pour y parvenir, ces États emploient des moyens similaires : la diabolisation des médias, la réglementation et l’anti-trust. Cette fusion de l’État et du réseau devient malveillante : les entreprises se transforment en machines de surveillance et en outils de contrôle social. L’État de sécurité nationale américain pourrait même obtenir un accès aux données de Google et Facebook, les exposant à des risques de piratage.

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– Dieu, l’État et le réseau

L’auteur de « L’État-réseau » (« The Network State« ) interroge ensuite sur la possibilité ou pas de réunir les trois Léviathans. Et à cette question, il répond que oui, ces trois forces pourraient tout à fait cohabiter à l’ère moderne

À la version positive de la synthèse réseau/État évoquée précédemment – celle-ci même qui offrirait une plus grande efficacité administrative, de plus grands rendements économiques et des niveaux plus élevés de consentement des citoyens – pourrait s’ajouter un objectif supérieur

Car, on l’a vu, pour construire une société de démarrage réussie, une innovation morale est aussi nécessaire (sans cela, les gens viendraient en tant que « consommateurs » uniquement, non pas en « producteurs » comme cela doit obligatoirement l’être si l’on souhaite créer une grande société). Ce but pourrait être une religion traditionnelle ou une doctrine avec « Un Commandement » profondément réfléchi.

C’est là qu’intervient « le commandement unique« .

5/ Nouveau Léviathan, Nouveaux États 

Voici le passage du livre qui conclut cette réflexion sur les trois Léviathans :

« Le concept des trois Léviathans explique pourquoi un état de réseau est désormais réalisable. Le Réseau est un nouveau shérif en ville, un nouveau Léviathan, une nouvelle force plus puissante que l’État dans de nombreux contextes. Cela a changé le rapport de force. Alors que des synthèses naissent , des conflits entre Réseau et Etat aussi. Et cela explique une grande partie de l’instabilité d’aujourd’hui : quand les Léviathans luttent, quand Godzilla combat King Kong, la terre tremble.« 

« The concept of three Leviathans explains why a network state is now feasible. The Network is a new sheriff in town, a new Leviathan, a new force that is more powerful than the State in many contexts. That has changed the balance of power. While syntheses are arising, so are conflicts between Network and State. And that explains much of today’s instability: when Leviathans wrestle, when Godzilla fights King Kong, the earth trembles. »

2.5 – Peuple de Dieu, Peuple de l’État, Peuple du Réseau

Après avoir étudié l’Histoire de Dieu, de l’État et du Réseau, l’auteur s’attache ici à la lutte des pouvoirs entre ces trois forces :

  • Dieu => offre pensées et prières,
  • L’État => prône la mise en place de lois,
  • Le Réseau => écrit du code.

Ainsi, selon à qui le peuple donne la priorité entre Dieu, l’État et le Réseau, les différences sont profondes : le peuple choisira une tactique, aura des valeurs en fonction de celle-ci.

Dans cette partie du livre « L’État-réseau » (« The Network State« ), Balaji Srinivasan développe longuement comment l’introduction du Réseau comme Léviathan (le « Network Leviathan ») devrait clarifier certains conflits et diviser certaines factions.

Voici les deux principales idées développées par l’auteur.

1/ L’apparition d’un « réalignement » = le Réseau contre l’État

Ce que l’auteur appelle « réalignement » est la possibilité suivante : un avenir où les libertaires de gauche et de droite s’alignent contre les autoritaires de gauche et de droite.

Autrement dit, au lieu du scénario nationalistes et capitalistes (la droite) contre internationalistes et socialistes (la gauche), nous aurions, avec le Réseau comme Léviathan, des internationalistes et des capitalistes (libertaires de gauche et de droite) contre des socialistes et des nationalistes (autoritaires de gauche et de droite)

« Ce Réalignement serait le Réseau contre l’État. Les autoritaires seraient plus nombreux que les libertaires au niveau national et auraient les institutions de leur côté. Mais les libertaires auraient un talent individuel plus fort, car ils attireraient les iconoclastes, et ils tireraient également le soutien du reste du monde.« 

« That Realignment would be the Network against the State. The authoritarians would outnumber the libertarians domestically, and have the institutions on their side. But the libertarians would have stronger individual talent, as they’d draw the iconoclasts, and they’d also draw support from the rest of the world.« 

2/ Les méthodes opposées qu’ont personnes de l’État et personnes du Réseau

Pour Balaji Srinivasan, il existe une collision de valeurs fondamentales entre les gens du Réseau et les gens de l’État.

Il nous invite à considérer les « gens du Réseau » comme des progressistes technologiques, et les « gens de l’État » comme des progressistes politiques ou des conservateurs technologiques.

Si les deux ont certains objectifs en commun (gestion du COVID-19, construction de logements, réduction des accidents de voiture), ils n’ont cependant pas la même méthode : les gens du Réseau commencent généralement par écrire du code et penser à la volonté individuelle, alors que pour les gens de l’État, le premier recours est l’adoption de lois et la coercition collective.

En d’autres termes, et même si cela est un peu caricatural, Balaji Srinivasan explique que :

  • Les personnes du Réseau commencent par vouloir s’approprier une partie du réseau (en créant un site web, par exemple, qui serait massivement et volontairement recherché par tout le monde). Leur but est celui des progressistes technologiques : construire sans que personne n’ait de pouvoir sur eux.
  • Les personnes de l’État commencent par vouloir s’emparer d’une partie de l’État (gagner une élection, être nommé à une position stratégique, impacter avec un article, influencer la législation via une association…). Leur but est de pouvoir gérer un budget, avoir un moyen de contraindre les gens, « obtenir un morceau de ce gigantesque bâton qu’est le gouvernement » et ainsi faire passer une loi, rendre obligatoire ou interdire quelque chose.

En somme, l‘objectif premier du progressiste politique est à l’opposé du progressiste technologique : « son but, verbalisé ou non, conscient ou non, est d’exercer un pouvoir sur les autres » écrit l’auteur.

2.6 – Si les nouvelles sont fausses, imaginez l’histoire

Dans cette partie du livre « L’État-réseau« , Balaji Srinivasan passe en revue les différentes façons dont les personnes de l’État ont utilisé leur pouvoir pour déformer l’histoire récente et lointaine, et comment le Réseau rectifie cette distorsion.

L’accès à toutes les informations via le Réseau a changé notre perception du présent, et avec elle la perception du passé.

« Si les nouvelles sont fausses, imaginez l’histoire. » Ce tweet lapidaire renverse Orwell, car celui qui est reconnu comme truquant le présent ne peut plus déformer le passé. C’est-à-dire qu’une fois que suffisamment de gens voient que l’establishment a menti sur les événements d’aujourd’hui, ils commencent naturellement à penser que l’establishment a peut-être aussi menti sur les nouvelles d’hier.

« If the news is fake, imagine history.” This pithy tweet reverses Orwell, because he who is acknowledged to be faking the present can no longer distort the past. That is, once enough people see that the establishment has been lying about today’s events, they naturally begin to think the establishment might have been lying about yesterday’s news as well.« 

Balaji Srinivasa mentionne et développe de nombreux exemples de distorsions de l’Histoire et de propagande. Et pour encore mieux nous rendre compte de ces distorsions, il propose, dans cette partie du livre, une liste de lectures intéressante.

2.7 – Quatre théories alternatives

Après avoir montré à quel point l’histoire a été déformée en faveur de l’establishment américain, Balaji Srinivasan développe quatre théories alternatives du passé et du futur.

Ces théories, précise-t-il, décrivent des trajectoires bien plus complexes que le récit appris dans nos manuels et à travers les médias de masse.

Leur point commun à toutes les quatre est de ne plus supposer que l’establishment américain continuera d’être au centre du monde. Elles décrivent ainsi une époque pré-américaine où les États-Unis n’existaient pas encore, et nous préparent à une période post-américaine où les États-Unis dans leur forme actuelle, n’existeront plus.

Mais attention, prévient l’auteur : le but n’est pas de condamner les États-Unis, mais de transformer les constantes en variables

« Tout comme Bitcoin a transformé la constante du dollar américain en une variable, nous avons besoin de nouvelles histoires qui transforment la constante de l’establishment américain en une variable. En décentrant l’establishment américain dans nos modèles mentaux, nous permettons la décentralisation. Nous envisageons un monde où les États-Unis ne seront peut-être pas là pour nous, car ils n’ont pas toujours été là dans le passé et pourraient ne pas durer longtemps dans le futur.« 

« Just as Bitcoin turned the constant of the US dollar into a variable, we need new stories that turn the constant of the US establishment into a variable. By decentering the US establishment in our mental models, we enable decentralization. We envision a world where the US may not be there for us, because it was not always there in the past, and may not endure far into the future.« 

1/ La thèse de la fragmentation

Cette thèse montre que si pendant des décennies, la technologie a aidé à la centralisation (chemins de fer, télégraphe, radio, télévision, cinéma, production de masse), celle-ci favorise désormais – depuis les années 1950 – la décentralisation (ordinateur personnel, internet, travail à distance, smartphone, crypto-monnaie). 

2/ La thèse de la frontière  

La seconde thèse de Balaji Srinivasan est une généralisation de la thèse des frontières de Fredrick Jackson Turner

L’auteur évoque aussi, ici, la thèse du livre « The Sovereign Individual » écrit en 1999, qui avait annoncé déjà de nombreux aspects de notre avenir numérique, parmi lesquels le Bitcoin. 

En résumé, cette thèse met en avant l’idée que la technologie pourrait nous permettre d’échapper aux obstacles mis en place par les états pour conserver leur pouvoir et nous permettre de créer de nouvelles frontières, non seulement numériques mais aussi physiques : sur des terres éloignées, sur la mer et éventuellement dans l’espace. 

3/ La thèse du quatrième tournant

Cette troisième thèse récapitule le concept du quatrième tournant de Strauss et Howe, ainsi que les travaux de Turchin et Dalio qui prédisent tous un conflit important à venir en Occident

Le livre « The Fourth Turning » (« Le Quatrième Tournant« ), publié en 1997 est en effet basé sur une théorie quasi-cyclique de l’histoire anglo-américaine, où un conflit éclate environ tous les 75 ans. 

La thèse de Dalio est que nous sommes sur le point de vivre des événements qui ne se sont jamais produits auparavant dans nos vies, mais qui se sont produits plusieurs fois auparavant dans l’histoire

Les travaux de ces analystes prédisent ainsi d’importants conflits physiques et/ou monétaires en Amérique dans les années 2020 et un changement conséquent de l’ordre mondial

4/ L’avenir est notre thèse passée

La quatrième thèse développée par l’auteur du livre « L’État-réseau » (« The Network State« ) parle de la façon dont le passé peut préjuger de l’avenir.

Balaji Srinivasan met notamment en lumière la manière dont nous répétons des événements passés mais obtenons des résultats opposés.

2.8 – La gauche est la nouvelle droite est la nouvelle gauche (« Left is the new Right is the new Left« )

Pour Balaji Srinivasan, créer une société à partir de zéro implique nécessairement d’aborder des notions politiques. Selon lui, un nouvel état ne peut être axé uniquement sur la technologie. Et c’est pourquoi, il n’est pas possible de ne pas parler de gauche/ droite.

Pour autant, précise l’auteur, il ne s’agit pas de choisir un camp comme le font actuellement les « consommateurs » politiques. Un « fondateur » politique peut, affirme-t-il, créer quelque chose de différent : il peut construire une nouvelle idéologie.

Balaji Srinivasan développe différents points pour étayer son idée.

1/ Réunifier progrès technologique et progrès moral 

Balaji Srinivasan explique tout d’abord que démarrer un nouveau projet nécessite certes une innovation technologique mais aussi morale.

L’auteur revient sur la scission que l’on retrouve entre les visions du progrès moral et celle du progrès technologique. Il explique, à ce propos, que les révolutionnaires aujourd’hui sont de deux types :

  • Des fondateurs technologiques, financés par les capital-risqueurs,
  • Des activistes politiques, financés par les philanthropes.

L’écosystème mis en place dans le but de trouver et soutenir des militants politiques est souvent moins explicite que celui mis en place pour les fondateurs de la technologie (pas de mandat, pas la même médiatisation que celle des investisseurs qui « sortent » des milliards de dollars). Toutefois, le processus de développement est le même : l’idée brillante d’un révolutionnaire évolue vers un petit groupe ayant de faibles financements, jusqu’à devenir un mouvement de masse.

En effet, selon Balaji Srinivasan :

« Si les meilleurs fondateurs de la technologie finissent par diriger des entreprises comme Google et Facebook, les meilleurs militants politiques finissent par diriger des pays comme le Myanmar et la Hongrie. C’est « devenir public » d’une manière différente.« 

« If the top tech founders end up running companies like Google and Facebook, the top political activists end up running countries like Myanmar and Hungary. It’s “going public” in a different way.« 

Ce que nous dit en fait l’auteur, c’est que les sociétés de démarrage combinent ces deux aspects : le progrès technologique et le progrès moral.

Elles réunifient :

  • Le fondateur technologique qui crée une startup pour effectuer un changement économique
  • L’activiste politique qui crée un mouvement social pour effectuer un changement moral.

Et en rassemblant ces deux différents types de pouvoir, les sociétés de démarrage proposent une nouvelle voie vers le pouvoir.

2/ Parler de la gauche et de la droite

L’auteur du livre « L’État-réseau » (« The Network State« ) indique ensuite qu’il parle de la gauche et la droite en les considérant comme :

  • Des phénomènes quantifiables notamment via la « théorie spatiale du vote ».
  • Un axe réel mais qui évolue avec le temps.
  • Des concepts anciens et indéracinables, comme l’est le yin/yang ou le nord/sud magnétique.
  • Des tactiques complémentaires pour accéder à des ressources rares : la gauche comme une tactique révolutionnaire et la droite comme une tactique de la classe dirigeante. Si un groupe utilise une tactique de gauche, l’autre est presque obligé d’adopter une tactique de droite en réponse, et vice versa.

3/ Les trois cycles d’évolution de la gauche et de la droite

Cette partie du livre « L’État-réseau » (« The Network State« ) examine comment la gauche et la droite ont changé de camp à travers l’Histoire. Elle analyse aussi comment les mouvements de masse possèdent tous, à la fois, une composante de gauche révolutionnaire et une composante de droite au pouvoir.

Balaji Srinivasan décrit trois cycles résumés ci-dessous.

– Premier cycle : le cycle gauche

Le cycle de gauche, c’est quand la classe révolutionnaire devient la classe dirigeante au pouvoir.

Les concepts suivants en sont des illustrations : le roi chrétien, l’établissement protestant, le conservateur républicain, le nationaliste soviétique, l’entrepreneur du PCC (Parti Communiste Chinois) ou le capitaliste éveillé. 

– Deuxième cycle : le bon cycle

Ce que l’auteur nomme « le bon cycle » est l’histoire de l’épître suivant : « les hommes forts créent de bons moments, les bons moments créent des hommes faibles, les hommes faibles créent des moments difficiles et les moments difficiles créent des hommes forts« .

– Troisième cycle : le cycle libertaire 

Le cycle libertaire correspond à la façon dont un fondateur libertaire reconstruit l’État.

Pour mieux comprendre, Balaji Srinivasan décrit un processus en boucle ou hélicoïdal :

Un « fondateur (plutôt) libertaire quitte la bureaucratie étouffante d’une grande entreprise » pour créer sa propre entreprise. Ce fondateur commence à gagner suffisamment d’argent pour embaucher quelqu’un. L’entreprise se structure. Le fondateur doit investir dans une bureaucratie qui dépersonnalise l’entreprise et rend chaque employé « interchangeable ».

Les employés « parasites » commencent à intégrer l’entreprise. Ceux-ci veulent beaucoup d’avantages, des salaires élevés, une faible charge de travail et un travail minimum pour un rendement maximum. Ils ne sont pas vraiment alignés sur l’équité. Pour eux, l’entreprise n’est qu’un travail qui permet de s’acquitter de ses factures. Ils ne se sentent pas individuellement responsables du succès ou de l’échec de l’entreprise et considèrent donc ne pas avoir besoin de faire leur part. Le système les soutiendra. 

Ce type de comportement est rationnel mais il finit par provoquer l’effondrement du modèle économique de l’entreprise, même si cela prend parfois très longtemps : un employé « étouffé » décide de sortir de la bureaucratie abrutissante et de devenir un fondateur (plutôt) libertaire. Et le cycle recommence

– Le cycle unifié

Balaji Srinivasan synthétise ici ces trois cycles dans une théorie de « cycle unifié« .

  • Le cycle de gauche commence avec un groupe de gauchistes révolutionnaires qui deviennent ensuite des droitiers institutionnels.
  • Le cycle de la droite commence avec un groupe de droitiers déterminés qui deviennent ensuite des gauchistes décadents.
  • Le cycle libertaire commence avec un groupe de libertaires idéologiques qui finissent par construire un État bureaucratique.

Ainsi, pour l’auteur, ces cycles mis ensemble, nous obtenons, dit-il, « des idéologues révolutionnaires, déterminés (une fusion gauche/ droite/ libertaire) dont la victoire glorieuse se termine par une décadence institutionnelle, bureaucratique (une autre sorte de fusion gauche/droite/libertaire !)« .

Et s’il est difficile d’imaginer cette cyclicité sur une échelle de 100 ans ou plus, on peut plus facilement l’observer sur le cycle de vie des startups technologiques à succès, qui présentent ce comportement sur une échelle de temps de 10 ans : 

« Une startup technologique réussie est généralement une fusion gauche/droite. Elle a les aspects gauchistes du zèle missionnaire, de la critique de l’ordre existant, du désir de changer les choses, d’une tenue et d’un style informels, d’un organigramme initialement plat et d’une ambition révolutionnaire. Mais elle a aussi les aspects droitiers de la hiérarchie, du leadership, du capitalisme, de la responsabilité et de l’ordre contractuel. Si vous n’en avez qu’un sans l’autre, vous ne pouvez pas vraiment construire une entreprise significative.« 

« A successful tech startup is typically a left/right fusion. It has the leftist aspects of missionary zeal, critique of the existing order, desire to change things, informal dress and style, initially flat org chart, and revolutionary ambition. But it also has the rightist aspects of hierarchy, leadership, capitalism, accountability, and contractual order. If you only have one without the other, you can’t really build a meaningful company. »

L’auteur résume le « cycle unifié » : « La théorie unifiée est donc un cycle de centralisation, décentralisation et recentralisation. Les idéologues révolutionnaires et déterminés se détachent de l’establishment, puis – s’ils réussissent – construisent un empire centralisé géant, qui dégénère ensuite et engendre le prochain groupe d’idéologues révolutionnaires et déterminés.« 

Puis, il conclut en indiquant que la « théorie du cycle unifié » consiste à fusionner la théorie de la gauche en tant que tactique de classe révolutionnaire et celle de la droite en tant que tactique de classe dirigeante.

« Un leader a besoin des aspects des deux pour gagner. La gauche donne la sainte justification pour mener la guerre, la droite donne la force de gagner le combat, et ensemble, elles permettent à ce chef de poursuivre une guerre sainte. »

« A leader needs aspects of both to win. The left gives the holy justification to fight the war, the right gives the might to win the fight, and together they allow that leader to prosecute a holy war.« 

4/ Les quatre retournements de l’histoire et le seul Commandement

La fin du deuxième chapitre du livre « L’État-réseau » revient sur quatre « retournements » qui ont eu lieu à travers l’histoire. Puis, l’auteur partage une thèse sur « ce à quoi » pourrait ressembler le prochain retournement qu’il nomme « The One Commandement« .

– Le retournement prolétarien

Le retournement que retrace Balaji Srinivasan est l’inversion gauche/droite de la classe ouvrière.

Il explique avec beaucoup de détails comment, au cours du temps, la classe ouvrière blanche est passée d’opprimée à oppresseur, comment elle est passée « d’une logique révolutionnaire » à un « obstacle révolutionnaire ». 

– Le retournement américain

Le deuxième renversement concerne l’inversion des partis républicain et démocrate au cours des 155 dernières années

Il explique comment les républicains ont acquis une autorité morale après la guerre civile et comment ils l’ont utilisée pour gagner une autorité économique. Ces derniers, critiqués par les démocrates pour être si riches, ont ensuite perdu leur autorité morale, et par conséquent leur autorité économique. Les démocrates étaient à l’opposé de ce cycle.

– Le retournement mondial

Le troisième retournement concerne le renversement global qui a pris place au cours des 30 dernières années : les pays communistes sont devenus ethno-nationalistes et les pays capitalistes sont devenus ethno-masochistes

Dans ce retournement, les pays de la gauche économique se sont déplacés vers la droite culturelle, et les pays de la droite économique se sont déplacés vers la gauche culturelle. Les idéologies s’inversent, mais les rivalités géopolitiques restent les mêmes.

– Les retournements historiques

Balaji Srinivasan développe ensuite un ensemble de retournements historiques qui placent ces dynamiques dans un contexte plus large. Cette analyse permet de voir les évènements actuels sous un autre angle et aide à anticiper les changements idéologiques à venir.

« C’est un peu comme un investisseur expérimenté qui a vu de nombreuses entreprises grandir et chuter en parlant à un entrepreneur débutant » déclare l’auteur.

5/ Le Commandement Unique (« The One Commandment« )

L’auteur reprend ici toutes les idées du deuxième chapitre pour conclure à l’idée du « Commandement Unique » ou « The One Commandment« .

Autrement dit, pour exister, chaque société de démarrage doit définir son « commandement ». Elle doit posséder son propre code moral et réunir une communauté qui soit d’une part, en accord avec ce commandement, d’autre part désireuse de peupler une nouvelle société.

Sur la base de ce « Commandement Unique« , la société de démarrage va déconstruire l’histoire de l’establishment : l’idée est d’ériger un récit de remplacement dans un domaine spécifique de l’establishment. Le nouveau « One Commandment » devra alors prouver sa valeur socio-économique pour arriver à attirer toujours plus de citoyens-abonnés

Par exemple : vous parvenez à attirer 100 000 abonnés dans votre société « Keto Kosher » grâce à des études approfondies sur l’épidémie d’obésité. Vous montrez ensuite que ces abonnés ont perdu beaucoup de poids : ainsi, vous avez prouvé que l’establishment se trompait profondément dans un domaine clé.

L’idée majeure à retenir est que pour créer une nouvelle société, nous devons :

  • Réaliser une véritable critique morale de l’establishment et comprendre précisément de ce qui le mène à l’échec pour proposer une alternative.
  • La considérer comme une Saas (Society-as-a-Service) : il faudra la financer, y attirer des abonnés, calculer le taux de désabonnement, faire du support client

Chapitre 3 – Le moment tripolaire

le monde tripolaire, état réseau

3.1 – NYT, PCC, BTC

Le troisième chapitre du livre « L’État-réseau » (« The Network State« ) traite du monde tripolaire dans lequel nous vivons actuellement.

Selon Balaji Srinivasan, ces trois pôles sont « les seules coalitions à l’échelle d’un milliard de personnes et de talents technologiques à survivre en tant que centres de pouvoir indépendants dans la lutte numérique totale qui a déjà commencé« .

Voici les pôles de ce triangle tripolaire :

  • L’Establishment américain, ou NYT (New York Time).
  • Le Parti Communiste Chinois, ou CCP (Chinese Comunist Party, Parti Communiste Chinois en français).
  • L’Internet mondial, ou Bitcoin (BTC)

Chacun de ces trois pôles possède :

  • Une « source de vérité en ligne » : le papier (NYT), le parti (CCP 112 ) ou le protocole (BTC). 
  • Une économie numérique : l’économie du dollar, le yuan numérique ou la crypto-économie du web3. 
  • Un réseau à part entière, extérieur à l’État : le réseau NYT donne la direction à l’État américain, le réseau CCP dirige l’État chinois et le réseau BTC se tient en dehors de tous les États. 
  • Une idéologie dirigeante :
    • Le Woke Capitalism (capitalisme éveillé, en français) est l’idéologie de la classe dirigeante américaine qui permet la censure décentralisée par le journal au pouvoir américain, le New York Times.
    • Le capitalisme communiste est l’idéologie du Parti communiste chinois. C’est le capitalisme contrôlé par le pouvoir centralisé du parti-État chinois.
    • Le Crypto Capitalisme est l’idéologie internationale du Bitcoin et du web3. C’est un capitalisme sans État, un capitalisme sans entreprises, une résistance à la censure décentralisée et un droit international neutre. Et c’est le deuxième pôle à la fois aux États-Unis et en Chine, celui autour duquel les opposants au régime intérieur s’alignent.

Ce monde tripolaire est amené à évoluer.

Toutefois, pour l’auteur du livre « L’État-réseau« , consacrer un chapitre au modèle NYT/CCP/BTC est essentiel car beaucoup pensent encore que notre monde est unipolaire ou bipolaire. De plus, certains aspects de cette configuration tripolaire se sont déjà produits auparavant, sont récurrents et donc intemporels.

3.2 –  La fin du monde unipolaire

Balaji Srinivasan développe ici plusieurs idées.

Il explique d’abord qu’à la fin de la Guerre Froide, Les États-Unis étaient la seule puissance dominante sur la planète. Mais que depuis 2022, nous n’avons plus ce monde unipolaire.

Aussi, avec le déclin de l’empire américain, la montée de la Chine et l’ascension de la crypto-monnaie, nous parlons aujourd’hui d’un « triangle tripolaire« . 

Dans son livre « L’État-réseau » (« The Network State« ), Balaji Srinivasan propose de visualiser ces pôles ainsi :

Puis, l’auteur récapitule les paramètres de ces trois pôles dans un tableau :

3.3 – Les trois pouvoirs : moral, martial et monétaire

Aujourd’hui, le déclin de l’empire américain a entraîné la montée en puissance d’un pouvoir :

  • Moral, représenté par le NYT (New York Time),
  • Martial, représenté pat le PCC (Parti Communiste Chinois),
  • Monétaire, représenté par le BTC (Bitcoin).

Balaji Srinivasan démontre comment, dans cette configuration tripolaire, le pouvoir de la finance (au centre) a fini par l’emporter à la fois sur le pouvoir martial de droite (vers 1945) et sur le pouvoir moral de gauche (vers 1991).

3.4 – Les trois concepts : Soumission, Sympathie, Souveraineté

1/ Chaque pôle se légitime en faisant appel à un concept socialement utile

  • Pour le PCC, il faut se soumettre => Ce pouvoir ne fonctionne vraiment qu’en Chine et sur l’Internet chinois.
  • Pour le NYT, nous devons « sympathiser » => En tant qu’oppresseur (parce que blanc, homme, hétéro, riche, valide ou appartenant à n’importe quelle autre catégorie privilégiée), nous devons baisser la tête devant ceux que nous avons opprimés. Ce pôle est particulièrement fort sur l’Internet anglophone, faible sur l’internet chinois et de force intermédiaire en dehors.
  • Le BTC est à l’opposé des deux => Il implique que nous soyons souverain, autonome, autarcique, que nous vivions hors réseau. Ce pôle est fort sur l’Internet mondial, bien qu’il soit confronté à la fois au PCC et au NYT.

2/ Les extrêmes et les contre-extrêmes ne sont pas souhaitables

Balaji Srinivasan ne recommande pas d’imposer un pouvoir plutôt qu’un autre, ni d’être aux extrêmes et pas nécessairement au centre non plus.

Pour lui, construire une société de démarrage en vue d’en faire un État de réseau suppose idéalement de combiner les aspects des trois :

« Plutôt que d’essayer d’imposer des préférences à tout le monde, ce que nous voulons vraiment, c’est une variété de points entre ces trois pôles indésirables : différentes fusions pour différents groupes.« 

« And rather than trying to impose preferences on everyone, what we really want are a variety of points in between these three undesirable poles: different fusions for different groups. »

Aussi, peuvent coexister dans un État de réseau : un fondateur clairement identifié qui donne la direction, des acteurs numériques et monétaires en guise de contrepoids et des citoyens libres de partir de l’État de réseau s’ils le souhaitent.

3.5 – Conflits et alliances

Une telle configuration tripolaire engendre forcément une dynamique compliquée. Si l’Histoire montre que les coalitions entre États changent sans cesse, avec des États-Réseaux, les coalitions sont encore plus fluides et peuvent exister simultanément.

1/ Les coalitions

L’auteur expose ici les différentes formes que peuvent prendre les coalitions.

Voici donc les scénarios possibles quand celles-ci se composent d’une alliance de deux pôles contre le troisième :

  • NYT + CCP contre BTC => C’est l’État contre le réseau. Autrement dit, lorsque l’empire américain contrôlé par le NYT et l’empire chinois contrôlé par le PCC s’associent pour attaquer BTC, et ce pour quelconque raison-excuse ( le « climat » par exemple).
  • NYT + BTC contre PCC => C’est la voix occidentale contre le contrôle oriental
  • BTC + PCC contre NYT => C’est le monde post-américain contre l’empire américain. Contre l’inflation du dollar, la Chine et la crypto peuvent faire ensemble quelque chose que ni l’un ni l’autre ne seraient capables de faire seuls.

2/ Les conflits intrapolaires

Près de chaque pôle, il y a une « dyade interne » représentant un conflit à l’intérieur. Balaji Srinivasan représente cela comme un triangle inscrit à l’intérieur du triangle tripolaire.

  • Près du pôle NYT se trouvent les dissidents américains, les libéraux non éveillés, les centristes et les conservateurs. Ils ne sont pas d’accord avec l’establishment américain mais s’identifient toujours comme américains d’abord et ne veulent pas voir la Chine devenir numéro un.
  • Près du pôle du PCC se trouvent les libéraux chinois, les capitalistes internationalistes qui pensaient que les temps étaient meilleurs sous Hu Jintao (ancien homme d’État chinois), de nombreux groupes de gauche et de droite qui ont vu leur fortune sombrer sous le nouveau nationalisme chinois agressif. Mais ces derniers se voient toujours en tant que Chinois d’abord, et ne veulent pas se plier à l’impérialisme américain.
  • Près du pôle BTC se trouvent la communauté web3 et les dizaines de millions de détenteurs de Bitcoin qui ne s’identifient partisans d’aucune position extrême. Ces derniers, par contre, souscrivent à de nombreux principes internationalistes qui présupposent un Internet sans contrôle américain ou chinois sur la finance ou la communication.

3/ Qu’en est-il des autres ? La voie de la recentralisation…

Qu’en est-il alors des autres pays et personnes qui ne se définissent pas en référence aux Américains, aux Chinois ou à la blockchain

Eh bien, pour l’auteur du livre « L’État-réseau« , il y aura beaucoup de pression pour s’identifier aux deux premiers pôles. Ceci conduira tout groupe qui ne veut pas être sous la coupe de l’establishment américain ou du PCC au troisième pôle de BTC/web3.

« Autrement dit, l’une de nos hypothèses est que les Indiens, les Israéliens, les dissidents américains, les libéraux chinois, les fondateurs/investisseurs technologiques et les personnes d’autres pays souhaitant conserver leur propre souveraineté, devront se prévaloir de BTC/web3 pour une communication décentralisée.« 

« That is, one of our premises is that the Indians, Israelis, American dissidents, Chinese liberals, tech founders/investors, and people from other countries that want to maintain their own sovereignty will need to avail themselves of BTC/web3 for decentralized communication, transaction, and computation.« 

Et pour Balaji Srinivasan, si le scénario à venir ne consiste pas à rester sous la coupe américaine ou chinoise, il ne consiste pas non plus à tomber dans une décentralisation crypto-anarchique. Non, pour lui, la perspective à envisager est, selon ses termes, « la voie de la recentralisation consciente dans les sociétés de démarrage« .

Chapitre 4 – Décentralisation, recentralisation

Alors que les chapitres précédents portaient sur le passé et le présent immédiat (vers la mi-2022), le quatrième chapitre du livre « L’État-réseau » traite de plusieurs futurs possibles.

les différents scénarios de futurs possibles

4.1 – Les futurs possibles

Les anciens modèles que nous utilisons aujourd’hui sont obsolètes pour comprendre le monde. « Non seulement les choses changent plus vite, mais les choses changent plus vite dans de nouvelles dimensions« , affirme Balaji Srinivasan.

Dans ce quatrième chapitre, l’auteur commence alors par développer ses analyses de scénarios possibles de l’évolution très prochaine du monde.

De ces scénarios, nous verrons qu’un centre recentré d’états de réseau réaliste et diplomatiquement reconnus pourrait bien émerger.

Mais l’auteur nous met toutefois en garde : ces projections ne sont que des scénarios. Nous devons continuellement garder à l’esprit qu’elles peuvent être faussées par plusieurs éléments qu’il décrit dans le livre, à savoir la volatilité, la réflexivité, les courbes concurrentes et les limites de prévisibilité qui en découlent.

Balaji Srinivasan partage ici les nouvelles données en matière sociopolitique et techno-économique que nous pourrions observer, ainsi que les nouveaux enjeux de conflit et de coopération qu’il est possible de voir apparaître.

1/ Trois nouvelles données sociopolitiques sont possibles

Il s’agit de :

  • L’entrée dans l’arène d’un nouveau joueur, inattendu, encore sous-estimé, à savoir : l’Inde.
  • Le transhumanisme contre l’anarcho-primitivisme : les transhumanistes pensent que « la technologie est bonne » ; ils veulent l’utiliser pour changer l’humanité de manière fondamentale. À l’inverse, les anarcho-primitivistes pensent que « la technologie est mauvaise » ; ils veulent l’abandonner, retourner à la nature et désindustrialiser. Pour eux, les humains sont la pollution de cette grande Terre.
  • La montée de l’attachement identitaire : à une ville, à un pays, à une entreprise, à la crypto-monnaie, à la religion, à l’ethnie ou à des professions. Tout le monde est patriote à propos de quelque chose.

2/ Internet augmente la variance 

Note : la variance est une mesure qui permet de tenir compte de la dispersion de toutes les valeurs d’un ensemble de données.

En connectant les gens de pair à pair, Internet supprime l’intermédiaire, le médiateur, le modérateur et la médiocrité.

Cette situation – le fait de connecter des gens qui ne se seraient jamais rencontrés sans internet – peut former quelque chose d’incroyable (ex. ETH Research) comme de terrible (une foule Twitter). Cela nous mène soit à des inconvénients extrêmes, soit à des avantages extrêmes.

Les technologues se concentrent sur les avantages (les moteurs de recherche, les smartphones, les réseaux sociaux, l’intelligence artificielle). Inversement, l’establishment n’y voit que des points négatifs.

L’auteur de « L’État-réseau » (« The Network State« ) précise ensuite qu’Internet accroît, en fait, la variance de deux manières particulières. Il le fait via :

  • Les médias sociaux qui augmentent la volatilité sociale : sur internet, nous pouvons « devenir viral » comme « être annulé », gagner ou perdre un statut du jour au lendemain.
  • La monnaie numérique qui augmente la volatilité financière : nous pouvons aller sur la lune comme « faire du rekt », connaître des pertes ou gains financiers importants du jour au lendemain.

L’auteur termine cette idée par une analogie. Il décrit Internet comme un tsunami : tout comme des villes balnéaires qui n’ont pas été construites pour faire face à une inondation millénaire, peu d’institutions antérieures à Internet survivront à Internet.

3/ Toute valeur finira pas devenir numérique

– La transition numérique est en train de se faire naturellement, en 3 phases

Une autre idée que développe Balaji Srinivasan ici concerne la transition numérique. Nous sommes, en fait, naturellement en train de glisser du physique au numérique. « Le numérique est primordial et le physique est désormais secondaire » indique-t-il.

L’auteur décrit d’abord comment nous sommes passés du travail à distance à la vie à distance (l’année 2020, qui fut celle de la crise du COVID19, a été l’année de basculement). Il montre aussi comment toute valeur va finir par devenir numérique.

Cette transition numérique se déroule en trois phases :

  • La première étape est dite « physique » ou « analogique« .
  • La seconde étape est dite « intermédiaire » ou « analogique/numérique« .
  • La troisième étape est dite « native » pour Internet ou « numérique actif« .
– Trois exemples de cette transition
  • Papier => fichier numérique : une feuille de papier (étape 1) / la feuille est numérisée par scan et devient un fichier numérique (étape 2) / un fichier texte numérique natif qui commence sa vie sur l’ordinateur et n’est imprimé que lorsque cela est nécessaire (étape 3).
  • Réunions physiques => réunions en réalité virtuelle : une réunion en face à face (étape 1) / la réunion se fait en Vidéo Zoom qui scanne les visages (étape 2) / la réunion nativement numérique, réalisée avec la RV (Réalité Virtuelle) (étape 3).
  • Argent physique => crypto-monnaie : argent physique en pièce et billet (étape 1) / un système comme PayPal ou la fintech qui n’est qu’un scan du système bancaire préexistant (étape 2)/ la crypto-monnaie, qui correspond à la version numérique véritablement native de l’argent (étape 3).
Les lecteurs de cet article ont également lu :  Cessez d'être gentil soyez vrai !

Nous pouvons observer cette transition, ce modèle, partout. À ce jour, il nous arrive souvent de rester encore bloqué à l’étape 2, la version numérisée. Mais globalement, toute la valeur va devenir numérique. Les humains existeront toujours, bien sûr, mais l’économie deviendra la cryptoéconomie

En parlant de ce futur proche, l’auteur écrit :

« Tout commence sur l’ordinateur, génère de la crypto-monnaie et peut être utilisé soit pour acheter des biens numériques, soit pour payer des robots pour matérialiser des choses dans le monde physique.« 

« Everything starts on the computer, generates cryptocurrency, and can be used either to buy digital goods or to pay robots to materialize things in the physical world. »

4/ Le mystère de la productivité

– Nous manquons de productivité malgré l’ère technologique que nous traversons

Ce qui interroge toutefois Balaji Srinivasan, c’est que malgré tous ces moyens technologiques dont nous disposons, nous sommes loin d’être aussi productifs que nous ne devrions l’être.

L’auteur met en lumière le travail effectué, conséquent, par nos prédécesseurs (ou même nous autres) quand nous n’avions pas d’ordinateurs, pas de photocopieurs, Internet, que nous devions tout taper à la main, qu’il n’y avait pas de retour en arrière possible. Quand « il n’y a pas si longtemps, vous ne pouviez pas rechercher tous vos documents, les trier, les sauvegarder, rechercher des éléments, copier/coller des éléments, envoyer des éléments par e-mail, modifier les polices des éléments ou annuler des éléments » rappelle l’auteur !

Et pourtant, nos prédécesseurs ont construit des chemins de fer, des gratte-ciel, des avions et des automobiles. Tout cela sans ordinateurs ni Internet. Et rapidement qui plus est. Si aujourd’hui nous pouvons techniquement produire des choses en quelques secondes (choses qui auraient pris des semaines autrefois, et encore, si elles étaient réalisables), alors nous devrions être beaucoup plus productifs que ce que nous sommes.

– Les hypothèses pour expliquer le mystère de cette productivité

À la question « mais où est donc passée toute cette productivité ? », l’auteur émet plusieurs hypothèses :

  • La grande diversion : la productivité est gaspillée dans des distractions comme les médias sociaux et les jeux.
  • La grande dissipation : la productivité est dissipée sur des éléments tels que les formulaires, la conformité et les processus.
  • La grande divergence : la productivité n’est exploitée que par quelques personnes, comme les fondateurs de licornes technologiques.
  • Le Grand Dilemme : la productivité est utilisée de manière étrange, nécessitant « un profilage ligne par ligne de tout« .
  • Le grand mutisme : la productivité est là, mais des décisions « stupides » sont prises en Occident.
  • Le Grand Retard : la productivité sera là quand les actions lentes de l’humain ne la limiteront plus c’est-à-dire à l’arrivée de la robotique. Car, par exemple, s’il est « 100 fois plus rapide d’envoyer un e-mail que de le poster », « un humain lent doit encore agir en conséquence » indique l’auteur. Et dans cette hypothèse, l’homme est bel et bien le facteur limitant.

Finalement, le problème de la productivité se situe dans l’interface analogique/numérique. Autrement dit, dans le fait que « les humains doivent encore comprendre et agir sur les documents électroniques pour construire les projets dans la vie réelle » conclut Balaji Srinivasan.

L’auteur termine cette partie en évoquant les défauts de réseau et les frontières linguistiques d’Internet (notamment entre l’Internet anglais, mondial, décentralisé, et l’Internet chinois, fortement concentré en Chine et contrôlé par le PCC).

4.2 – Un scénario plausible : l’anarchie américaine, le contrôle chinois et l’intermédiaire international

Après avoir évoqué les futurs possibles, Balaji Srinivasan se projette dans un avenir proche pour décrire d’autres développements à anticiper : alors qu’à l’ouest, nous pourrions assister à l’anarchie américaine, à l’est, nous pourrions observer un véritable contrôle chinois.

1/ Deux éléments majeurs du futur pour les États-réseau

Parmi ce qui va changer, l’auteur insiste sur deux éléments qui seront essentiels pour les États de réseau :

  • Les lunettes AR (Réalité Augmentée) : elles feront le pont entre les mondes physique et numérique, et amèneront ces deux domaines à complètement se mélanger. Les gens pourraient voir et interagir avec un métavers ouvert dans la vie réelle.
  • La crypto-économie : elle va transformer la macro-économie car elle permet à n’importe qui de créer une crypto-monnaie, définir une politique monétaire et voir ce qui se passe.

2/ Une seconde guerre civile américaine

L’auteur du livre « L’État-réseau » partage ensuite, avec détail, un scénario de science-fiction qui pourrait tout à fait exister. Et dans ce scénario, Balaji Srinivasan projette l’anarchie américaine, le contrôle chinois et l’intermédiaire international.

– American Anarchy

L’auteur décrit une seconde guerre civile américaine en partie déclenchée par un gouvernement américain en faillite qui tente de saisir des bitcoins. Cette situation, l’auteur l’appelle « l’anarchie américaine » (« American Anarchy« ).

Aussi radical que cela puisse paraître, de nombreux penseurs de tous les horizons politiques (Stephen Marche, David Reaboi, Barbara Walter et Kurt Schlichter par exemple) prévoient déjà cette perspective, de quelques manières qui soient. 

Cette guerre civile serait plus « non déclarée » que « déclarée », plus « invisible » que « lisible ». Et selon l’auteur, ce conflit pourrait aboutir à la décentralisation et la désunion au lieu de se terminer par la centralisation et la consolidation. 

Nous aurions en fait deux factions principales. Nous ne pouvons pas prédire leurs noms, mais plutôt que « Democrat Blue » et « Republican Red« , l’auteur propose de les appeler les « Wokes » et les « Maximalists« , ou encore de façon plus neutre, les « Dollar Green » et les « Bitcoin Orange« .

– Les deux factions principales
  • Les Wokes ou Dollar Green 

Ceux-ci s’aligneront sur le gouvernement fédéral américain, les médias du NYT/establishment, l’éveil, le dollar et le parti démocrate. Ils diront se battre pour la « démocratie » contre les « insurgés »

Pour l’auteur, passeront très probablement du Republican Red au Dollar Green : les loyalistes institutionnels (dont la police, l’armée et les néoconservateurs, parce que pour eux, c’est « mon pays, à tort ou à raison »), certaines entreprises technologiques centralisées, anciennes et entièrement wokifiées (comme Google).

  • Les Maximalists ou Bitcoin Orange

Ceux-ci s’aligneront sur les gouvernements des États, les médias décentralisés, le maximalisme, le Bitcoin et le parti républicain : ils diront se battre pour la « liberté » contre la « tyrannie » fiat. (note : le mot « fiat » fait référence à un ordre arbitraire émis par un gouvernement ou une autre personnalité faisant autorité. Appliquer le terme « fiat » pour la monnaie fiduciaire renvoie à la notion selon laquelle le dollar n’a de valeur que parce que le gouvernement le dit).

Pour l’auteur, passeront très probablement du Democrat Blue au Bitcoin Orange : les non-blancs (écrasés par l’inflation), les fondateurs de technologies et écrivains indépendants et des outils comme Square cash.

– L’Amérique, déjà dans ce conflit

Balaji Srinivasan expose ensuite, en listant différents points, comment l’Amérique est déjà en train de sombrer dans ce conflit. Il mentionne :

  • L’augmentation de la polarisation politique,
  • La baisse de capacité de l’État,
  • Le déclin de la prospérité économique,
  • L’envie croissante des individus d’être mieux lotis,
  • La défaite militaire étrangère qui se profile,
  • L’éloignement des États américains du gouvernement fédéral,
  • La perte de respect de l’autorité,
  • Le « divorce national » entre républicains et démocrates,
  • Le rejet du statu quo par des mouvements radicalisés.
– L’évènement déclencheur à cette guerre civile

Aussi, l’évènement déclencheur à cette guerre civile que l’auteur considère comme particulièrement probable (mais pas certain) serait la combinaison :

  • D’une inflation ruineuse,
  • Suivie d’une flambée des prix BTC/ USD,
  • Suivie de la tentative par un gouvernement fédéral insolvable de saisir Bitcoin aux citoyens.

L’auteur du livre « L’État-réseau » termine en précisant pourquoi il pense que cet évènement relativement prévisible pourrait déclencher la Seconde Guerre civile américaine, surtout si le projet de loi sur la saisie Bitcoin est adopté par le gouvernement fédéral et que certains États refusent de l’appliquer :

« La raison pour laquelle quelque chose comme cela [la saisie de Bitcoin] pourrait être l’événement déclencheur est qu’aucune des parties ne pourrait facilement reculer : les Wokes n’auraient aucun pouvoir si leur État faisait faillite, et les Maximalistes n’auraient pas d’argent s’ils se rendaient à l’État.« 

« The reason something like this could be the trigger event is that neither side could easily back down: Wokes would have no power if their state went bankrupt, and Maximalists would have no money if they surrendered to the state.« 

– La guerre pour les esprits et entre les Réseaux

Balaji Srinivasan précise ensuite que cette guerre ne serait pas une guerre pour les terres mais pour les esprits. Nous sommes à une époque de guerre de l’information, où il faut, pour gagner, pouvoir envahir l’esprit de l’autre, à défaut de ne pouvoir envahir son territoire.

« Ce ne serait rien comme les films avec d’énormes mouvements de soldats en uniforme, de chars et d’avions (…) Au lieu de cela, ce ne sera qu’une continuation et une escalade de ce que nous avons vu au cours des dernières années : une guerre de réseau à réseau pour contrôler les esprits, plutôt qu’une guerre d’État à État pour contrôler le territoire. Une fusion des conflits internes de l’Amérique sur les réseaux sociaux et de ses conflits étrangers au Moyen-Orient.« 

« It’d be nothing like the movies with huge movements of uniformed soldiers, tanks, and planes. (…) Instead it’ll just be a continuation and escalation of what we’ve seen over the last several years: a network-to-network war to control minds, rather than state-to-state war to control territory. A fusion of America’s domestic conflicts on social networks and its foreign conflicts in the Middle East.« 

L’objectif est alors de pouvoir contrôler les réseaux numériques.

Or, ce pouvoir de déterminer ce que les gens peuvent et ne peuvent pas faire dans le monde numérique appartient aux personnes qui gèrent ces réseaux. C’est un pouvoir aujourd’hui entre les mains de ces immenses entreprises technologiques qui donnent le feu vert aux transactions, aux communications et au comportement en ligne.

Ainsi, si la première guerre civile était la « guerre entre les États », la seconde guerre civile sera la « guerre entre les réseaux »

– Classe révolutionnaire Vs classe dirigeante

Dans ce conflit que projette Balaji Srinivasan, le Bitcoin Orange serait la faction de « la classe révolutionnaire » et le Dollar Vert serait la faction de « la classe dirigeante« .

Ainsi, fondamentalement, dans ce scénario :

  • Ceux qui se rangent du côté de l’establishment américain seraient du même type de personnalité que ceux qui se sont rangés du côté de l’Ancien Régime pendant la Révolution française : ils se battraient pour préserver le passé. Leur message serait celui du particularisme, du nationalisme américain, de la suprématie continue du dollar.
  • Ceux qui se rangent du côté du maximalisme Bitcoin auraient une personnalité révolutionnaire luttant pour renverser ce qu’ils considèrent comme une tyrannie. Leur message serait celui de l’universalisme, d’un système qui place tout le monde sur le même terrain de jeu – et qui ne privilégie pas l’Amérique par rapport au reste du monde comme le fait le dollar.
– Qui serait le gagnant ?

Finalement, à qui appartiendrait la victoire ?

L’auteur énonce plusieurs hypothèses à ce propos. En gros, les gagnants pourraient être :

  • Les maximalistes

Les maximalistes pourraient gagner au moins une partie du territoire américain, car, selon l’auteur, ils finiront par survivre à l’impression monétaire de l’establishment américain. 

Dans les régions américaines qui deviendraient maximalistes, la proposition de valeur serait alors la « liberté« , même si d’autres la percevront comme de l’anarchie.

  • L’establishment américain

L’establishment américain pourrait, lui, gagner une « guerre d’usure ». Ses avantages de départ sont énormes : les universités, les médias, l’armée, les agences de renseignement, la plupart des entreprises technologiques et le gouvernement fédéral lui-même. L’establishment américain dispose également d’une base de sympathisants mondiale d’élite, et donc le soutien qui en découle.

La proposition de valeur dans les régions qui resteraient fidèles à l’establishment serait la « démocratie », bien que d’autres la percevront comme une « tyrannie ».

L’auteur du livre « L’État-réseau » termine en précisant qu’il ne prend aucun parti dans ce qu’il décrit. Il insiste également sur la gravité de ce conflit civil s’il venait à avoir lieu.

3/ Le contrôle chinois

Pendant ce temps, à l’autre bout du monde, dans ce scénario fictif, le PCC (Parti Communiste Chinois) mettrait en œuvre une intense répression intérieure pour maintenir une stabilité en Chine.

– L’évènement déclencheur au contrôle chinois

En fait, pour l’auteur du livre « L’État-réseau« , les États-Unis pourraient – avant qu’ils n’entrent dans le grave conflit interne précédemment décrit – soutenir une tentative de coup d’État chinois.

Ce serait alors l’événement déclencheur du déploiement d’un redoutable système de contrôle chinois (l’auteur nous fait remarquer que certaines tendances vont d’ailleurs déjà dans le sens de la restriction des mouvements numériques et physiques).

Pour Balaji Srinivasan, l’IA serait dirigée contre la population. Tous les groupes, même ceux modérément favorables à l’Occident, seraient reconnus et démantelés à leurs racines. La Chine bloquerait les sorties. Il deviendrait également de plus en plus difficile pour les Chinois de quitter leur pays ou de retirer leur propriété de l’écosystème numérique du yuan sans l’autorisation du PCC.

– Les justifications et la crédibilité du contrôle chinois

Le PCC (Parti Communiste Chinois) justifierait ce système (qui fonctionnera, et ce, même s’il n’est pas du tout libre) comme étant la seule alternative pour :

  • Arrêter toute contagion possible de l’anarchie américaine et restaurer la « démocratie ».
  • Contrôler le crime, et prévenir les troubles de toute nature, légitimes ou non.
  • Empêcher les citoyens mobiles de partir avec leurs fonds vers d’autres pays.

L’auteur explique que s’il insiste lourdement sur le contrôle de la Chine (et non pas sur d’autres pays), c’est parce que depuis 40 ans, la Chine réalise des performances phénoménales. Le pays connaît un énorme excédent commercial, un excès de devises fortes et des dizaines de nouvelles villes immenses. « C’est l’économie n°2, l’armée n°2 et la licorne n°2 de la technologie » prévient-il. 

Balaji Srinivasan souligne qu' »à l’inverse, au cours des 30 dernières années environ, l’establishment américain a gaspillé peut-être la plus grande avance de l’histoire de l’humanité, passant d’une domination complète et incontestée en 1991, à un conflit interne et potentiellement à une implosion« .

Cette croissance signifie que le Parti Communiste Chinois bénéficie d’une crédibilité auprès de nombreux pays « neutres » et auprès de pans énormes de sa propre population (propagande nationaliste).

Cette crédibilité relative augmentera si l’Amérique sombre dans l’anarchie, car cela aidera la Chine à déployer son contrôle au pays et à l’étranger. Pourquoi ? Parce que dans ce contexte, si des ressortissants chinois vont vouloir certes quitter le pays, d’autres personnes d’ascendance chinoise, elles, voudront y revenir : le contrôle chinois, « bien que dystopique pour les ambitieux et les adeptes de la liberté, sera probablement acceptable pour de nombreuses personnes qui privilégient avant tout le reste la stabilité et voient les scènes de flammes et de coups de feu (…) de l’anarchie américaine » signale l’auteur.

4/ L’Intermédiaire International

– Qu’est-ce que l’Intermédiaire International et qui concerne-t-il ?

Pour Balaji Srinivasan, l’Intermédiaire International est une alternative « à l’establishment américain défaillant, à la crypto-anarchie maximaliste et à l’État de surveillance centralisé du PCC« . C’est en lui que nous devons croire pour construire des sociétés de démarrage et des États de réseau.

L’Intermédiaire International rejette pacifiquement les deux extrêmes précédemment décrites : il regroupe les personnes qui refusent que leurs sociétés sombrent dans l’anarchie américaine, mais qui souhaitent en même temps une meilleure option que le contrôle chinois

Ainsi, selon l’auteur, il comprendrait : des Indiens (l’Inde se hisse n°3 des licornes technologiques après les USA et la Chine), des Israéliens, des technologues mondiaux du web3, des centristes américains, des libéraux chinois, et finalement, comme on l’a dit, tous les individus du monde entier qui veulent suivre une voie différente de l’establishment américain, de la crypto-anarchie et du contrôle chinois.

– L’innovation plutôt que l’isolationnisme ou l’interventionnisme

Par défaut, cet Intermédiaire International, est finalement « tout le monde« , lance l’auteur. « En dehors des Américains et des Chinois, ce groupe qui représenterait 80 % du monde n’est qu’une « masse informe sans structure interne« . Cependant, ce sont des milliards de personnes qui peuvent s’aligner autour du web3 pour essayer de construire des alternatives à l’anarchie américaine et au contrôle chinois.

Pour sortir de cette anarchie américaine et de ce contrôle chinois, de la propagande, de la coercition, de la surveillance et des conflits qui pourraient bientôt caractériser les deux piliers de l’économie mondiale, ceux qui se trouvent dans l’Intermédiaire international doivent construire quelque chose de mieux. Et pour l’auteur du livre « L’État-réseau » (« The Network State« ), au lieu de l’isolationnisme ou de l’interventionnisme, leur réponse est donc l’innovation.

Et c’est là que, pour cela, des fondateurs pragmatiques pourraient bâtir des sociétés de démarrage, des États en réseau. Ces cercles de communautés de confiance seraient vraiment intentionnellement conçus comme des alternatives aux États défaillants et aux États de surveillance.

C’est ce que Balaji Srinivasan appelle le Centre Recentralisé.

4.3 – 3 + 1 fins possibles au scénario projeté

Dans cette partie de son livre « L’État-réseau » (« The Network State« ), Balaji Srinivasan expose trois scénarios possibles quant à la tournure que pourraient prendre les évènements dans le scénario précédemment décrit.

Attention, il prévient : il s’agit d’une analyse du scénario projeté, pas de prédictions solides.

1/ Premier scénario : l’establishment américain gagne et évite l’anarchie américaine

Dans ce scénario, ce que nous avons déjà connus dans l’après-guerre se reproduit. Les USA et le dollar restent numéro un. La Chine – et le Japon – s’effondrent. Tout le monde continue de dire que l’Occident décline, mais il finit toujours par se réinventer.

Il n’y a pas d’accélération dramatique ou d’effondrement. Tout va généralement bien. Il n’y a aucune raison d’être inquiet.

Si ce scénario est possible selon certains, pour l’auteur, il n’est pas souhaitable.

2/ Deuxième scénario : le Parti Communiste Chinois gagne et le contrôle chinois triomphe

Pour cela, il faudrait que la Chine devienne une « autocratie autonome autarcique » indique l’auteur, avant de préciser que, si l’expérience des places de marché bilatérales montre que ce scénario est une possibilité, lui, n’y est là encore pas favorable. Car cela voudrait dire que ceux qui ont produit la liberté n’ont pas réussi à créer la prospérité. 

3/ Troisième scénario : une fin surprise 

Dans cette fin surprise, l’auteur imagine que l’establishment américain et le Parti Communiste Chinois travaillent ensemble pour arrêter les insurgés mondiaux du Bitcoin et du Web3, qu’ils considèrent tous les deux comme une menace pour leur pouvoir.

Ce serait alors comme si les États-Unis et l’URSS s’alignaient contre le tiers monde.

« Et donc vous pouvez les imaginer faire équipe sans faire équipe, là où la Chine fait quelque chose, l’establishment américain la copie, peut-être sans le reconnaître, effectuant ainsi une attaque en pince inavouée contre les technologies qui s’opposent à eux.« 

« And so you could imagine them teaming up without teaming up, where China does something, then the US establishment copies it, maybe without acknowledging it, and they thereby perform an unacknowledged pincer attack against technologies that oppose them. »

Balaji Srinivasan appelle ce scénario « le duopole du despotisme numérique« .

4/ Un quatrième scénario possible : vers un centre recentré

La quatrième fin possible imaginée par Balaji Srinivasan est celle de « la recentralisation volontaire« .

Autrement dit, au lieu de choisir la « décentralisation anarchique » ou la « centralisation coercitive », nous devrions aller vers le « centre recentré », concept décrit précédemment par l’auteur lorsqu’il évoque l’Intermédiaire International.

Pour l’auteur du livre « L’État-réseau« , cette quatrième option est celle de l’innovation constante et de la concurrence de marché qui ne peut qu’apporter du « sang neuf ». Elle est celle du compromis conscient « entre la soumission, la sympathie et la souveraineté«  plutôt que de capituler inconsciemment devant un extrême ou un contre-extrême.

La recentralisation volontaire, c’est ce qui nous permettra de « construire l’avenir plutôt que d’y faire défaut » affirme l’auteur.

Chapitre 5 – Des États-nations aux États-réseaux

Pour Balaji Srinivasan, nous sommes actuellement en train de passer des États-nations aux États-réseaux.

Dans ce cinquième chapitre du livre « L’État-réseau » (« The Network State« ), il nous explique pourquoi.

5.1 – Les États-nations

1/ Qu’est-ce qu’un État-nation ?

Il n’est pas facile de définir ce qu’est un État-Nation.

En résumé, nous pouvons retenir qu’il s’agit d’ »une entité souveraine territorialement délimitée« .

La communauté de citoyens qui vivent dans cette région géographiquement délimitée sur le globe est dirigée par un groupe d’humains que nous appelons « gouvernement« . Elle s’identifie comme un peuple d’une même nation.

En somme, un État-nation, c’est un « pays », comme les États-Unis d’Amérique ou la République populaire de Chine. C’est une région marquée d’un drapeau sur une carte politique du globe.

2/ Les fondements du système de l’État-nation

Pour mieux comprendre, l’auteur indique que le système de l’État-nation s’appuie sur plusieurs fondements.

Ces fondements concernent les six parties essentielles de l’État, à savoir : les frontières, la population, le gouvernement central, la souveraineté internationale, la reconnaissance diplomatique et le monopole national de la violence.

Les voici décrits de façon plus détaillée :

  • La carte du monde physique : découpée en régions géographiques appelées états, cette carte rend visibles les frontières délimitées avec précision par des latitudes et des longitudes.
  • Pas de terra incognita, de terra nullius ou de terres non réclamées : la carte du monde physique est entièrement connue et subdivisée.
  • En théorie, un État-nation est composé d’une seule nation (le peuple) et d’une entité administrative (l’État).
  • Les citoyens des états le sont généralement pour ce seul État. Le changement de citoyenneté reste peu fréquent et la plupart des citoyens sont gouvernés par le même État que leurs parents.
  • La légitimité d’un État-nation provient du « contrôle physique et du choix électora« .
  • La gestion de l’État-nation est centralisée : les administrateurs de l’État se composent souvent d’un corps exécutif et d’un corps législatif. Ils écrivent des lois sur papier pour indiquer ce qui est obligatoire et interdit. Ces lois sont généralement interprétées par un système judiciaire et mises en application via des hommes armés
  • Chaque parcelle de terre est administrée par un État spécifiquement, peu importe qui s’y trouve.
  • Chaque État maintient l’ordre à l’intérieur de ses frontières grâce à une force policière. Les citoyens qui défient la loi sont soumis à des niveaux croissants de violence jusqu’à ce qu’ils se conforment.
  • Un État ne maintient sa souveraineté que s’il est suffisamment compétent pour se défendre contre ses rivaux nationaux et étrangers, via sa police, ses agences de renseignement et son armée.
  • La reconnaissance diplomatique s’établit via des accords bilatéraux et multilatéraux que les États peuvent signer entre eux. Un État peut être reconnu par des instances multilatérales (telles que l’Organisation des Nations Unies, l’Organisation Mondiale du Commerce, le Fonds Monétaire International, le G-20). Cette reconnaissance diplomatique est à la fois politique et administrative, et le manque de reconnaissance peut isoler un État et/ou ses citoyens.

L’auteur fait remarquer que pour régir les relations interétatiques, il existe :

  • Un ensemble de pactes ou traités transfrontaliers (souvent bafoués) censé limiter les éventuels abus et réglementer la coopération entre états. Ils y énoncent, par exemple, les droits de l’homme, la liberté de mouvement, etc.
  • La « Pax Americana » : c’est un concept qui stipule que les États-Unis sont le garant du système actuel d’États-nations. Ainsi, se trouve sur le territoire américain, le siège de l’ONU qui prétend « fournir un leadership mondial » et « défendre l’ordre international fondé sur des règles ». Tous les autres États doivent alors « espérer que ce garant de l’ordre (…) ne décide pas de les envahir, de les surveiller, de les sanctionner, de les mitrailler ou de les déstabiliser » de quelque manière qui soit.

3/ Distinguer la nation de l’État

Enfin, pour davantage comprendre les enjeux de l' »État-nation », l’auteur du livre « L’État-réseau » propose de distinguer les deux concepts qui composent le terme d’État-nation :

« En un sens, la nation et l’État sont aussi différents que le travail et la direction d’une usine. Les premiers sont les masses et les seconds sont l’élite.« 

« In a sense, the nation and the state are as different as labor and management in a factory. The former are the masses and the latter are the elite.« 

– La nation 

La nation est un groupe de personnes unies par une descendance, une histoire, une culture ou une langue commune, habitant un pays ou un territoire défini.

Ici, l’auteur liste les nombreuses configurations de nations existantes : des nations avec États, celles sans État ou encore celles avec des États partiellement souverains. Il évoque le cas des États multi-ethniques qui tentent de créer des nations de proposition, quand d’autres n’ont, à l’inverse, rien qui puisse permettre qu’une nation se lie sur leur territoire. Enfin, il mentionne les États de civilisation multi-ethniques, mais ayant des liens culturels de longue date qui cherchent à unifier leurs nations constitutive.

Balaji Srinivasan termine sur ce sujet en partageant les points de vue des nombreux chercheurs et philosophes qui ont essayé d’énoncer des principes généraux pour définir les groupes que l’on peut considérer comme des nations de bonne foi (Rousseau, Marx, Locke, John Stuart Mill, Hegel, etc.). Il montre à quel point les définitions se chevauchent et met en évidence les points de tension entre chacune d’entre elles.

– L’État

Il s’agit du gouvernement, c’est-à-dire l’entité qui gouverne ce groupe de personnes qu’est la nation, qui commande la police et l’armée, et qui détient le monopole de la violence sur la zone géographique habitée par la nation.

Un état est ainsi supposé posséder six propriétés :

  • Une frontière => un territoire clairement délimité.
  • Une population => une ou plusieurs nations qui vivent sur ce territoire.
  • Un gouvernement central => la capacité de créer des lois.
  • Une souveraineté interétatique => en théorie, le contrôle des affaires intérieures sans ingérence des autres états.
  • Une reconnaissance => une reconnaissance diplomatique de la part des autres états.
  • Le monopole domestique de la violence => la capacité à maintenir l’ordre à l’intérieur du territoire.

L’auteur termine en étudiant l’État selon une approche comparative, pragmatique et philosophique.

4/ La montée de l’État-nation

Après être revenu sur ce qu’est un « État-nation », Balaji Srinivasan retrace la façon dont les État-nations se sont bâtis. Il évoque le rôle qu’ont joué les innovations que furent la cartographie et le capitalisme d’impression dans leur création.

Puis, l’auteur relate les événements historiques et politiques qui ont permis la montée de l’État-nation.

Enfin, il développe quatre façons pour un État-nation de se développer, à savoir :

  • Démographiquement : par reproduction ou immigration.
  • Géographiquement : par conquête (ex. : l’expansion de la Russie par Ivan le Terrible), par acquisition (ex. : l’achat de la Louisiane ) ou par accord (ex. : la séparation involontaire de Singapour de la Malaisie).
  • Économiquement : par le commerce et l’ouverture des marchés. 
  • Idéologiquement : par l’éducation et la conversion. 

5.2 – Les États du réseau

Dans le cinquième chapitre de son livre « L’État-réseau («  »The Network State« ), Balaji Srinivasan décrit en détail ce que sont les États-réseaux, leurs composants, à quoi pourrait ressembler un état de réseau et comment ce système pourrait fonctionner dans notre monde.

Il analyse ensuite le changement en cours : il expose les catalyseurs contemporains, les développements technologiques et politiques qui vont probablement modifier des siècles de pratique.

1/ Qu’est-ce qu’un État du réseau ? | Les 12 composants indispensables d’un État-réseau

– Définition de l’État-réseau

Balaji Srinivasan revient sur la définition et l’image de l’État-réseau qu’il a partagé en début d’ouvrage (voir au début de ce résumé) :

« Un état réseau est un réseau social avec une innovation morale, un sens de la conscience nationale, un fondateur reconnu, une capacité d’action collective, un niveau de civilité en personne, une crypto-monnaie intégrée, un gouvernement consensuel limité par un contrat social intelligent, un archipel de territoires physiques financés par crowdfunding, une capitale virtuelle et un recensement en blockchaine qui prouvent une population, des revenus et une empreinte immobilière suffisamment importants pour atteindre une mesure de reconnaissance diplomatique.« 

« A network state is a social network with a moral innovation, a sense of national consciousness, a recognized founder, a capacity for collective action, an in-person level of civility, an integrated cryptocurrency, a consensual government limited by a social smart contract, an archipelago of crowdfunded physical territories, a virtual capital, and an on-chain census that proves a large enough population, income, and real estate footprint to attain a measure of diplomatic recognition. »

La définition que l’auteur nous propose fait référence à la forme finale d’un État de réseau reconnu diplomatiquement

Mais il n’est, bien sûr, pas possible d’obtenir cette reconnaissance diplomatique d’emblée. On ne peut pas fonder un état de réseau ainsi. L’auteur explique qu’au départ, nous devons d’abord créer une société de démarrage, pour ensuite la transformer en un État de réseau qui obtient la reconnaissance diplomatique d’un gouvernement préexistant.

Balaji Srinivasan développe ensuite avec détails chaque composante de la définition énoncée.

– Première composante : le réseau social 

Les habitants d’un État-réseau forment leur nation en ligne. La proximité sociale prime sur la proximité géographique. Il ne s’agit cependant pas d’un réseau social « classique », car dans un État-réseau, il n’y a qu’une seule communauté cohérente présente, et non pas de nombreuses communautés distinctes comme c’est le cas sur Facebook ou Twitter par exemple.

L’admission à ce réseau social est sélective. Un processus de candidature doit démontrer un alignement, prouver l’existence de valeurs communes, ainsi qu’un investissement en temps et en énergie dans la société. Aussi, rejoindre le réseau n’implique pas qu’un engagement économique uniquement. cette démarche implique également un contrat social, un « contrat intelligent » que tout membre signe avant d’entrer. C’est ce qui rend « une proposition abstraite en une nation réelle« .

L’auteur souligne enfin que les gens peuvent perdre leurs privilèges de compte en cas de mauvais comportement, et que tous ceux qui participent à la nation l’ont explicitement choisi, en postulant.

– Deuxième composante : une innovation morale

Un état de réseau se développe à partir d’une société de démarrage qui repose sur une innovation morale. Ainsi, tout le monde, au sein de la société, pense qu’un principe considéré comme mauvais par le reste du monde, est bon, ou vice versa

Cette innovation morale attire les gens. Elle apporte une raison d’être à la société, un but qui la distingue du monde extérieur, une idéologie que d’autres pourront comprendre même s’ils ne la partagent pas.

– Troisième composante : un sentiment de conscience nationale

Tout le monde, dans un État de réseau, a le sentiment de faire partie de la même communauté. Tous partagent, en effet, les mêmes valeurs et la même culture

La nation d’un État de réseau a envie de faire de grandes choses ensemble

– Quatrième composante : un fondateur reconnu

Le fondateur de l’État de réseau propose un leadership fort. Ce leadership s’appuie sur le consentement et l’adhésion, pas sur la propagande ou la force. Ce fondateur reconnu est écouté parce que les gens auront choisi de le suivre en rejoignant la communauté.

Le chef fondateur a besoin d’un pouvoir suffisamment solide pour prendre des décisions difficiles et importantes sans consensus. Par ailleurs, comme le fondateur d’une start-up peut choisir de renoncer à des sièges au conseil d’administration, ce fondateur peut partager ou abandonner son pouvoir. Et si un état de réseau dégénérait en une bureaucratie, le modèle de l’État-réseau est construit de sorte à toujours permettre une sortie pacifique du fondateur. 

– Cinquième composante : une capacité d’action collective

Il s’agit ici d’une combinaison de but collectif (qui est comme l’énoncé de mission d’une entreprise, mais pour une communauté) et la capacité d’agir sur ce but.

L’objectif collectif contribue à unifier la communauté

L’action collective pour atteindre cet objectif nécessite une union de réseau. Ainsi, dès le début, les gens travaillent ensemble au profit de la communauté grâce à une interface sur leurs écrans (avec un tableau de bord d’équipe, des objectifs tangibles à atteindre par le groupe).

– Sixième composante : un niveau de civilité entre les personnes

Un État-réseau se compose d’une « société de haute confiance« . Cela signifie que la courtoisie et la civilité sont clairement respectées entre les membres de la communauté, à la fois hors ligne et en ligne. 

Cette atmosphère de confiance provient de l’alignement des membres vers un objectif collectif et un sens de la conscience nationale.

– Septième composante : une crypto-monnaie intégrée

« C’est l’épine dorsale numérique de l’état de réseau » assure l’auteur.

Cette crypto-monnaie gère les actifs numériques internes, les contrats intelligents, les connexions citoyennes web3, les certificats de naissance et de mariage, les registres de propriété, les statistiques nationales publiques et toutes autres procédures bureaucratiques qu’un État-nation gère avec des feuilles de papier. Parce qu’elle est protégée par cryptage, elle peut coordonner toutes les fonctions d’un État au-delà des frontières des États-nations hérités.

– Huitième composante : un archipel de territoires physiques financés par crowdfunding

Il s’agit de « l’empreinte physique de l’état de réseau« . 

La communauté construite dans le cloud finance par crowdfunding cet immobilier physique (bureaux, maisons, magasins) réparti partout dans le monde en clusters plutôt que concentré en un seul et même endroit. Ces clusters sont mis en réseau : un membre peut, par exemple, voir apparaitre un petit drapeau dans ses lunettes de réalité augmentée ou bénéficier d’un identifiant pour se loguer et ainsi ouvrir des portes de biens de l’État de réseau.

– Neuvième composante : un gouvernement consensuel limité par un contrat social intelligent

Pour Balaji Srinivasan, contrairement à ce que beaucoup pensent, les lois ne sont pas la première étape de la création d’un nouvel État. Pour lui, les lois ne devraient venir qu’après la formation d’un peuple organique, d’une nation en réseau, pas avant

Pourquoi ? Parce que les lois encodent la compréhension implicite d’un peuple. Selon lui, nous devons établir des lois qui reflètent le consensus moral d’un peuple, c’est-à-dire qui reflètent ce que le peuple veut encourager et décourager, ce qu’il considère comme acceptable et facultatif, obligatoire et interdit.

Dans un État-réseau, le consentement des gouvernés rend toute forme de gouvernement intérieurement légitime. D’ailleurs, n’importe quel membre de la communauté est libre de partir dès lors que la gouvernance ne lui est plus agréable.

Bien sûr, de nombreuses questions se posent : comment le consentement pourrait-il être donné ? Comment d’autres pourraient-ils mesurer que le consentement a été librement donné ? Et que se passe-t-il si quelqu’un veut retirer ce consentement, peut-être juste avant d’être soumis à un acte de gouvernance qu’il n’aime pas ?

Globalement, ces questions trouvent leur réponse dans le « contrat social intelligent » que chaque nouveau membre consent à signer lors de son admission dans la startup society.

Pour Balaji Srinivasan, le terme de contrat social intelligent combine le concept de Rousseau du « contrat social » avec le concept de la blockchain du « contrat intelligent ».

Les lecteurs de cet article ont également lu :  Pourquoi vous n'appliquez pas ce que vous lisez (et comment y remédier) - 2

La loi physique peut continuer de s’appliquer pour traiter les criminels physiques, mais progressivement, ce pourrait être des robots autonomes (chiens robots à pattes appelés digidog, caméras roulantes ou drones volants) qui assureraient les fonctions des forces de l’ordre.

– Dixième composante : une capitale virtuelle

L’état de réseau est une communauté physiquement dispatchée mais ses membres sont numériquement réunis dans un seul lieu du cloud : cela pourrait être un simple canal Discord au début. Puis, cela pourrait ensuite évoluer vers un sous-réseau privé du « métaverse ouvert« , autrement dit, dans un environnement de réalité virtuelle avec des parties projetées dans le monde physique pour y voir, grâce à des lunettes de réalité augmentée, des bâtiments, personnes ou objets numériques dans le monde réel.

L’accès à la capitale virtuelle de cet état de réseau n’est autorisé qu’aux citoyens connectés via le web3.

– Onzième composante : un recensement dans la blockchain pour prouver que population, revenus et empreinte immobilière sont suffisamment importants

Le recensement d’une société de démarrage doit s’effectuer en temps réel (et non pas tous les dix ans comme c’est le cas aux États-Unis par exemple). Le nombre d’habitants, les revenus annuels et l’empreinte immobilière d’une société de démarrage pourront être prouvés grâce aux données collectées et enregistrées sur la blockchain.

Cela implique d’établir une chaîne d’approvisionnement d’informations cryptographiquement vérifiables ainsi qu’une façon transparente de collecter et de montrer tous les chiffres pour le recensement de l’état du réseau. 

– Douzième composante : la reconnaissance diplomatique

« La reconnaissance diplomatique par un gouvernement préexistant est ce qui distingue un État réseau d’une société de startups, tout comme la « reconnaissance diplomatique » par une bourse comme le NASDAQ distingue une entreprise publique d’une startup.« 

« Diplomatic recognition by a pre-existing government is what distinguishes a network state from a startup society, just as “diplomatic recognition” by an exchange like the NASDAQ distinguishes a public company from a startup.« 

La reconnaissance diplomatique nécessite qu’un État ait établi son influence et sa croissance.

Balaji Srinivasan insiste sur l’importance de cette reconnaissance diplomatique. Car sans la reconnaissance des autres pays souverains, un état n’est fondamentalement pas considéré comme légitime et réel. Cela signifie que n’importe quel gouvernement peut l’envahir à volonté, sans que les autres états ne s’en préoccupent, qu’il ne peut pas signer d’accords commerciaux, que son autorité peut être contestée, etc.

L’auteur termine en démontrant en quoi les 12 composants qu’il vient de développer sont fondamentaux pour bâtir et faire fonctionner un État-réseau. Pour cela, il reprend chacun de ces éléments et expose ce qu’il se passerait si on le retirait.

2/ Comment fonctionne le système d’un État-réseau ? | Les 12 fondamentaux

Cette partie du livre « L’État-réseau » (« The Network State« ) étudie les 12 fondamentaux nécessaires au fonctionnement du système de l’État de réseau.

– Les réseaux numérique, national et de gouvernance

Le réseau numérique d’Internet est primordial. Un État-réseau est composé d’un réseau national (l’équivalent de la nation) et d’un réseau de gouvernance (l’analogue de l’État). 

– Le principe de Terra Incognita 

Les petits États du réseau peuvent adopter l’invisibilité comme stratégie.

– Le principe de Terra Nullius 

Un territoire numérique non réclamé existe toujours : sous la forme de nouveaux noms de domaine, de noms d’utilisateurs cryptographiques, de parcelles de terrain dans le métaverse, de pseudonymes de médias sociaux, etc.

– La dynamique « migration ascendante » des personnes  

Les citoyens migrent numériquement et physiquement entre les états du réseau.

– Le N réseaux par citoyen 

Contrairement au système des États-nations, où la plupart des gens ont la citoyenneté d’un seul État, dans le système des États-réseaux, chaque personne peut en principe être membre de plusieurs États. Un individu peut ainsi détenir plusieurs passeports de différents pays et plusieurs crypto-monnaies. Il peut utiliser plusieurs réseaux sociaux.

– La légitimité de la migration physique et du choix numérique 

Le pouvoir des états du réseau est limité par le consentement et la cryptographie

Le réseau de gouvernance d’un état réseau ne contrôle que les citoyens numériques (les internautes) qui ont adhéré, individuellement ou collectivement, à sa gouvernance (un peu comme on signe explicitement un contrat de travail en rejoignant une entreprise ou implicitement un contrat social en franchissant une frontière). 

La cryptographie garantit que ce choix est manifestement libre et non contraint. Elle assure, en outre, des droits fondamentaux tels que la liberté d’expression, la libre migration, la propriété privée, la liberté d’assemblage numérique, etc., puisque chaque utilisateur a un accès exclusif à ses clés privées.

– Une administration décentralisée 

Le groupe d’administrateurs d’un état de réseau – appelé « réseau de gouvernance » – se compose d’un fondateur/directeur général et de ses ingénieurs

Ces derniers écrivent des lois en code pour spécifier ce qui est obligatoire, encouragé, découragé et interdit. Ces lois sont interprétées par des serveurs impartiaux et appliquées par cryptographie

Dans le système d’état du réseau, chaque sous-réseau social peut choisir le réseau de gouvernance qui l’administre (celui-ci est déterminé par son emplacement physique et l’emplacement de sa propriété numérique). 

Les personnes peuvent donc basculer entre les états du réseau – et donc entre fournisseurs de gouvernance – « tout comme elles basculent entre Uber et Lyft en tant que régulateurs de taxi, ou Bitcoin et Ethereum en tant que régulateurs monétaires » indique l’auteur.

– Le monopole national de l’accès au root 

Seul le réseau de gouvernance possède l’accès au root. Il peut ainsi, si nécessaire, activer les commutateurs numériques pour maintenir ou rétablir l’ordre national, tout comme les administrateurs système des entreprises technologiques d’aujourd’hui. 

– La souveraineté internationale via la cryptographie 

L’accès à l’interface administrative d’un État de réseau (par le gouvernement comme par les individus) est contrôlé par des « clés privées » plutôt que par une combinaison nom d’utilisateur/mot de passe. Ainsi, le cryptage rend le vol difficile ; c’est une nouvelle façon de défendre la souveraineté de l’état.

En somme, la cryptographie (clés privées) remplace ou complète au moins la mission des militaires.

– La reconnaissance diplomatique numérique 

Les États du réseau peuvent se reconnaître bilatéralement (un peu comme on connecte deux applications avec une intégration d’API) ou multilatéralement (en prenant en charge, par exemple, les mêmes chaînes de blocs).

Lorsque les gens sortent vers d’autres états du réseau, que ce soit numériquement ou physiquement, ils apportent avec eux leurs biens sous forme de clés privées. Certaines de ces clés donnent accès à la propriété dans les blockchains mondiales, d’autres donnent accès à des biens physiques (voitures, maisons, etc.) et d’autres encore donnent accès à des enregistrements hébergés sur des blockchains gérées par l’État (le profil internaute dans l’état du réseau qu’ils viennent de quitter par exemple). 

– La gestion de la coopération et de la contrainte par les blockchains 

Les blockchains publiques sont l’équivalent du droit international dans un système d’État-réseau. Elles facilitent la coopération économique et sociale entre les États du réseau et leurs internautes, mais assujetissent également ces États avec un code cryptographiquement contraignant.

– Pax Bitcoinica 

Le garant ultime du système d’État de réseau dans son ensemble est Bitcoin. Bitcoin empêche notamment les états d’imprimer des quantités infinies d’argent, de saisir illégalement les fonds de leurs citoyens et de faire la guerre.

3/ Les quatre hypothèses supposées pour que le système des États-réseaux fonctionne

Pour que le système d’un État de réseau fonctionne, il faut, selon l’auteur du livre « L’État-réseau » réunir quatre hypothèses.

– Première hypothèse => Tout devient numérique, le physique est secondaire. 

L’auteur considère ici que le monde est passé au numérique : tous les événements créés par l’homme commencent d’abord dans le cloud, avant d’être, s’ils sont importants, « imprimés » dans le monde physique.

Ainsi, tout est en ligne : tout le travail de bureau, une grande partie de la socialisation, les tribunaux, les politiciens, l’argent, l’agriculture, l’industrie manufacturière, le transport maritime. Le téléphone est devenu « la télécommande du monde » et tous les appareils laissent une trace numérique.

« Le physique existe toujours, bien sûr » déclare Balaji Srinivasan. « Il y a encore des êtres humains physiques, des parcelles de terrain physiques, des rivières et des montagnes physiques » poursuit-il. Et il y a des robots physiques pour appliquer certaines fonctions légales et militaires. « Mais dans un état de réseau, tout ce qui est physique est en aval de lignes de code et appliqué par la cryptographie, tout comme dans un État-nation, tout ce qui est physique est en aval de morceaux de papier et appliqué par la police et l’armée » lance l’auteur.

– Deuxième hypothèse => L’État devient un tableau de bord d’administration (admin dashboard)

Actuellement, il n’existe pas de « clés privées » sur les interfaces numériques des États. Ces derniers peuvent donc continuer de centraliser le pouvoir de leurs entreprises technologiques en les contrôlant : ils peuvent surveiller, déformer, geler et sanctionner les internautes qui n’ont pas le véritable libre-choix de l’administrateur. Ce pouvoir numérique s’exerce de manière transnationale, sans le consentement des gouvernés

Le système d’état du réseau, lui, suppose que nous pouvons le contraindre : si chaque État légitime a inéluctablement besoin d’un certain pouvoir pour gouverner, l’État-réseau s’appuie sur des services décentralisés qui n’ont pas d’administrateur système unique, et qui proposent des outils pour la sortie physique et numérique des citoyens.

– Troisième hypothèse => Le monde se divise par le réseau plutôt que par la terre 

Le système d’un État-réseau limite le pouvoir numérique de l’État uniquement à ceux qui ont opté pour leur adhésion dans le réseau. « Il s’agit d’une division numérique probabiliste des personnes plutôt que d’une division physique déterministe des terres » fait observer l’auteur.

– Quatrième hypothèse => Le consentement et la contrainte de cryptographie dynamise les états et les citoyens 

Les États-réseaux ont un tableau de bord racine (le « root dashboard« ) avec un accès complet à tous les aspects numériques du réseau qu’ils régissent. L’accès à ces données est sécurisé par clés privées ce qui protège l’État des interférences extérieures.

En interne, la contrainte s’établit par la sortie cryptographique et physique (plutôt que par des traités ou lois papier). Ainsi, un État-réseau ne recourt pas à la violence (contrairement aux États existants) car s’il devenait oppressif ou incompétent, les citoyens libres d’entrer ou de sortir, choisiraient de partir ou n’y entreraient pas.

Ce système dynamise les états et les citoyens qui se retrouvent ainsi continuellement sous tension.

4/ Finalement, l’État-réseau, c’est un seul réseau qui regroupe…

  • Des êtres vivants (un réseau national) => la nation organique, volontaire et ascendante qui sous-tend l’État est formée en ligne dans un réseau (les gens sont dispersés dans le monde physique mais regroupés en ligne) sur la base de la langue, de la culture, de la proposition ou d’une combinaison de cela. 
  • Un territoire numérique (sous-réseau métaverse) => quand le monde de la réalité virtuelle sera mature, le territoire d’un état de réseau sera identifié comme un sous-réseau du métaverse ouvert. 
  • Des règles qui lient les gens (réseau de gouvernance) => les lois « papier », interprétées et déployées sans aucun test auprès de centaines de millions de personnes seront archaïques. L’État de réseau crée et applique les lois numériquement. 
  • Le pouvoir qui applique les lois (réseau Bitcoin) => L’État-réseau peut être considéré comme une fusion de Léviathans « Dieu/ État ».

5/ La terminologie des réseaux : 0-réseau, 1-réseau, N-réseaux 

Balaji Srinivasan généralise ensuite les concepts de micro-nations et multi-nations aux réseaux (micro-réseaux et multi-réseaux). Il développe tout un argumentaire pour aboutir à l’idée suivante : « seuls les réseaux décentralisés peuvent donner lieu à des états de réseau« . 

L’auteur poursuit ensuite par des définitions sous-jacentes des réseaux : 0-réseau, 1-réseau, N-réseaux. Il cite l’exemple concret de Facebook pour mieux comprendre ce que cela signifie :

  • 0-network => une startup de réseau social aspirationnelle sans utilisateurs. Exemple : Facebook à sa création, 1 personne fondatrice, aucun utilisateur.
  • 1-réseau => une communauté cohérente. Exemple : Facebook à Harvard, un mois après sa création.
  • N-network => un vaste réseau mondial de réseaux. Exemple : Facebook aujourd’hui, avec plus de 3 milliards d’utilisateurs.

6/ À quoi ressemble un État du réseau sur une carte ? 

– Sur une carte physique 

Dans l’espace physique, un état de réseau ressemble à un archipel d’enclaves interconnectées : l’auteur les nomme des « nœuds« . Chacun de ces nœuds est peuplé par un groupe de citoyens numériques qui ont choisi de vivre ensemble dans le monde physique.

Ce sont les internautes qui financent le territoire de l’État-réseau dans le monde entier. Grâce aux connexions du Web3, ils relient chaque élément de ce territoire numériquement, ainsi que ce qui est « en ligne » et ce qui est « hors ligne ».

Un tableau de bord permet d’observer la population, les revenus et l’immobilier de l’État de réseau sur tous les nœuds du réseau. Au fur et à mesure que l’État grandit, ces chiffres peuvent, au fil du temps, devenir comparables à l’empreinte des États-nations hérités.

« Ainsi, un État réseau est un État physiquement distribué, un peu comme l’Indonésie, mais avec ses morceaux de terre séparés par Internet plutôt que par l’océan.« 

« So, a network state is a physically distributed state, a bit like Indonesia, but with its pieces of land separated by internet rather than ocean.« 

– Sur une carte numérique 

Dans l’espace numérique, un état de réseau ressemble à un sous-graphe densément connecté d’un grand réseau social. Selon la terminologie évoquée par l’auteur ci-dessus, il s’agit d’un réseau 1, pas d’un réseau N. 

Pour comprendre l’espace numérique d’un État-réseau, il faut savoir qu’il est très différent de l’espace physique :

« Alors que l’État-nation est basé sur une division physique déterministe des terres en États, l’État-réseau est basé sur une division numérique probabiliste des personnes en sous-réseaux.« 

« While the nation state is based on a deterministic physical division of land into states, the network state is based on probabilistic digital division of people into subnetworks. »

Balaji Srinivasan revient donc en détail sur ces différences, qu’il dit fondamentales :

Les voici résumées :

  • Sa dimensionnalité : au-delà de la latitude et longitude, représenter un sous-graphe correctement nécessite davantage de dimensions.
  • Sa plasticité : pour mieux comprendre, l’auteur nous fait imaginer une passerelle qui relierait l’Afrique du Sud et New York City, ou encore un accord entre Spotify et Uber ; tout à coup, deux immenses réseaux sont reliés et les gens peuvent traverser (cela deviendra beaucoup plus évident avec le métaverse).
  • Sa vitesse : pour mieux saisir, l’auteur nous fait comparer la différence de temps qu’il a fallu à l’Empire britannique pour son empreinte mondiale à celle de Facebook pour une bien plus grande pénétration mondiale que cela en quelques années seulement.
  • Son élasticité : il est plus facile de créer des terres numériques que physiques. Dans le monde physique, la valeur d’un terrain est basée sur l’emplacement. La valeur de l’immobilier numérique est basée sur la connexion.
  • Son invisibilité : les frontières entre les États-nations sont par défaut très visibles, celles entre les réseaux sont par défaut invisibles. Par ailleurs, les continents, une fois découverts, ne bougent plus. Alors que sur Internet, des millions de nœuds peuvent se déconnecter et se reconnecter en même temps, et de nouveaux supercontinents de plus de 100 millions d’utilisateurs connectés (comme TikTok) peuvent surgir de nulle part.

7/ Comment et pourquoi fonder un État de réseau ? 

Balaji Srinivasan décrit ici quatre nouveaux concepts pour comprendre comment se construit un État-réseau.

Il décrit d’abord les concepts de sociétés de démarrage et de sociétés parallèles, qui sont respectivement à peu près analogues, nous dit-il, aux startups et aux entreprises technologiques.

– Les sociétés de démarrage 

On ne crée pas d’emblée un État-réseau, on crée d’abord une société de démarrage (ou startup society). Cette startup society est une nouvelle communauté, encore petite en population, construite sur Internet, généralement dans le but de résoudre volontairement un problème social spécifique :

« Comme une startup (et contrairement à une petite entreprise), une société de démarrage (ou start-up society) est un petit groupe ayant l’ambition de faire de grandes choses.« 

« Like a startup (and unlike a small business), a startup society is a small group with ambitions of doing big things.« 

– Les sociétés parallèles

Une société parallèle est à peu près équivalente à une société de démarrage, sauf qu’elle peut être beaucoup plus grande :

« Comme une entreprise technologique (…), une société parallèle est un petit à grand groupe de personnes avec au moins une innovation majeure proposée par rapport à la façon dont les choses étaient faites auparavant.« 

« Like a tech company (and unlike a legacy entity), a parallel society is a small-to-large group of people with at least one proposed major innovation relative to how things were done before.« 

Ensuite, Balaji Srinivasan parle d’unions de réseau, d’archipels de réseau et d’états de réseau.

Ces trois concepts-étapes jalonnent le chemin vers l’État de réseau. Leur délimitation est parfois floue. Malgré cela, il s’agit d’un chemin réaliste d’un seul fondateur de syndicat de réseau à quelque chose de grand.

– Le syndicat de réseau (ou l’union de réseau)

Bien qu’entièrement numérique, un syndicat de réseau est une véritable entité organisée en arborescence sociale, avec un leader, un objectif commun, un système financier, un système de messagerie basé sur la cryptographie et des actions collectives quotidiennes

L’action collective et l’objectif commun créent une culture et fait progressivement évoluer un groupe de personnes en un réseau 1, un réseau avec une conscience nationale, en la fondation d’un état de réseau. 

Un syndicat en réseau ne se contente pas de mener des actions privées pour le bénéfice collectif de ses membres. Il mène également des actions publiques qui montrent au monde entier à quel point les membres de l’union du réseau sont organisés, alignés, dévoués et coopérant mutuellement. Ces « affichages publics d’alignement » – selon les termes de l’auteur – prouvent qu’un syndicat de réseau peut se coordonner comme une nation organique. C’est une première étape dans le long processus vers une éventuelle reconnaissance diplomatique.

– Un archipel de réseaux

L’archipel de réseau est une union de réseau qui a accumulé suffisamment d’argent pour commencer à acquérir et à mettre en réseau des propriétés dans le monde physique. L’interaction physique est essentielle pour établir la confiance.

– L’État de réseau

Un État de réseau est un archipel de réseau qui a obtenu la reconnaissance diplomatique d’au moins un État hérité. La reconnaissance diplomatique est la clé pour atteindre la souveraineté.

– La reconnaissance diplomatique

Balaji Srinivasan appelle le premier gouvernement à reconnaître un état de réseau : un reconnaisseur d’amorçage.

Le système de reconnaissance d’amorçage repose sur l’idée suivante : l’acceptation formelle du nouveau système par l’ancien pour former quelque chose de plus fort que l’un ou l’autre individuellement.

En reconnaissant un État de réseau, le pays hérité s’engage à respecter la souveraineté interne du nouvel État-réseau, admis dans la famille des nations. Pour cela, il devra s’ouvrir et innover en matière de commerces et d’institutions. Et les fondateurs du futur État de réseau, eux, ne devront pas se montrer misanthropes ou isolationnistes. 

« Chaque archipel de réseau qui veut devenir un état de réseau devrait avoir une thèse sur qui est son reconnaisseur d’amorçage. Il s’agira probablement d’un État existant avec de nombreux « binationaux » qui ont une citoyenneté légale formelle avec leur État-nation existant, mais qui ont mentalement migré pour devenir les doubles citoyens de leur nouvel État-réseau.« 

« Each network archipelago that wants to become a network state should have a thesis on who its bootstrap recognizer is. It will likely be an existing state with many “binationals” that have formal legal citizenship with their existing nation state but have mentally migrated to become dual citizens of their new network state.« 

L’auteur indique enfin qu’une fois le nombre d’états de réseau devenu significatif, ces derniers pourraient amorcer la reconnaissance d’autres états de réseau.

Enfin, Balaji Srinivasan explique pourquoi il est dans notre intérêt de fonder des États de réseau. Voici les trois raisons qu’il expose :

  • Les pays ne sont pas parfaitement bons et il est plus facile de créer un nouveau pays plutôt que d’en réformer un.
  • Créer de nouveaux pays nous permet de recommencer « sans les bagages de l’ancien ».
  • De nouvelles juridictions sont aujourd’hui nécessaires pour certaines technologies (la biotechnologie dans la prolongation de la vie par exemple).

Et selon Balaji Srinivasan, les États-réseaux sont particulièrement intéressants pour les ingénieurs, les militants, les idéalistes, les ambitieux, les technologues et progressistes politiques.

8/ Comment un état de réseau se développe-t-il et se contracte-t-il ? 

Le concept de lÉtat-réseau offre une toute nouvelle façon pour les états de se développer. Il n’est plus question, en effet, de se développer violemment dans le monde physique : il s’agit désormais de se développer pacifiquement dans le monde numérique.  

Le processus de formation de l’état du réseau peut commencer avec un seul influenceur fondateur et s’étendre à une communauté physique d’un million de personnes.

Balaji Srinivasan liste les vecteurs de croissance d’un État-réseau :

– Démographiquement 

Un État de réseau (ou une entité prédécesseur comme une union de réseau ou un archipel de réseau) peut développer sa base d’utilisateurs par le recrutement et la reproduction (une politique sera alors nécessaire pour reconnaître les nouveaux membres de la famille en tant qu’internautes, comme le jus sanguinis).

– Géographiquement

Les citoyens d’un État-réseau peuvent financer de plus en plus de territoires dans le monde physique. Il s’agit d’un mécanisme pacifique d’expansion territoriale

– Numériquement

Un État de réseau grandit par l’accroissement de ses noms de domaine, de ses noms d’utilisateurs cryptographiques et des pseudonymes de ses médias sociaux.

– Économiquement

Un état de réseau se développe économiquement grâce aux revenus que ses membres gagnent et réinvestissent dans la blockchain. Ces chiffres peuvent être rendus publics au monde via des « oracles cryptographiques », montrant ainsi la croissance de son PIB et de sa valeur nette.

– Idéologiquement

Un État réseau est fondamentalement une nation de proposition. De fait, il prêche constamment pour ses croyances et base le recrutement de ses membres sur son idéologie

– Technologiquement

Un État réseau sait qu’en l’absence d’innovation, ses citoyens (mobiles) partiront vers des juridictions plus avancées. C’est pourquoi, le progrès technologique est une caractéristique déterminante de l’État réseau. « Une croissance constante et non violente est désormais possible, non par la conquête ou la coercition, mais par la volonté et l’innovation » assure l’auteur.

Balaji Srinivasan termine en citant des exemples d’États-nation qui pourraient être considérés à défaut comme des États-réseau mais qui ne le sont pas.

5.3 – Les 8 développements technologiques qui permettent la création des États de réseau

Pour terminer le cinquième chapitre du livre « L’État-réseau » (« The Network State« ), Balaji Srinivasan nous décrit les changements technologiques qui rendent aujourd’hui possible d’envisager de fonder des États-réseaux (et non il y a 5, 10 ou 20 ans).

Il expose les 8 principaux catalyseurs de l’État-réseau que voici résumés.

1/ Internet

Internet peut être considéré comme une sorte d’Atlantide numérique qui a bouleversé le monde. Pour Balaji Srinivasan :

« Internet est aux États-Unis ce que les Amériques étaient au Royaume-Uni : un vaste territoire ouvert qui a finalement donné naissance à de nouveaux États et modes de pensée.« 

« The Internet is to the USA as the Americas were to the UK: a wide open territory that ultimately gave birth to new states and ways of thinking.« 

2/ Bitcoin

Bitcoin contraint les états hérités. Il garantit la souveraineté à la fois du citoyen individuel et de l’État-réseau lui-même. Il a créé de nouvelles fortunes en dehors du système jusque-là connu, et a permis de concevoir des services Web de façon décentralisée.

3/ Web3

Web 3 permet de nouvelles blockchains, des identités décentralisées et des communautés résistantes à la censure. Des rassemblements volontaires de personnes peuvent exister en dehors de l’ingérence ou de la surveillance des États hérités.

4/ Starlink et Remote

Aujourd’hui, dès que quelque chose est publié sur Internet, il devient accessible à distance, dans le monde entier. Starlink, et plus généralement le haut débit par satellite, ouvre les frontières et rend, de fait, des zones sur la carte auparavant abandonnées bien plus attrayantes. Contrairement aux époques passées, il n’est plus nécessaire d’être près d’une mine ou d’un port pour construire une cité.

5/ Le smartphone  

Le mobile nous rend mobiles. Avec l’apparition de téléphones suffisamment avancés, il est désormais possible de choisir de se déplacer où nous voulons.

6/ La réalité virtuelle

La réalité virtuelle, et plus généralement le métaverse, rend possible la construction d’un capital dans le cloud. La réalité augmentée le reflète sur le terrain. 

« Nous pouvons maintenant construire des châteaux entiers dans le ciel, puis les projeter sur la terre grâce à la réalité augmentée. Pour un archipel de réseau ou un état de réseau, c’est un moyen puissant de relier des territoires physiques distribués en un tout cohérent.« 

« We can now build full castles in the sky, and then with augmented reality project them onto the earth. For a network archipelago or network state, that’s a powerful way to link distributed physical territories together into a coherent whole. »

7/ Les médias sociaux

Les médias sociaux permettent à quiconque de se constituer une audience massive en ligne. Ils ont « désintermédié » les médias hérités et, combinés avec des applications de messagerie et des outils connexes, ont rendu ses contacts infiniment portables.

8/ Les GAFAM

Ici, Balaji Srinivasan voit dans les GAFAM un exemple catalyseur des État-réseaux. Voici notamment ce qu’il écrit à leur propos :

« Google nous a montré ce qu’on pouvait faire depuis un garage. Facebook nous a montré ce qui pouvait être construit à partir d’un dortoir. L’ensemble de l’industrie des startups nous a montré que de grandes choses peuvent être faites avec peu de moyens. Sans les entreprises d’un billion de dollars et les réseaux d’un milliard d’utilisateurs, nous n’aurions pas l’impression de pouvoir créer des États de réseau d’un million de personnes.« 

« Google showed us what could be done from a garage. Facebook showed us what could be built from a dorm room. The entire startup industry has shown us that big things can be done on a shoestring. Without the trillion dollar companies and billion user networks, we wouldn’t feel like we could build million person network states.« 

Ainsi :

« Du service postal à Gmail, des médaillons de taxi à Uber et Lyft, des banques à Bitcoin, des cartes à Google Maps, de la FCC à WhatsApp, des tribunaux aux modérateurs, les États hérités contrôlent moins et les réseaux numériques contrôlent plus. Bien sûr, les premiers manquent de compétence technique et les seconds de légitimité démocratique, c’est exactement le problème que résout l’État-réseau.« 

« From the postal service to Gmail, from taxi medallions to Uber and Lyft, from the banks to Bitcoin, from the maps to Google Maps, from the FCC to WhatsApp, from the courts to moderators, legacy states control less and digital networks control more. Of course, the former lack technical competence and the latter lack democratic legitimacy, which is exactly the problem the network state solves. »

5.4 – Trois éléments utiles aux États-réseau, mais pas essentiels à leur construction

1/ La terre devient élastique

« Les seasteaders et les îles artificielles construites à Dubaï montrent que l’offre foncière est peut-être plus élastique qu’on ne le pense » déclare Balaji Srinivasan. Ce sont, en effet, des exemples que nous pourrions « rouvrir la frontière pas seulement numériquement mais aussi physiquement ».

2/ La télé-présence change la nature de l’immigration 

Pour l’auteur de « L’État-réseau« , il sera bientôt possible de composer un robot à l’autre bout du monde et de se promener n’importe où sur le globe grâce à lui. Et nous pourrons contrôler ce robot humanoïde de façon complètement immersive.

3/ L’innovation dans les atomes

« L’innovation dans des domaines comme la biomédecine, la robotique et l’énergie n’est pas en amont de l’état du réseau, mais en aval » nous fait remarquer l’auteur.

En effet, l’État du réseau utilise la technologie numérique pour construire une communauté dans le cloud, un territoire de financement participatif pour finalement être reconnu en tant que régime souverain. Mais après cela, l’innovation peut être renvoyée dans le monde physique des atomes.

Balaji Srinivasan conclut cette partie sur les États-nations et les États-réseaux par une phrase qui en récapitule certains points clés :

« L’État-nation était activé par des cartes du monde, des outils pour communiquer, les lois et des armes pour les faire respecterL’état du réseau est activé par la création d’un nouveau monde (Internet), le logiciel pour coder et communiquer avec les politiques, et la cryptographie pour les appliquer.« 

Chapitre 6 – Annexes

Le dernier chapitre est consacré à des remerciements, des annotations et à un annexe titré « Vers 1729« .

En fait, « 1729 » est le nom de l’éditeur du livre « L’État-réseau« , de son titre original « The Network State« . Mais 1789 correspond également au nombre de Hardy-Ramanujan qui symbolise « le talent noir » pour l’auteur aux origines indiennes.

Le terme de « talent noir » est utilisé pour parler de :

« Tous ces gens qui viennent de nulle part, passés par l’establishment, aux idées folles mais bonnes, qui pourraient faire de belles choses si on leur en donnait seulement l’occasion. Ces personnes sont exactement le genre d’individus qui, selon nous, fonderont des sociétés de démarrage et des États de réseau. »

« All those people from the middle of nowhere, passed over by the establishment, with crazy-but-correct ideas, who could do great things if only given the opportunity. These are exactly the kinds of people who we expect will found startup societies and network states.« 

L’auteur termine son livre « L’État-réseau » (« The Network State« ) en précisant que :

« Cette communauté [du talent noir] réunit aussi des personnes intéressées par les mathématiques, les crypto-monnaies, le seasteading, le transhumanisme, les voyages dans l’espace, la prolongation de la vie et les idées initialement folles mais technologiquement réalisables… comme le sont les États de réseau.« 

« It’s also a community for people interested in mathematics, cryptocurrencies, seasteading, transhumanism, space travel, life extension, and initially-crazy-seeming-but-technologically-feasible ideas…like network states themselves.« 

Conclusion de « L’État-réseau – Comment créer un nouveau pays », publié sous le titre « The Network State – How to start a new country » de Balaji Srinivasan

l'état réseau futur vs état nation

« L’État-réseau«  : une lecture qui vous embarque dans une réflexion aussi originale que disruptive

La lecture du livre « L’État-réseau » (« The Network State« ) est un véritable voyage. Elle vous emporte dans un labyrinthe de dimensions (passé, présent, avenir) et dans l’analyse incroyablement approfondie de Balaji Srinivasan.  

Si la pensée originale et brillante de l’auteur nécessite, peut-être, au démarrage, de dépasser certains préjugés, on se projette finalement très vite dans la vision inspirante qu’il développe sur ce que pourrait être l’avenir des nations.

La réflexion qu’il partage à travers son concept radicalement nouveau d’État-réseau propose – afin de s’éviter un futur affligeant – de remplacer nos systèmes de gouvernance obsolètes par un modèle d’organisation virtuelle et décentralisée beaucoup plus satisfaisant.

L’État-réseau : une alternative aux formes traditionnelles de gouvernances défaillantes   

« L’État-réseau » (« The Network State« ) fait le constat manifeste des échecs de nos gouvernements actuels et ceux qui nous attendent très probablement. Cette défaillance de l’État-nation indique clairement qu’il est urgent de revoir nos modes de gouvernance. Dans le même temps, le livre nous montre combien les innovations et technologies numériques nous permettent aujourd’hui d’imaginer de nouveaux moyens d’organisation publique encore complètement inconcevables il y a quelques années.

Dans ce contexte, l’État-réseau de Balaji Srinivasan s’impose presque naturellement comme une alternative à l’inefficacité de notre système séculaire.

Fondé sur les réseaux et un regroupement numérique de citoyens plutôt que territorial, le concept d’État-réseau présenté nous offre la possibilité de vivre ensemble dans une société et économie décentralisée. Il nous débarrasse de la contrainte de la proximité géographique. Sur la base d’une innovation morale partagée, l’État de réseau décrit par Balaji Srinivasan mise sur la collaboration et la coopération entre les différents acteurs pour atteindre des objectifs communs, plutôt que sur la compétition ou la confrontation.

Ainsi, par tout ce qui le constitue, l’État-réseau se voudrait plus flexible, résilient et efficace que nos gouvernements actuels. Et ce, dans les domaines clés que sont notamment la communication, la coordination, la protection de la vie privée et de la sécurité des données, la transparence et la responsabilité de la prise de décision, la garantie de l’égalité de traitement pour tous, etc.

Une lecture indispensable pour comprendre et avoir un impact positif sur notre avenir collectif

« L’État-réseau » (« The Network State« ) est un ouvrage très éclairant pour quiconque cherche à développer une compréhension et une réflexion à impact positif sur l’avenir de la société et de la communauté.

À l’heure de la connectivité mondiale, de l’intelligence artificielle et des technologies innovantes, ce livre de Balaji Srinivasan nous ouvre l’esprit à une infinité de possibles jusque-là inexplorés.

Il y a définitivement un « avant » et un « après » cette lecture intrigante et passionnante. Un ouvrage indispensable à mes yeux.

Points forts :

  • Un livre qui permet de mieux appréhender les futurs bouleversements économiques, technologiques et politiques du monde, qui partage une analyse approfondie et nombre d’hypothèses sur les enjeux et challenges à venir.
  • Une proposition alternative à ce qui existe déjà, aux défaillances gouvernementales, une voie innovante et pragmatique qui semble presque s’imposer d’elle-même.
  • Les nombreuses références, les liens qui renvoient à plus de documentation tout au long du livre permettent au lecteur, s’il le souhaite, d’explorer davantage les concepts et idées énoncés.
  • Le format quelque peu hors-norme, gratuit et mis à jour régulièrement.

Points faibles :

  • Une lecture qui demande une solide concentration et réflexion compte-tenu du niveau d’expertise de l’auteur et de ses analyses approfondies.
  • Si vous ne connaissez pas toute l’actualité et la subtilité des enjeux historico-politiques des États-Unis, certains propos peuvent vous sembler incomplets pour une compréhension aboutie.

Ma note :

Le petit guide pratique du livre The network State de Balaji Srinivasan

Quels sont les trois points-clés essentiels de l’Etat-réseau ?

  • Une population d’1,7 million de personnes
  • Avec 157 milliards de dollars de revenus annuels
  • Une étendue de 136 millions de mètres carrés

Foire Aux Questions (FAQ) du livre The network State de Balaji Srinivasan

1. Comment le public a accueilli le livre The network State de Balaji Srinivasan ?

Le livre a été plutôt bien accueilli par le public. Sur Amazon on peut noter plus 80% d’avis positifs et de recommandations vives.

2. Quel fut l’impact du livre The network State de Balaji Srinivasan ?

Ce livre a permis aux lecteurs de mieux cerner la notion de Etat-réseau et comprendre comment n’importe qui peut aujourd’hui créer un pays à partir d’internet en rassemblant une communauté numérique.

3. À qui s’adresse le livre The network State de Balaji Srinivasan ?

Ce livre s’adresse à tous ceux qui veulent connaître les tenants et aboutissants de ce nouveau concept qu’est l’Etat-réseau.

4. Quelle est la première idée phare à retenir dans le concept d’Etat de réseau ?

Il ne s’agit pas de concevoir l’État en termes de territoire comme dans l’État-Nation, mais en termes d’esprit.

5. Quelles sont les trois forces les plus puissantes du monde d’après Balaji Srinivasan ?

L’auteur identifie les trois forces les plus puissantes comme étant Dieu, l’Etat et le Réseau. 

Créer un nouveau pays : Les voies conventionnelles vs Les voies non conventionnelles

Trois voies conventionnellesTrois voies non conventionnelles illusions
L’électionLes micro-nations
La révolution politiqueLe seastanding
La guerreL’espace

Qui est Balaji Srinivasan ?

Balaji Srinivasan : Auteur du livre The Networke State

Balaji S. Srinivasan (né le 24 mai 1980) est un entrepreneur et investisseur américain. Cofondateur de Counsyl, il est également ancien directeur technique de Coinbase et ancien partenaire général de l’investisseur en capital-risque Andreessen Horowitz.

Avez-vous lu « The Network State – How to start a new country » de Balaji Srinivasan ? Combien le notez-vous ?

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