Une sélection de livres rares et exigeants pour changer de vie.

Le Cygne Noir

Le cygne noir de Nassim Nicholas Taleb

Résumé de « Le Cygne Noir : la puissance de l’imprévisible » de Nassim Nicholas Taleb : l’essai qui a fait la renommée de l’auteur, ancien trader d’options qui cherche à construire une théorie du hasard et de l’incertitude pour nous rendre plus forts et améliorer nos vies quotidiennes.

Par Nassim Nicholas Taleb, 2008.

Titre original : « The Black Swan: The Impact of the Highly Improbable », 2007.

Chronique et résumé de « Le Cygne Noir » de Nassim Nicholas Taleb

Incepto, l’œuvre en 5 volumes de Nassim N. Taleb

Nassim Nicholas Taleb (1960-) est un ancien trader d’options et un statisticien de renom. C’est à partir de son expérience dans la finance qu’il a commencé à écrire.

Le Cygne Noir est le deuxième livre de sa série Incerto, qui se compose par ailleurs de :

  1. Le hasard sauvage (Fooled by Randomness) ;
  2. Le cygne Noir (The Black Swan) ;
  3. Le lit de Procuste (The Bed of Procrustes) ;
  4. Antifragile (Antifragile) ;
  5. Jouer sa peau (Skin in the Game), le cinquième et dernier ouvrage de la série.

Tout au long de cette série de livres, Nassim Nicholas Taleb aborde les thématiques du risque et de l’incertitude. Il s’intéresse au hasard et à ce qui provoque les événements inattendus tant aux niveaux économique, politique ou social.

Le Cygne Noir est son livre (et son concept) le plus connu. C’est un concept qui désigne les événements, rares et inattendus, ayant un impact positif sur le monde — y compris les marchés financiers.

L’ouvrage a été un best-seller du New York Times lors de sa sortie.

Prologue

Nassim Nicholas Taleb commence le livre en expliquant l’image centrale qui lui donne son titre. Nous croyons généralement que tous les cygnes sont blancs, avant de nous rendre compte qu’il en existe des noirs.

Cette image est une métaphore des types d’événements rares. Ceux-ci ont les caractéristiques suivantes :

  • Des valeurs aberrantes ;
  • Un impact élevé ;
  • Expliqués après coup par des récits qui résultent de la tendance humaine à traiter les choses au moyen d’histoires.

Selon Nassim Nicholas Taleb, ces « cygnes noirs » aident à expliquer les mouvements les plus importants de l’histoire de l’humanité.

De plus, Taleb articule dans ce prologue l’autre idée centrale du livre : notre cécité par rapport au hasard et aux événements improbables qui bouleversent notre condition.

Une grande partie de cet aveuglement provient d’une dépendance excessive à l’égard des connaissances que nous avons déjà accumulées et des opinions d’experts. La plupart du temps, ceux-ci ne tiennent pas compte des événements très improbables.

À la fin du chapitre, N. N. Taleb fournit quelques indications sur la manière de lire ce livre. Il s’agit d’un essai philosophique qui s’appuie sur des raisonnements propres et l’expérience intime de l’auteur. ll se dit à la fois angoissé et inspiré par les implications de son concept, le Cygne Noir.

Bibliothèque

Première partie — L’antibibliothèque de Umberto Eco, ou comment nous recherchons la validation de notre savoir

Avant d’entrer dans le premier chapitre, Nassim Nicholas Taleb écrit brièvement sur la bibliothèque de l’écrivain Umberto Eco. Il l’appelle une « antibibliothèque », car l’écrivain italien appréciait davantage les livres qu’il n’avait pas explorés beaucoup plus à ceux qu’il avait déjà lus !

C’est une manière de rester curieux…

Chapitre 1 — Le cygne noir : L’apprentissage d’un sceptique empirique

Et, en effet, les connaissances que nous n’avons pas encore acquises nous amènent à être ouverts d’esprit aux possibilités de la vie. Nous ne les envisageons pas de façon possessive, comme s’il s’agissait de propriétés personnelles.

Poursuivant sur un ton plus personnel, Nassim Nicholas Taleb se penche ensuite sur ses années de formation au Liban. Il parle aussi de son départ à l’étranger pendant la guerre civile du Liban. Ces expériences l’ont amené à devenir ce qu’il nomme un « empiriste sceptique« .

Pour lui, les événements mondiaux de grande ampleur, tels que la guerre du Liban et le krach boursier de 1987, sont des cygnes noirs. Ce sont des événements hautement improbables et pratiquement imprévisibles qui ont bouleversé l’humanité, ou au moins une partie d’entre elle.

Le sceptique empirique cherche à prendre en compte ces événements. Il ne les oblitère pas, comme la plupart d’entre nous le fait. Il existe, en effet, une tendance humaine à trop simplifier ou à négliger ce type d’événements étonnants et imprévisibles.

Selon N. N. Taleb, les êtres humains prétendent en savoir beaucoup plus qu’ils ne savent en réalité. Plus précisément, l’auteur critique les experts qui tentent de déchiffrer et de prévoir les événements humains.

Non seulement nous prétendons en savoir plus que nous en savons en réalité, mais nous nous tournons vers des experts qui n’en savent pas beaucoup plus !

Sur les illusions et les biais qui gouvernent nos pensées, vous pouvez lire aussi Système 1/Système 2 de Daniel Kahneman, un ami de N. N. Taleb !

Chapitre 2 — Le cygne noir de Yevgenia

Dans ce bref chapitre, l’auteur raconte l’histoire fictive d’une écrivaine. Celle-ci se nomme Yevgenia Krasnova. Elle a énormément de mal à publier un livre. Cependant, après avoir envoyé son livre à divers éditeurs en vain, elle est finalement publiée par un éditeur russe qui se dit qu’il n’a rien à perdre.

Son livre, intitulé A Story of Recursion, devient rapidement un best-seller. Yevgenia est catapultée dans les plus hautes sphères du succès littéraire. Son éditeur aussi connait un grand succès. Entretemps, Krasnova épouse et divorce de trois maris, tous philosophes !

Ce chapitre étonnant est une création libre de N.N. Taleb. Ce faisant, il choisit d’inventer un cygne noir positif.

En effet, au lieu de choisir un événement qui tournerait autour d’une catastrophe environnementale ou d’un conflit géopolitique, il raconte ici l’histoire d’un succès littéraire et de son impact dans le monde littéraire.

Chapitre 3 — Le cygne noir : Le spéculateur et la prostituée

Dans une veine toujours pleine de créativité, l’auteur expose deux concepts ou « mondes » qu’il a inventés : le Médiocristan et l’Extrêmistan.

  1. Dans le Médiocristan, le monde est essentiellement imperméable aux cygnes noirs, prévisible et stable en termes de prédictions et de prévisions.
  2. En Extrêmistan, ici, le monde change en fonction des cygnes noirs, qui sont une partie naturelle du monde. Ici, l’histoire avance par « sauts », contrairement au mouvement lent et continu du Mediocristan.

Nassim Nicholas Taleb soutient que l’Extrêmistan ressemble plus à notre monde moderne, tandis que le Mediocristan ressemble davantage à notre existence ancestrale.

L’opposition entre Médiocristan et Extrêmistan généralise les arguments de l’auteur dans un contexte plus large. Bien sûr, Médiocristan et Extrêmistan existent principalement en tant que concepts, c’est-à-dire en tant qu’hypothèses abstraites.

Chapitre 4 — Mille et un jours, ou comment ne pas être un dupe

N. N. Taleb illustre le problème avec un raisonnement purement de type inductif — c’est-à-dire où l’on passe du particulier au général.

Il raconte l’histoire d’une dinde qui est bien nourrie pendant mille jours consécutifs. Logiquement, elle s’attend à ce que ses maîtres la nourrissent aussi le mille et premier jour. Et pourtant, en ce jour fatidique, la dinde est tuée et préparée pour un dîner de Thanksgiving !

L’anecdote met en évidence l’idée que le cygne noir, vu à travers les yeux de la dinde, est une surprise totale :

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« Du point de vue de la dinde, le fait de ne pas être nourrie le mille et unième jour est un cygne noir. Pour le boucher en revanche, ce n’est pas le cas, car son apparition n’est pas inattendue. » (Le Cygne Noir, Chapitre 4)

Le « problème de la dinde » met le lecteur en garde contre notre confiance aveugle dans le passé. Celui-ci n’est pas toujours fiable lorsqu’il est question de nous informer sur l’avenir. Or, si l’on ne croit pas en l’existence de cygnes noirs, l’impact de ces événements en sera d’autant plus fort lorsqu’ils surviendront.

Nassim Nicholas Taleb donne quelques exemples. Selon lui, les cygnes noirs négatifs comme les attentats du 11 septembre 2001, par exemple, sont souvent très brusques (même si leurs conséquences s’étendent sur de longues années). Par contre, les cygnes noirs positifs — comme un succès littéraire — sont souvent plus lents à apparaître.

L’auteur souligne que nous sommes complètement inconscients et aveugles. Il soutient que c’est avant tout une histoire de constitution. Selon lui, « la nature humaine n’est pas programmée pour les cygnes noirs« .

Chapitre 5 — Le cygne noir : Confirmation, mon œil !

Taleb commence par illustrer le célèbre biais de confirmation. Il demande au lecteur d’imaginer la scène suivante. Lui, N. N. Taleb, considère que O.J. Simpson est innocent, simplement parce qu’il a passé un après-midi avec lui et qu’il ne l’a vu tuer personne.

Voici l’élément important : souvent, nous fondons nos jugements sur nos propres observations personnelles. Elles nous servent à confirmer ou nier ce que nous croyons possible.

Selon N.N. Taleb, cette tendance à s’appuyer sur les récits que nous avons choisis est un phénomène tout à fait caractéristique de la nature humaine. Néanmoins, cela nous conduit à sous-estimer la présence des cygnes noirs.

Dans nos efforts pour corroborer nos propres récits, nous déformons la vérité sur la façon dont le monde fonctionne.

Si nous combinons l’erreur logique de nos biais de confirmation avec une tendance collective à corroborer nos croyances antérieures, alors nous comprenons pourquoi nous avons tant de mal à faire des prévisions raisonnables sur l’avenir.

Chapitre 6 — Le cygne noir : L’erreur de narration

N. N. Taleb continue à explorer la tendance naturelle des êtres humains à générer des récits créatifs. Il appelle cela « l’erreur narrative », car elle nous égare souvent.

Pour l’auteur :

« L’erreur narrative est associée à une certaine vulnérabilité à la surinterprétation et à une prédilection pour les histoires compactes. » (Le Cygne Noir, Chapitre 6)

Lorsque nous condensons les phénomènes improbables en histoires compactes et faciles à retenir, nous sommes mieux en mesure de traiter le quotidien.

Par ailleurs, le spécialiste de la finance souligne également que nous avons tendance à voir l’histoire de façon linéaire (Médiocristan). Nous aimons la causalité unique, « qui fait circuler le temps dans une seule direction, tout comme la narrativité ».

Malgré le fait qu’il s’agisse d’une manifestation innée de la nature humaine, il existe des moyens d’éviter l’erreur narrative. Pour cela, il faut « favoriser l’expérimentation à la narration, l’expérience à l’histoire et la connaissance clinique aux théories ».

Pour résumer : en nous appuyant davantage sur des preuves empiriques, nous réduisons la possibilité de créer de faux récits qui déforment notre vision de l’histoire.

Chapitre 7 — Vivre dans l’antichambre de l’espoir

N. N. Taleb montre comment — de ce point de vue —  la société peut être divisée en deux catégories.

  • D’un côté, il y a des gens — comme la dinde — qui sont complètement inconscients des cygnes noirs de quelque nature que ce soit.
  • De l’autre côté, il y a ceux et celles qui vivent dans l’attente des cygnes noirs. Ils sont conscients que leurs visions du monde peuvent être fortement remises en cause à tout moment.

Les approches et les idéologies de ces catégories de personnes sont complètement différentes. Nassim Nicholas Taleb reprend l’histoire de l’écrivaine qui espère des cygnes noirs positifs dans sa vie, car « elle ne se souciait pas du doux piège de l’anticipation ». Autrement dit : elle avance avec confiance.

À noter : cette façon de voir le monde ressemble assez fortement à celle de L’expérience du lâcher-prise de Michael Singer.

Yevgenia Krasnova pense que le pouvoir de l’imprévisible peut changer sa vie. Tout son système de pensée est basé sur la croyance que les cygnes noirs positifs existent et qu’ils peuvent modifier profondément le cours de nos existences.

Chapitre 8 — La chance infaillible de Giacomo Casanova : le problème de Diagoras

Le philosophe et ancien trader explique ensuite le concept de « preuves silencieuses« . Cela fait référence à l’idée qu’il y a des aspects cachés dans tout récit historique.

Ce sont des éléments qui sont restés « silencieux » car ils créaient des distorsions dans le récit « officiel » (et erroné) des événements historiques.

N.N. Taleb prend l’exemple de Diagoras, un poète grec qui vécut au Ve siècle av. J.-C. En substance, le problème est le suivant :

  • Si je sais que toutes les personnes qui ont échappé à la noyade (lors d’un naufrage) ont prié, cela signifie-t-il que toutes celles qui n’ont pas prié sont mortes ?
  • Ou pour le dire autrement : parmi les personnes qui sont mortes, y en avait-il qui avait elles aussi prié ?

Nous voulons naturellement croire que la prière aide à survivre au naufrage d’un navire. Mais si nous connaissions l’histoire de celles et ceux qui sont morts, nous changerions peut-être d’avis. Ceux-ci jouent le rôle de « preuve silencieuse ».

Autre exemple : Giacomo Casanova, le célèbre aventurier italien, plus connu pour sa réputation de séducteur de femmes. Casanova croyait sincèrement qu’il était né sous une bonne étoile. Tout, dans la vie, lui souriait.

Chaque fois qu’il rencontrait un problème, il parvenait d’une manière ou d’une autre à éviter le désastre. Pourtant, il est impossible d’en conclure que nous avons tous une bonne étoile. En fait, bien des gens sombrent dans l’oubli, car ils n’ont pas eu autant de chance que lui. Ce sont ses « preuves silencieuses ».

Morale : lorsque nous interprétons les événements historiques uniquement à travers les lunettes interprétatives des survivants ou des vainqueurs, nous laissons de côté des preuves tacites et silencieuses.

Pourtant cela a des effets néfastes. Lorsque nous ignorons les preuves silencieuses, notre compréhension des cygnes noirs diminue.

Bien sûr, nous ne pouvons pas toujours être au courant de ce qu’il se passe « en cachette » ou en dehors des récits qui nous sont racontés. C’est une limite de la connaissance humaine.

En effet, ces lacunes dans notre connaissance ne sont pas simplement le fruit d’un désir malveillant de dissimulation. Elles renseignent plutôt sur l’inévitable faillibilité de nos savoirs humains.

Chapitre 9 — L’erreur ludique ou l’incertitude du polard

Pour clore cette première partie assez théorique, N. N. Taleb se concentre sur un concept qu’il appelle « l’erreur ridicule« .

Celui-ci fait référence au biais logique qui se produit lorsque nous assimilons les jeux de hasard avec le monde réel. Pour l’auteur, ancien trader à Wall Street, l’imprévisibilité de la réalité n’est pas identique au hasard des jeux de casino ou de voyance.

La différence est la suivante :

  • Dans le jeu, vous connaissez plus ou moins vos chances, en misant sur les probabilités.
  • « Dans la vraie vie, vous ne connaissez pas les chances ; vous devez les découvrir, et les sources d’incertitude ne sont pas définies ».

Autrement, le rapport à l’incertitude est fondamentalement différent dans le jeu et dans la vie réelle. Le pouvoir de l’imprévisible est bien plus fort dans le second cas.

Un cygne noir se produit simplement parce qu’il est une occurrence naturelle — une possibilité parmi d’autres — du monde. Il n’a pas de raison. Personne ne joue aux dés derrière lui. La source de l’incertitude est tout simplement la nature profondément inexplicable (incompréhensible pour nous) de l’univers.

Cartes de Tarot

Partie 2 — Les prévisions sont tout bonnement impossibles

Chapitre 10 — Le scandale des prévisions

Dans la suite de l’ouvrage, Nassim Nicholas Taleb explore les limites de notre capacité à prédire et à prévoir l’avenir.

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Dans ce chapitre, il se concentre spécifiquement sur le concept d’« arrogance épistémique », qu’il définit comme « notre orgueil concernant les limites de notre connaissance ».

Nous nous croyons souvent plus malins que nous ne sommes vraiment. C’est exactement ce que dit David McRaney dans son ouvrage Vous n’êtes pas si malin !

En fait, l’arrogance épistémique a un double effet :

  1. Nous surestimons ce que nous savons ;
  2. Nous sous-estimons l’incertitude.

Pour l’auteur, l’accumulation des connaissances et des informations, la veille attentive des dernières nouvelles ou la lecture de livres d’analyse… Tout cela, au fond, n’aide pas vraiment. En fait, notre capacité à faire des prédictions reste faible.

Au contraire ! L’auteur pense même que l’accumulation de connaissances et d’informations peut diminuer notre capacité à prévoir les événements futurs. Pourquoi ?

Car les êtres humains ont tendance à se faire une idée de ce qui est possible sur la base de leurs expériences ou de leurs connaissances. Or un cygne noir est par nature imprévu et il défie souvent nos catégories de pensée. Il faut donc s’y faire : nous ne sommes pas capables de prévoir l’avenir.

Chapitre 11 — Le cygne noir : Comment chercher la fiente d’oiseau

Bon nombre de nos découvertes les plus importantes ont été le fruit du hasard ou de la sérendipité.

  • Christophe Colomb a cherché à trouver une nouvelle route vers l’Inde et a fini par découvrir l’Amérique.
  • Deux scientifiques sont « tombés » sur le rayonnement micro-ondes en faisant des recherches sur les fientes d’oiseaux.
  • Alexandre Flemming a découvert la pénicilline de façon aléatoire, en réalisant des investigations différentes.

Souvent, nous reconstruisons l’histoire de ces découvertes scientifiques et de ces inventions techniques.

Nassim Nicholas Taleb souligne ici, une fois de plus, les limites de la connaissance humaine. Les êtres humains n’ont tout simplement pas assez d’informations pour élaborer des hypothèses gagnantes à tous les coups.

Et pourtant, insiste encore l’auteur, nous nous tournons constamment vers des experts censés nous aider à comprendre la direction dans laquelle nous allons. Mais au fond, le savent-ils vraiment mieux que nous ?

Chapitre 12 — L’épistémocratie, un rêve

N. N. Taleb cherche ensuite à formuler l’idée d’une société idéale, une utopie. Dans cette société, les gens admettraient ouvertement la valeur de leur propre ignorance. Ils la placeraient au-dessus de la valeur de leur connaissance. C’est ce qu’il nomme « épistémocratie« .

Il propose dans ce cadre un concept qu’il appelle « aveuglement futur« . Il s’agit de « l’incapacité de penser dynamiquement, de se positionner par rapport à un futur observateur ».

Les effets pratiques de cette cécité future nous conduisent à nous tromper sur la façon dont une décision ou un résultat particulier nous affectera à l’avenir, ou sur la durée des conséquences négatives (ou positives) potentielles.

Rappelons-nous : l’histoire n’est ni causale ni linéaire. En pensant de cette façon, nous croyons que les causes observées dans le passé dicteront la forme que prendra l’avenir. Mais l’avenir est beaucoup plus imprévisible que nous ne le pensons généralement !

Chapitre 13 — Le peintre appelle, ou que faire si on ne peut pas prévoir ?

Dans ce chapitre, l’auteur souhaite donner quelques trucs et astuces pour diminuer notre tendance à l’aveuglement du futur.

Pour les petits soucis de la vie quotidienne, Nassim Nicholas Taleb nous conseille simplement d’accepter notre condition d’être humain. Nous sommes arrogants, mais nous devons reconnaître que nous ne savons pas tout.

Une leçon qui n’est pas si éloignée du stoïcisme !

Par ailleurs, l’auteur garde les pieds sur terre. Certes, nous ne pouvons pas tout prédire. Pour autant, nous sommes capables de prévoir où nous serons la semaine prochaine.

Nassim Nicholas Taleb donne un autre conseil. Au quotidien, nous devrions étudier la plausibilité et le préjudice potentiel d’une prédiction particulière. Pour les situations plus lointaines et pour la « cécité future », il est préférable de rester préparé à tous les résultats possibles.

L’adoption d’un système de pensée qui vous permet d’être prêt pour les moments les plus imprévisibles de la vie peut être très avantageuse.

  • Elle vous permet de vivre votre existence sur le mode expérimental des essais et des erreurs ;
  • Elle vous libère de l’idée de causalité et donc de la détermination.
  • En vous contentant de rester ouvert à l’imprévisible, vous n’avez pas besoin de faire de savants calculs. Vous vous contentez d’imaginer l’imprévu et ses conséquences (un tremblement de terre, par exemple), puis d’agir en fonction de cela. C’est plus simple et plus efficace.

Pour le dire en une expression, nous devrions « nous attendre à l’inattendu« .

Cygne gris

Partie 3 — Ces cygnes gris de l’Extrêmistan

Chapitre 14 — Du Médiocristan à l’Extrêmistan, et vice-versa

Continuons notre périple dans le monde de l’imprévisible !

Dans cette partie (comme nous allons le voir plus précisément au chapitre suivant), N. N. Taleb se concentre sur ce qui est selon lui une erreur, voire une fraude. C’est pourtant l’un des graphes les plus connus des statistiques : la courbe de Gauss. Celle-ci est aussi appelée « courbe en cloche » ou « courbe de la loi normale ».

Mais dans ce chapitre, l’auteur se concentre surtout sur une idée. Le monde est-il « juste » ? Lorsque le hasard gouverne, nous avons tendance à considérer que la justice fait défaut.

Et de fait. Dans un monde imprévisible, l’un peut faire n’importe quoi et réussir, quand l’autre, qui s’évertue à faire les choses correctement, connaît un échec retentissant.

En Extrêmistan, le hasard ou la chance ne garantit ni le succès ni l’échec de manière permanente. Mais cela ne ressemblerait-il pas au monde moderne, de plus en plus instable ? C’est en effet ce que pense l’ancien trader.

« Personne n’est en sécurité », dit encore l’auteur. C’est la face sombre, sans doute, du pouvoir de l’imprévisibilité.

Chapitre 15 — La courbe en cloche, cette grande escroquerie intellectuelle

N. N. Taleb en vient, dans ce chapitre technique, à critiquer la courbe de Gauss. La courbe en cloche représente une distribution des probabilités d’un événement quelconque. Selon ce modèle, les événements proches de la moyenne sont plus fréquents que ceux qui s’en éloignent.

De l’avis de l’auteur, cet outil mathématique et statistique est inadéquat et trompeur. Il nous éloigne de la compréhension correcte des cygnes noirs. Le philosophe trader n’y va pas de main morte, puisqu’il considère carrément cette formule comme une « grande fraude intellectuelle ».

Mais l’auteur reconnaît également que le sujet des cygnes noirs est profondément personnel. Il a consacré de nombreuses années de sa vie à réfléchir à l’impact des cygnes noirs sur l’histoire de l’humanité.

C’est un savoir qui se met difficilement « en cloche » ou en graphe, mais qui a pourtant une puissante valeur à ses yeux.

Finalement, Nassim Nicholas Taleb se réfère à un modèle mathématique qui, à ses yeux, se rapproche de sa façon de penser. C’est le modèle fractal de Benoît Mandelbrot. Et, justement, il lui consacre le chapitre suivant.

 Chapitre 16 — L’esthétique du hasard

N.N. Taleb explique le concept de « caractère aléatoire » de Benoît Mandelbrot, un mathématicien polono-franco-américain. Le concept repose sur « la répétition de motifs géométriques à différentes échelles, révélant des versions de plus petites en plus petites d’eux-mêmes » (voir l’image à la fin de la partie 3 : il s’agit d’un exemple de motif fractal).

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L’auteur est attiré par ce modèle parce qu’il ne diminue pas la probabilité d’un cygne noir d’un point de vue statistique et prédictif.

De plus, les fractales peuvent transformer les cygnes noirs en cygnes gris, car « le caractère aléatoire fractal est un moyen de réduire les surprises, de rendre certains des cygnes possibles, pour ainsi dire, de nous faire prendre conscience de leurs conséquences, c’est-à-dire de les rendre gris ».

Les cygnes gris, comme les cygnes noirs, peuvent avoir un impact profond sur la société. Toutefois, contrairement à ces derniers, les cygnes gris sont plus aisés à expliquer et à comprendre.

Pour Nassim Nicholas Taleb, il ne faut pourtant pas y voir la solution de l’imprévisibilité. Certes, ce modèle peut servir de cadre de référence et, en un sens, nous « réconforter ». Mais même ce modèle ne donne pas de réponses précises et absolues.

Aussi complexe et sophistiqué que soit le modèle du mathématicien Benoît Mandelbrot, il ne rivalise toujours pas avec la puissance de l’imprévisible, c’est-à-dire avec l’incertitude typique des cygnes noirs.

En fait, nous serons sans doute toujours limités. Notre capacité à prédire des événements à grande échelle est moins forte que ces événements eux-mêmes.

Chapitre 17 — Les fous de Locke, ou des courbes en cloche aux mauvais endroits

L’auteur poursuit ses recherches en parlant de l’utilisation abusive des théories mathématiques, telles que la courbe gaussienne. Il s’intéresse en particulier à la façon dont celle-ci est utilisée de façon impropre dans les sciences sociales.

Selon N. N. Taleb, cette mauvaise utilisation se produit souvent après coup, lorsque les chercheurs veulent justifier des phénomènes et les expliquer au cours de conférences auprès de collègues ou du public.

Par exemple, le krach boursier de 1987 a démontré l’inefficacité de la courbe en cloche « sur le moment ». Pourtant, de nombreux chercheurs ont persévéré dans son utilisation. Ils ont affirmé que la courbe de la loi normale permettait de comprendre la crise, l’économie et la finance.

L’ancien trader iconoclaste s’en prend aussi au prix Nobel d’économie. Selon lui, c’est une imposture, comme la courbe en cloche (qui a beaucoup été utilisée par ses lauréats) !

Les gens sont capables de changer d’avis et de s’ouvrir à l’incertitude. Cependant, lorsque la crise frappe — ou lorsqu’ils doivent prendre un risque majeur pour mettre leur nouvelle pensée à l’épreuve—, ils reviennent souvent à leurs croyances et à leurs préjugés antérieurs.

Dans ces situations stressantes, l’analyse objective est rejetée au profit de ce qui est confortable. C’est exactement le cas des hommes d’affaires qui reviennent à l’utilisation du modèle gaussien, même après avoir réalisé ses limites et ses inexactitudes en tant qu’outil prédictif.

Chapitre 18 — L’incertitude du charlatan

Nassim Nicholas Taleb revient enfin sur la différence entre le jeu et la réalité. De nombreux scientifiques utilisent des modèles de « jeu » pour penser les problèmes du monde réel. Pourtant, ces modèles ne prennent pas véritablement en compte la puissance de l’imprévisible et les cygnes noirs.

L’auteur considère que la philosophie a un grand rôle à jouer. Elle doit exercer son esprit critique pour mettre en doute les théories et les outils les plus établis parmi les scientifiques et les chercheurs.

Les intellectuels peuvent faire la différence en explorant de nouveaux horizons de pensée. Cependant, à l’ère des médias sociaux et de l’information en continu, le lecteur/spectateur est souvent perdu. Le rôle et la responsabilité du philosophe dans la vie intellectuelle sont dilués par les médias de masse.

Modèle fractal

Partie 4 — La fin

Chapitre 19 — Moitié-moitié, ou comment rendre la pareille au cygne noir

Ce chapitre est le seul chapitre de la partie 4. Le ton est plus conversationnel et moins didactique que dans les chapitres précédents. Il se fait plus personnel aussi. Et il propose des conseils aux lecteurs.

Il écrit par exemple : « La moitié du temps, je suis superficiel, l’autre moitié, je veux éviter la superficialité ». En fait, Taleb illustre la complexité de l’attitude qui consiste à reconnaître la puissance de l’imprévisible. En effet, les cygnes noirs nous invitent à une vision paradoxale de la vie.

Nous nous posons alors des questions telles que : « Comment puis-je profiter du moment présent tout en reconnaissant qu’un événement de type cygne noir pourrait se produire à tout moment et changer le monde ? »

Pour vivre à la fois dans la légèreté et la profondeur de ce savoir, Nassim Nicholas Taleb affirme qu’il importe de ne pas renier « les petites choses ». En vivant le moment présent, nous profitons du plus grand des cygnes noirs — la vie humaine elle-même.

Épilogue — Les cygnes blancs de Yevgenia

L’auteur revient enfin sur l’histoire de Yevgenia Krasnova, l’écrivaine fictive qu’il a inventée au début de l’ouvrage. Il raconte l’histoire de son deuxième roman, très attendu par ses (désormais) nombreux lecteurs. Le livre est un succès critique, mais un échec commercial. Malheureusement, son éditeur fait faillite.

Avec ce court récit, Nassim NIcholas Taleb montre que les cygnes noirs peuvent avoir des effets positifs ou négatifs. Et la différence ne réside pas seulement dans les résultats du cygne noir en tant que tels, mais aussi dans la façon dont les gens approchent et réagissent à la puissance de l’imprévisible.

Dans cet exemple, N. N. Taleb nous montre que la vision du monde de la romancière — qui est centrée sur l’espoir et l’acceptation des cygnes noirs — lui permet de faire la paix avec l’échec commercial de son roman.

La manière dont nous vivons les événements subjectivement est décisive. Lorsqu’il s’agit de notre bonheur, elle importe plus, sans doute, que les événements externes.

Cygne noir

Conclusion sur « Le Cygne Noir » de Nassim Nicholas Taleb :

Ce qu’il faut retenir de « Le Cygne Noir » de Nassim Nicholas Taleb :

Le Cygne Noir : la puissance de l’imprévisible (2007) a été écrit par Nassim Nicholas Taleb. Cet essayiste libano-américain est un ancien trader d’options reconverti à la philosophie.

Dans ce livre, comme dans sa série Incerto de façon plus générale, l’auteur explore le rôle des événements imprévisibles dans l’histoire humaine.

Nous pouvons nous rappeler deux enseignements en particulier :

  1. Nassim Nicholas Taleb soutient que les êtres humains ont tendance à oublier ou à simplifier la place de ces événements improbables ;
  2. Il cherche à nous aider à vivre avec le sentiment d’incertitude en nous montrant que celle-ci peut nous renforcer comme être humain et améliorer les diverses facettes de notre existence.

Ce penseur original utilise aussi bien des anecdotes personnelles et historiques, ainsi que des théories philosophiques parfois complexes, pour démontrer ses idées.

Si vous voulez continuer la lecture d’Incerto et de N. N. Taleb, consultez notre chronique d’Antifragile !

Points forts :

  • Une pensée riche, créative et complexe, qui donne des idées  ;
  • Des anecdotes intéressantes ;
  • Des prises de position fortes et parfois controversées ;
  • Une capacité à rendre accessibles certaines théories obscures.

Point faible :

  • Je n’en ai pas trouvé.

Ma note :

★★★★★

Avez-vous lu le livre de Nassim Nicholas Taleb « Le Cygne Noir » ? Combien le notez-vous ?

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