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4 000 semaines : la gestion du temps pour les mortels

Ciouverture de 4 000 semaines de Oliver Burkeman

Résumé de « 4 000 semaines : la gestion du temps pour les mortels » de Oliver Burkeman : un livre qui questionne les ouvrages de développement personnel et pose la question de la gestion du temps de façon plus philosophique et personnelle — à lire pour tous ceux qui veulent en finir avec les excès de la productivité et de la flexibilité !

Par Oliver Burkeman, 2021.

Titre original : « Four Thousand Weeks: Time Management for Mortals », 2021.

Chronique et résumé de « 4 000 semaines : la gestion du temps pour les mortels » de Oliver Burkeman

Introduction : sur la longue durée, nous sommes tous morts

Le croyez-vous ? Un être humain vit environ 4 000 semaines. Eh oui, si nous avons la chance de vivre jusqu’à 80 ans, c’est bien le nombre juste.

Cela vous semble peu ? À Oliver Burkeman aussi. Pour lui, cette durée est « effroyablement et outrageusement courte ».

Ce thème de la brièveté de la vie est un classique de la philosophie, de la spiritualité et de l’art. Depuis l’Antiquité, de nombreux intellectuels et artistes se sont intéressés à ce paradoxe : nous avons tant à faire, et pourtant si peu de temps pour réaliser tout ce que nous souhaiterions.

Le développement personnel, si en vogue aujourd’hui, peut-il contribuer à nous aider ? Après tout, un grand nombre d’entre eux abordent précisément cette question de la gestion du temps, et au-delà de la productivité.

Oliver Burkeman cite d’ailleurs un livre célèbre de développement personnel sur la gestion du temps : Getting things done (S’organiser pour réussir) de David Allen. Pourtant, l’auteur de 4 000 semaines entreprend aussi de le critiquer.

En effet, Oliver Burkeman considère que ce type d’ouvrages de self-help (nom du développement personnel en anglais) se trompent globalement. Pour lui, le livre de David Allen, comme d’autres, se concentre généralement sur les aspects les plus superficiels du problème, tels que :

  • Les routines matinales ;
  • La préparation de repas (batchcooking) ;
  • Le rangement ;
  • La création ou la tenue d’un agenda ;
  • Etc.

En résumé, selon eux, l’enjeu est l’organisation parfaite. Mais pour Olivier Burkerman, il faut aller plus loin. Notamment en s’intéressant de plus près à la philosophie et aux disciplines qui ont traditionnellement proposé des solutions à ce problème.

En fait, il faut placer la brièveté de l’existence humaine au cœur du sujet. Or, cela implique de questionner aussi le véritable sens de la vie. Comment agir, quelles actions privilégier, face à ce manque cruel de temps qui est notre lot commun ?

Voici la question que veut poser l’auteur et qui va, selon lui, au-delà du développement personnel classique.

La vie du côté passager

Profitons-nous vraiment du « temps libre » dégagé par la pléthore d’outils et d’applications qui nous promettent de nous faire gagner du temps ?

Et le gagnons-nous vraiment ? Certes, nous n’avons plus à laver la vaisselle (seulement à la ranger) et nous pouvons faire nos comptes beaucoup plus rapidement (à l’aide de programmes de gestion comptable, par exemple). Mais quelle est véritablement la qualité de ce temps « gagné » sur ces activités habituellement considérées comme inutiles et chronophages ?

En fait, nous ne profitons peut-être pas autant de cette liberté que nous le croyons. Peut-être même que nous ne nous sentons pas « plus libres » que les personnes qui vivaient au Moyen-Âge ou dans l’Antiquité… Selon l’auteur, cela est dû au fait que la vie s’est considérablement accélérée.

En fait, nous sommes confrontés à l’obligation sociale d’intégrer des quantités croissantes de tâches à réaliser dans un délai limité — le même que celui de tout individu depuis des générations. C’est même pire : plus nous en faisons, et plus nous avons le sentiment que nous devons en faire plus. Telle est notre « condition moderne ».

Être occupé (rappelons que business signifie littéralement être occupé, to be busy, en anglais) est devenu une valeur en soi ; quelque chose de positivement valorisé. Plus la société moderne augmente la richesse des populations, et plus des activités nouvelles voient le jour. Pris dans ce paysage, chacun de nous a beaucoup de mal à ralentir.

Nous vivons comme des passagers de nous-mêmes, conduits par des forces qui, elles, vont à tout allure. Mais où allons-nous, précisément ?

S’organiser pour réussir les mauvaises choses

Souvent, nos tentatives pour nous organiser échouent, car elles nous font faire de plus en plus de traces que nous ne voulons pas vraiment ou qui nous fatiguent encore plus. Nous pensons que le temps gagné doit avant tout être utilisé de façon productive au sens « rentable » du terme.

En réalité, nous téléchargeons des applications qui nous offrent quelques menus services, puis nous nous rendons compte que nous en faisons un usage qui nous « enferme » encore plus dans la répétition de cette logique. Nous passons ainsi nos journées, mais faisons-nous vraiment ce qui importe à nos yeux ?

Par exemple :

  • Passer du temps avec nos proches ;
  • Nous consacrer à une cause sociale ;
  • Développer un art ou une discipline qui nous tient vraiment à cœur ;
  • Etc.

Si nous voulons vraiment parvenir à agir en ce sens, alors il ne faut plus tourner autour du pot. Il faut accepter que la question de la gestion du temps s’étende bien au-delà de celle de la productivité.

Il faut prendre pleinement conscience que nous avons peu de temps et tourner cette connaissance difficile à notre avantage. Comment ? La suite de l’ouvrage nous le dira.

Citons donc ici la dernière phrase de l’introduction :

« Commençons par admettre la défaite : [L’organisation parfaite] n’arrivera jamais. Mais vous savez quoi ? C’est une excellente nouvelle. »

(4 000 semaines, Introduction)

Partie 1 — Choisir de choisir

Choisir de choisir, c'est connaître ses limites temporelles.

Chapitre 1 — Une vie qui embrasse ses propres limites

Durant de longues périodes de l’histoire, la sensation du temps était liée aux récoltes et aux tâches agricoles. Une fois la tâche terminée, la saison arrivée à son terme, venait le temps du repos. Les éléments naturels, dont le lever et le coucher du soleil, rythmaient la vie des gens.

Autrement dit, le temps était perçu à partir des tâches à accomplir et de l’environnement. Aujourd’hui, c’est l’horloge, au temps homogène, qui dirige les activités. Nous ne nous préoccupons plus des saisons ni de la durée interne d’un travail ; nous rapportons tout aux secondes, aux minutes et aux heures.

Auparavant, temps et vie allaient de pair. Une activité donnée, par exemple traire des vaches ou récolter des cultures, s’exerçait au « bon moment », c’est-à-dire quand il le fallait pour survivre. Cette façon de penser le temps et la vie permet de vivre dans l’instant présent.

Cela est plus difficile aujourd’hui, car nous pensons avoir un temps sans limites. Le temps des horloges passe que nous soyons là ou non. Nous avons le sentiment de courir après lui et nous avons souvent la sensation d’être « submergé » par lui.

Le temps avant les calendriers

Bien sûr, l’expérience médiévale et agricole du temps a ses limites. Dans les villes, notamment, nous devons pouvoir nous coordonner les uns aux autres. Nous devons nous accorder sur une mesure commune pour agir de concert.

Ce sont d’ailleurs les moines du Moyen-Âge qui ont inventé les premières horloges mécaniques pour organiser le culte dans leurs monastères. Ce faisant, ils ont aussi créé une notion de temps selon laquelle il est « une chose abstraite avec une existence indépendante, distincte des activités spécifiques » que nous exerçons.

La fin de l’éternité

Dans 4 000 semaines, Oliver Burkeman continue cette fresque historique en montrant que la vision du temps se modifie encore davantage à partir de la Révolution industrielle. Peu à peu, le temps est découpé de façon encore plus générale et uniformisée.

La semaine de six jours (plus une de repos) et la notion d’heures de travail fixes commencent à dominer l’expérience des gens. À partir des Temps modernes, le temps devient une ressource comme une autre, qu’il faut « employer » à bon escient et éviter de gaspiller.

Pour l’auteur, c’est là le début de l’anxiété que nous vivons encore aujourd’hui. Chaque moment devient une opportunité, et il nous appartient à nous seuls de savoir la saisir. C’est une responsabilité immense qui entraîne aussi beaucoup d’angoisse.

Nous ne pouvons nous empêcher de nous projeter et d’organiser notre temps de la façon la plus efficace possible. Nous voulons profiter de chaque « parcelle » de temps dont nous disposons. Malheureusement, cette approche nous enferme dans le futur et nous empêche de simplement profiter de l’instant présent.

Confessions d’un geek de la productivité

Ne vous trompez pas ! Oliver Burkeman ne pense pas être au-dessus des autres sur ces sujets. Dans cette section, il avoue avoir lui-même passé des années à essayer de maîtriser son temps. Il a même tenu une chronique de journal dans laquelle il s’est évertué à « tester » chaque nouvelle mode en matière de gestion du temps.

Mais il a remarqué quelque chose : il devenait de plus en plus stressé ! Il voulait accomplir toujours plus. Et c’est là que lui est venue sa « révélation » : un jour, il s’est rendu compte que cela lui serait impossible. Il a donc décidé de changer son fusil d’épaule et de trouver une autre voie, plus sereine.

Être sans cesse occupé ne nous aide pas à avoir une vie bonne et heureuse. Nous évitons constamment la question de nos limites. Nous croyons, au contraire, que « tout est possible ». Mais c’est faux. Nous devons apprendre à nous défaire de ce désir de contrôle permanent.

Pour le dire autrement : nous nous noyons dans le travail pour échapper aux questions existentielles qui nous travaillent presque malgré nous. Pourtant, nier la réalité ne fonctionne pas, ou du moins pas très longtemps.

Un souffle glacé de réalité

Oliver Burkeman en tire une maxime ou plutôt ce qu’il appelle le « paradoxe de la limitation » qui dit que :

  • Plus nous essayons de tout adapter à l’objectif de la maîtrise du temps ;
  • Plus nos vies deviennent insatisfaites.

Être capable de prendre du recul et d’accepter ce paradoxe nous aide à changer de voie. Non, nous n’aurons jamais le temps de faire tout ce que nous voulons ! Oui, nous devons faire des choix difficiles au sujet du temps que nous allons allouer pour chaque chose !

Et ce sentiment de réalité n’est pas négatif. En fait, choisir une voie en conscience, en sachant que nous allons perdre d’autres choses, nous permet de valoriser le chemin que nous avons choisi à sa pleine valeur.

Cette façon de penser les choses nous oblige à penser à ce que nous voulons vraiment et ce qui est le plus précieux à nos yeux.

Chapitre 2 — Le piège de l’efficacité

Être constamment occupé : voilà bien une affliction moderne qui affecte tout le monde, et cela dans toutes les classes socio-économiques ! Du ministre au coursier Uber, tout le monde se sent désespérément « tenu » par le temps.

Chacun d’entre nous refuse pourtant d’admettre la vérité énoncée plu haut. À la place, nous cherchons à optimiser notre temps en dégageant du temps pour faire tout ce que nous souhaitons faire. Nous dégageons du temps pour apprendre l’espagnol dans notre salle de bain ou écouter des podcasts dans notre voiture, etc.

Nous voulons tout faire !

Et nous pensons qu’il suffit de trouver plus de temps pour accomplir toutes ces choses auxquelles nous aspirons. C’est là le piège de l’efficacité qui nous empêche, encore une fois, de nous mettre face à notre humaine — et mortelle — condition.

La boîte mail de Sisyphe

L’un des premiers livres de gestion du temps a été Comment vivre 24 heures par jour (How to Live on 24 Hours a Day) de l’écrivain anglais Arnold Bennet (1908). Comme certains spécialistes du développement personnel aujourd’hui, Arnold Bennet incitait ses lecteurs à tirer le meilleur parti de leur quota quotidien de 24 heures en arrêtant de procrastiner ou de se plaindre.

Suffit-il de trouver des stratégies pour faire tout ce que nous voulons ? Nous l’avons compris, pour Oliver Burkeman, la réponse est non. Non seulement car cela nous donne la sensation d’avoir toujours plus à faire, mais aussi parce qu’il y a plein de choses qu’au fond, nous ne voulons pas vraiment, nous ne ferons pas et n’avons pas à faire.

Plutôt que de tourner en rond de façon absurde en cherchant sans cesse la meilleure manière d’optimiser la gestion de notre boîte mail (exemple donné par l’auteur), préférons une bonne réflexion sur ce que nous voulons vraiment.

La to-do list sans fond

La seule façon d’être libre n’est pas de trouver de bonnes stratégies, mais d’accepter que nous devions faire des choix difficiles sur la façon de passer notre temps. Bien sûr, ce sens du sacrifice ne cadre pas vraiment avec le mantra moderne de l’acquisition et de la consommation effrénée.

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Les technologies modernes telles qu’Internet nous promettent de prendre le contrôle sur nos tâches, mais elles augmentent aussi le nombre de tâches que nous devons accomplir. Pourquoi ? Parce qu’elles nous donnent l’impression que nous pouvons toujours « ajouter » une tâche supplémentaire dans un créneau de temps libre.

Cela crée une to-do list sans fond.

Il est intéressant de comparer, à ce titre, l’expérience moderne à l’expérience dite « prémoderne » du Moyen-Âge ou de l’Antiquité. Les philosophes stoïciens, par exemple, imaginaient le temps comme un éternel retour. Dans ce cadre, pas besoin de courir ; il importe bien davantage de savoir quelle est notre place dans ce monde.

Pourquoi vous devriez arrêter de parer au plus pressé

Une autre idée courante parmi les auteurs de développement personnel est que nous devrions parer aux tâches les plus urgentes en premier lieu, puis nous occuper de ce qui compte le plus pour nous.

C’est une erreur ! De cette façon, vous êtes sûr de ne jamais parvenir à réaliser les activités qui sont vraiment significatives pour vous. Vous êtes sans cesse pris dans cette liste interminable ou ce travail de Sisyphe absurde.

Quelle est réellement la tâche que vous devriez effectuer en premier lieu ? Traiter ce mail ou aller voir votre frère malade (pour ne donner qu’un exemple) ? Oliver Burkeman adopte une approche originale et nous incite à réorganiser nos activités à partir de ce qui a le plus de valeur à nos yeux.

Les écueils du confort

Nous pensons « économiser » du temps et gagner en confort. De nombreuses applications vendent d’ailleurs leurs services de cette façon : plus vous utilisez notre (magnifique) produit, plus vous gagnerez du temps pour ce qui a du sens et de l’intérêt. Mais est-ce le cas ?

D’une part, il importe de se rendre compte que ces façons de nous faire gagner du temps posent problème au niveau social. Par exemple, utiliser les services d’Uber implique de souscrire à son modèle de rémunération précaire.

Autre cas : envoyer une carte d’anniversaire électronique peut sembler anodin. Pourtant, vous évitez de ce fait de soutenir les libraires locaux et de prendre du temps pour écrire quelques mots vous-même. Quel est le geste qui est le plus dénué de sens, ici ?

Voulons-nous vraiment que tout soit « facile » ? Voulons-nous réellement vivre des vies entièrement « confortables » ? Quel est le prix du confort ? Ce sont ces questions que nous devrions nous poser.

La culture du confort peut nous conduire là où nous ne voudrions pas forcément être. Pensez à Netflix. Il est facile de rester dans son canapé. Mais ne préférons-nous pas aller au cinéma entre amis ?

La réponse n’est pas nécessairement facile à donner à chaque fois, mais nous devrions à minima penser à nous poser la question le plus souvent possible.

Chapitre 3 — Faire face à la finitude

faire face à la finitude : nous avons un temps donné.

Dans 4 000 semaines, l’auteur cherche des ressources dans la philosophie contemporaine. Il introduit rapidement à la pensée du philosophe allemand Martin Heidegger. Dans son livre majeur, Être et Temps (1927), celui-ci affirme que le temps doit devenir la dimension essentielle de la vie humaine.

Jetés dans le temps

Martin Heidegger considère que nous « sommes un temps limité ». En d’autres termes, nous ne possédons pas le temps comme une ressource, mais nous sommes des êtres temporels. Cet état nous définit comme êtres vivants et humains.

Cette perspective heideggerienne sur le temps a l’avantage de nous faire prendre conscience de nos limites. C’est parce que nous avons un terme, une limite donnée — bref que nous sommes des êtres temporellement limités — que nous devons réfléchir à la question du sens de notre existence.

La plupart du temps, nous optons pour une myriade de distractions, mais est-ce là un choix « authentique » ? Telle est l’un des problèmes que pose Martin Heidegger.

Devenir concret

Oliver Burkeman poursuit son argumentation à partir du livre This Life (2019), du philosophe suédois Martin Hägglund. Celui-ci soutient que la finitude de la vie est ce qui lui donne son sens.

En fait, si nous pensions que rien ne finirait jamais, alors rien ne pourrait vraiment avoir d’importance.

Les personnes qui croient en la vie éternelle et ceux qui pensent qu’ils peuvent organiser leur vie parfaitement sont « dans le déni ». Rien n’est véritablement en jeu pour eux.

Pour devenir concrets, nous avons besoin d’accepter la certitude de notre mort. C’est ce que disent aussi les stoïciens et certains psychologues comme le psychologue espagnol Rafael Santandreu, d’ailleurs.

Nous n’avons que du temps prêté

À ce sujet, le cas des expériences de mort imminente est particulièrement troublant. Oliver Burkeman soutient que les personnes ayant vécu ce type d’événement développent une relation plus authentique et plus précieuse avec le temps. En prenant conscience de leur fragilité, ils apprécient chaque moment et apprennent à donner la priorité aux choses qui comptent le plus.

Toutes ces réflexions nous mènent vers une conclusion : la vie et le temps ne nous appartiennent pas. Nous sommes en vie pour un temps donné ou, plus exactement, « prêté » — puisque celui-ci nous sera enlevé à un certain moment.

Cela doit-il nous rendre insatisfaits ? Non, car nous pourrions tout aussi bien, à la place, ressentir de la gratitude pour le fait que nous ayons reçu ce temps à vivre. En un sens, l’existence a quelque chose de miraculeux. Nous pouvons donc affirmer notre vie avec joie même si celle-ci est fragile et limitée.

Chapitre 4 — Devenir un meilleur procrastinateur

Pour résumer, Oliver Burkeman soutient que la gestion de notre temps ne concerne pas seulement ce que nous devons faire, mais aussi — et surtout — ce que nous devons laisser de côté.

Oliver Burkeman attire l’attention sur le livre de Stephen Covey de 1994, Priorité aux priorités (First Things First). Celui-ci enseigne qu’il faut faire les tâches les plus importantes en premier, puis les plus triviales.

Mais comment faire quand, comme aujourd’hui, nous sommes faces à une foule d’actions importantes à mener en parallèle ? C’est impossible.

En fait, dit Oliver Burkeman, la solution de Stephen Covey ne fonctionne pas. Le vrai problème de la gestion du temps est de se rendre capable de décider entre ce qui sera fait et ce qui ne le sera pas.

L’art de la négligence créative

Oliver Burkeman commence par citer quelques stratégies de remplacement.

Jessica Abel, par exemple, conseille simplement de prendre le temps, au début de la journée, pour accomplir le projet qui vous tient le plus à cœur, même si cela signifie négliger d’autres tâches importantes.

Il fait également valoir que nous devrions limiter la prise en charge de plusieurs projets. Souvent, nous nous investissons dans trop de projets et nous n’en finissons aucun (ou aucun de manière véritablement satisfaisante).

Au lieu de cela, nous devrions nous tenir à la leçon suivante : terminer le projet en cours avant d’en entamer un autre. C’est aussi l’occasion de réapprendre une chose : notre capacité de travail est limitée.

Perfection et paralysie

Les bons procrastinateurs acceptent qu’ils n’accomplissent jamais tout. Ils savent qu’ils doivent faire des choix. Les mauvais procrastinateurs, quant à eux, ils sont paralysés par l’idée d’abandonner quoi que ce soit, parce que cela signifierait faire face à leurs limites.

Ce type de procrastination apparaît dans toutes les sphères de la vie quotidienne :

  • Professionnelle ;
  • Amoureuse ;
  • Sociale ;
  • Etc.

Henri Bergson, le célèbre philosophe français du début du XXe siècle, donne une réponse à la question du procrastinateur : pourquoi reportons-nous les choses à demain ? Selon lui, c’est parce que nous aimons plus que tout imaginer un avenir luxuriant où tous nos rêves restent possibles.

Pour sortir de ce perfectionnisme et de cette paralysie, il importe d’oser agir et de faire des choix, en ayant conscience que ceux-ci impliquent des sacrifices.

L’inévitable enracinement

Prenons un exemple en matière d’amour. Vous pouvez chercher infiniment à trouver le partenaire parfait. Vous sauterez de relation en relation sans vous attacher jamais. Pour vous, c’est comme si la vie n’avait pas de fin et que vous aviez l’éternité pour trouver chaussure à votre pied.

Mais est-ce bien la solution ? N’est-ce pas là être obsédé par des chimères ?

Dans le domaine des relations de couple, il importe aussi d’accepter les défauts de son partenaire et de reconnaître nos limites réciproques. Celui qui a peur de l’engagement préfère rester dans l’idéalisation.

Nous pouvons passer des années à hésiter sur le chemin à prendre. Pourtant, une fois la décision prise, la plupart d’entre nous éprouvent un soulagement et découvrent qu’ils aiment finalement s’engager et s’enraciner quelque part.

Selon Oliver Burkeman, c’est parce que :

« Lorsque vous ne pouvez plus revenir en arrière, l’anxiété disparaît parce que, désormais, il n’y a qu’une seule direction à prendre : aller de l’avant en faisant face aux conséquences de votre choix. »

(4 000 semaines, Chapitre 4)

Chapitre 5 — Le problème de la pastèque

Un autre problème très actuel lié à la gestion du temps est celui de la distraction. L’auteur prend l’exemple d’une vidéo absurde sur BuzzFeed où une pastèque explose : 3 millions de vues !

Comment expliquer qu’autant de personnes perdent leur temps à regarder de tels contenus ridicules ?

Prenons d’abord le temps d’une définition. La distraction peut être définie comme le fait de consacrer notre temps et notre attention limités à des activités dans lesquelles nous n’avons jamais eu l’intention de nous engager — par opposition à nos passions.

L’avènement d’Internet et des médias sociaux a placé la distraction au premier plan. Et, en fait, c’est bien là un enjeu de taille. La personne qui regarde une pastèque exploser choisit-elle vraiment de regarder cela plutôt qu’un documentaire ou faire quelque chose de plus intéressant ?

La réponse est en grande partie non. Nous sommes aujourd’hui happés par des mécanismes savamment construits pour détourner notre attention.

Auparavant, nous pensions globalement que la personne distraite pouvait choisir sa distraction. Par exemple, je peux choisir de prendre un bain de soleil au lieu de me plonger dans mon travail.

Mais avec les réseaux sociaux, l’attention devient une ressource dont les entreprises cherchent à tirer profit. Plus nous nous distrayons, et plus elles gagnent de l’argent en glissant, par-ci par-là, des publicités sous nos yeux.

Une machine peut faire mauvais usage de votre vie

Comment ? En personnalisant sans cesse le contenu et en nous maintenant en état d’alerte grâce aux notifications.

En surface, nous pouvons croire que la solution consiste à se doter d’outils ou de techniques permettant de minimiser la distraction en ligne. Par exemple :

  • Mise en pause des notifications :
  • Applications de blocage des publicités (ad blockers) ;
  • Ou même la méditation.

Cependant, ces solutions ne vont pas à la racine du problème. En réalité, la maîtrise complète de l’attention d’une personne est impossible.

Pourquoi ? Car nous sommes programmés par l’évolution biologique pour répondre aux signaux d’alerte. Et c’est très bien ainsi ! Nous ne pouvons négliger que le bus est sur le point d’arriver ou qu’un enfant crie au secours.

Par ailleurs, la distraction offre de beaux moments. Nous sommes parfois surpris par un beau coucher de soleil ou par le regard mystérieux et sympathique d’un ou d’une inconnue. En soi, toute distraction n’est donc pas à empêcher.

Toutefois, il est important de noter les conséquences de la distraction en ligne. Celles-ci ne se limitent pas à une heure perdue de temps en temps. En fait, les capacités de prédiction des algorithmes entraînent des effets plus graves et plus directement politiques.

Par exemple, la tendance à suivre des contenus de plus en plus filtrés et choquants sur certains thèmes nous conduit à adopter des positions extrêmes. Nous devenons de plus en plus irritables et pouvons nous fâcher avec notre famille, nos amis, voire — plus inquiétant — prendre en grippe la société tout entière.

Si ce thème vous intéresse, vous pourriez aussi aimer la chronique du livre de Sébastien Bohler, Le bug humain ou celui de Pascal Bronner, Apocalypse cognitive.

Chapitre 6 — L’interrupteur intime

Dans 4 000 semaines, Oliver Burkeman insiste sur le courage de faire face au présent. L’auteur soutient que la distraction est un moyen de fuir cet inconfort ressenti avec le moment présent tel qu’il est.

Si les réseaux sociaux cherchent à nous manipuler et à gagner notre attention, nous collaborons avec eux souvent de bonne grâce. Oui, une partie interne de nous-mêmes nous éloigne des tâches que nous voulons accomplir. Pourquoi ? Car nous aimons la facilité !

Et c’est un paradoxe important :

  • Lorsque nous sommes engagés dans une tâche significative qui ajoute une réelle valeur à nos vies ;
  • Nous éprouvons en même temps un sentiment d’ennui parfois si désagréables que nous ferions presque tout pour que celui-ci disparaisse.
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Or cet ennui est capital, car il signale nos limites. Si nous nous ennuyons, c’est peut-être parce que nous sommes face à de l’incertitude et à notre propre fragilité : allons-nous réussir ? Comment allons-nous surmonter cette difficulté, cet obstacle qui se dresse devant notre désir ?

L’inconfort de ce qui compte

En « succombant » à la distraction, nous évacuons d’un trait ces peurs et ces angoisses que révèle l’ennui. En vaquant à des occupations sans importance, nous nous redonnons l’illusion de l’infini et de la compétence. Nous retournons dans notre zone de confort.

La solution n’est pas aisée. Elle passe par une reconnaissance de l’inconfort lié à l’ennui. Pour Olivier Burkeman, nous devons :

  • Faire face et tourner notre attention consciemment vers ce qui nous pose problème dans le moment présent, afin de chercher à résoudre la tension.
  • En même temps, reconnaître que nous ne pouvons pas déterminer complètement le résultat des événements. Nous agissons au mieux, mais sans garantie de succès.

Cette attitude permet d’avancer dans l’inconfort et dans l’incertitude.

Partie 2 — Au-delà du contrôle

La spirale infernale de la productivité

Chapitre 7 — Nous n’avons jamais réellement le temps

Le spécialiste de la cognition Douglas Hofstader a établi une loi simple : chaque tâche prend plus de temps que prévu. Oliver Burkeman abonde dans ce sens. Pour lui, c’est le signe que le temps ne peut pas être complètement contrôlé.

Tout peut arriver

L’auteur raconte des anecdotes de famille. Il vient, dit-il, d’une famille de planificateurs obsessionnels ! Chaque membre de sa famille aime ressentir ce sentiment de contrôle sur l’avenir.

Pour lui, l’origine de cette tendance comportementale familiale est liée à la Seconde Guerre mondiale, lorsque sa grand-mère parvint à fuir l’Allemagne avant les premières grandes déportations organisées par le gouvernement nazi.

L’anxiété profonde de sa grand-mère devant ce qui pourrait se passer a été transmise de génération en génération. Pour elle, l’important était de prédire ce qui allait se passer et de maîtriser sa destinée dans un moment crucial.

Même si, aujourd’hui, le danger n’est plus mortel, la crainte et le besoin de contrôle demeurent. C’est le cas de sa grand-mère, mais aussi de ses parents et du reste de sa famille.

S’occuper de ses affaires

« Le planificateur obsessionnel […] exige que des gages de sécurité lui soient donnés au sujet de l’avenir — mais l’avenir n’est justement pas le genre d’objet qui peut lui fournir l’assurance dont il a envie ! »

(4 000 semaines, Chapitre 7)

Pourquoi ? Car l’avenir est par nature incertain. C’est d’ailleurs également ce que dit le célèbre statisticien Nicholas Nassim Taleb dans ses livres, que ce soit Le Cygne noir ou Antifragile.

Êtes-vous inquiet ? Pensez-vous que c’est en prédisant quelque chose que vous éviterez que cela se passe mal ? C’est une erreur logique. Vous ne pouvez pas contrôler l’avenir en établissant des plans. L’imprévu fait intégralement partie de la vie.

Il faut en tirer une conclusion : il n’y a aucune garantie que nous serons en mesure d’utiliser le temps comme nous l’avions prévu. Et il se peut que nous ayons beaucoup moins à vivre que les 4 000 semaines annoncées au début du livre.

Si nous examinons nos vies rétrospectivement, nous pouvons nous rendre compte du côté absurde de la prévision. Posez-vous la question : votre vie s’est-elle déroulée telle que vous l’aviez prévue ? La réponse est sans doute non !

Notre existence est le fruit de circonstances que nous n’avions pas prévues et d’occasions fortuites. Certes, nous avons pris des décisions, mais toujours sur la base de ce « terrain mouvant ».

Y a-t-il de quoi être rassuré, alors ?

Bien sûr, car l’acceptation de l’incertitude nous dégage de l’obligation de tout contrôler et, donc, de l’anxiété qui lui est liée. Qui plus est, il n’est pas question de ne faire aucun plan, mais simplement de se rappeler que ceux-ci sont des aide-mémoires, susceptibles de changement.

Chapitre 8 — Vous êtes ici

You are here !
La catastrophe causale

Nous instrumentalisons le temps en le considérant comme ce qui nous mène vers une plus grande récompense, un plus grand succès, etc.

« Vous vous concentrez sur l’endroit où vous vous dirigez, au détriment de vous concentrer sur l’endroit où vous êtes ».

(4 000 semaines, Chapitre 8)

Cette « instrumentalisation » perpétue l’illusion dommageable d’une satisfaction à venir et d’un contrôle total. Ce faisant, nous estimons que le présent n’est jamais satisfaisant et nous propulsons l’épanouissement personnel dans un avenir idéalisé.

La dernière fois

Oliver Burkeman s’est rendu compte qu’il vivait lui-même selon cet état d’esprit orienté vers l’avenir lorsqu’il est devenu père. Il a constaté que les manuels qu’il lisait sur le sujet tombaient tous sous le coup de cette façon de voir le monde.

En effet, les manuels destinés aux parents considèrent que le présent du nourrisson doit être utilisé comme un tremplin vers leur avenir. Objectif : donner la priorité à la formation de l’enfant pour qu’il soit un adulte prospère.

Mais ce n’est pas l’avis de l’auteur. Pour lui, il est préférable de vivre chaque instant avec son enfant. Les expériences que celui-ci vit sont une découverte constante. L’enfant est « pure présence » et non une projection vers l’avenir.

Présent, mais absent

L’orientation vers l’avenir au détriment du présent ne se produit pas seulement au niveau individuel, mais aussi au niveau sociétal. À force de rechercher le profit ou la perfection, nous nous « absentons » de l’instant présent.

Pour certains spécialistes du développement personnel, la méditation de pleine conscience semble être la solution pour enfin « savourer le moment ». Pour Oliver Burkeman, c’est un peu plus compliqué.

En fait, il arrive souvent que nous recherchions désespérément à nous concentrer pour accomplir les exigences de la méditation. Dans ces cas-là, tout ce que nous réussissons à faire est à créer un fossé entre le vécu réel et ce que nous voulons vivre dans le présent.

L’auteur propose une option à la fois plus simple et plus directe, mais peut-être pas moins aisée : accepter simplement que nous vivons dans le présent, que cela nous plaise ou non.

Chapitre 9 — Redécouvrir le repos

Le déclin du plaisir

Les philosophes de l’Antiquité pensaient bien différemment. Il est vrai que pour eux, le travail était dévalorisé ; il s’agissait d’une dégradation. Avoir du temps libre (et être libre) signifiait se dédier entièrement à l’étude de soi et du monde. C’est ce qu’ils nommaient la contemplation.

À l’époque médiévale, le rythme de l’existence était en grande partie dicté par la religion : le dimanche, les jours fériés, etc. sont en partie des reliques de cette époque. Certaines périodes étaient dédiées au jeûne, d’autres à l’engagement communautaire, d’autres encore à la prière. Bref, le temps libre était prescrit et faisait sens de façon collective.

Et aujourd’hui ?

Même notre temps libre doit faire l’objet d’un contrôle accru. C’est étrange, mais nous organisons de plus en plus notre temps hors travail comme le temps de travail lui-même. Il existe une pression sociale à « rentabiliser » individuellement ce temps disponible du mieux possible.

Résultat : stress, stress et encore stress au bout du compte ! Ce qui devait être un temps de loisir et de plaisir devient une sorte de corvée. Paradoxal, non ?

La productivité pathologique

Avec l’industrialisation et la quantification du temps (comptabilisé à partir des horloges), le temps libre devient un « temps utile ». L’ouvrier veut faire ce qu’il veut quand il n’est pas soumis à la loi du patron. Mais ce qu’il veut, bien souvent, c’est s’améliorer (ou améliorer ses biens).

Cette tendance à prendre le temps libre pour un temps où l’individu doit s’occuper de lui-même, de sa famille et de ses biens est typique de la modernité. Mais il engendre une forme de « productivité pathologique ».

Dans 4 000 semaines, Oliver Burkeman soutient en effet que si nous ne nous permettons pas de perdre du temps et d’être inactifs, alors nous ne nous permettons pas du tout de nous libérer. Nous sommes juste pris dans une forme stressante de développement personnel.

D’où vient ce phénomène ? En partie dans ce que le célèbre sociologue allemand Max Weber a nommé dans l’un de ces livres célèbres « l’éthique de travail protestante ». Qu’est-ce que c’est ?

En résumé, il s’agit d’une manière de voir le monde qui a émergé dans les cercles calvinistes d’Europe du Nord. Parmi ceux-ci, beaucoup ont immigré aux États-Unis. L’idée de base est la suivante : travailler dur et accumuler des biens est le signe de la moralité et de l’élection divine. Au jour du Jugement dernier, seuls ceux qui auront travaillé dur seront sauvés !

Bien que nous ne nous reconnaissions pas nécessairement dans cet esprit religieux, notre mentalité a été construite à partir de telles idées, qui sont passées dans la culture populaire (via des romans et des films, notamment).

Nous pensons malgré nous que si nous optimisons constamment notre temps, nous ne ressentirons pas le besoin de justifier notre existence ; nous nous sentirons valorisés, reconnus et aimés par nos proches.

Règles pour le repos

Alors, comment retrouver le repos ? Premier point mis en avant par l’auteur : se rappeler que l’avenir est incertain (voir le chapitre précédent). En conséquence : cesser de le surinvestir et profiter du temps présent tel qu’il se donne, là, maintenant.

Oliver Burkeman conseille aussi de se reposer sans attendre d’être « tout à fait » bien. Lorsque nous cherchons le bon moment, la bonne position, etc., nous revenons à ce petit démon de la perfection. Sentons-nous plutôt maladroits, avec quelques douleurs, mais sentons-nous bien malgré tout, dit l’auteur.

Oliver Buckerman dit aussi qu’il adore randonner. Il propose de s’adonner à cette activité comme une fin en soi. C’est-à-dire ? Eh bien comme une activité que vous faites sans autre but que marcher et explorer le monde.

Rod Steward, radical

L’auteur prend également l’exemple du célèbre rockeur. Dans son temps libre, celui-ci assemble un train miniature. Et il se passionne pour cette activité depuis des années ! Pas très sexy, pour une rock star ? Il s’en fiche et avoue même n’être pas très bon à cela !

Voici donc un conseil qui prolonge ce qui précède : jouer ou plutôt prendre plaisir à des passe-temps non productifs où nous ne ressentons pas l’obligation d’exceller. Dans une société fondée sur le perfectionnisme et l’abstraction d’un avenir parfait, agir par pur plaisir devient un luxe presque inconcevable !

Pourquoi ? Car cela nous oblige à nous concentrer sur l’existence réelle et ses processus, plutôt que sur les bénéfices attendus qui sont toujours reportés à… demain.

Chapitre 10 — La spirale de l’impatience

Échapper à la vitesse

Voilà un nouveau constat ironique :

  • La technologie moderne réduit les temps d’attente (voyage, communications, etc.).
  • Et pourtant, nous sommes plus impatients que jamais !

Nous sommes frustrés par notre incapacité à accomplir des tâches difficiles dans le temps que nous nous donnons. Pourquoi ? Peut-être parce que nous éprouvons comme désagréable le fait de ne pas avoir un contrôle total des événements, malgré les technologies toujours plus « efficaces » qui sont mises à notre disposition.

La société dans son ensemble devient de plus en plus impatiente et rapide. Les attentes en matière d’efficacité dans des domaines tels que le travail ont augmenté. La pression augmente sur les employés.

Vous devez arrêter, mais vous ne pouvez pas vous arrêter

La lecture est l’un des domaines qui souffrent le plus de cette impatience contemporaine généralisée. De nombreuses personnes se plaignent de ne pas avoir le temps de lire. Pourtant, ils sont rapidement frustrés quand ils se mettent à lire, car ils se rendent compte qu’un texte « prend du temps ».

Oui, chaque texte a sa propre durée. Pour le saisir pleinement, nous devons abandonner nos propres attentes de satisfaction instantanée et nous plonger dedans avec attention.

Fait intéressant : la psychothérapeute de la Silicon Valley Stephanie Brown a découvert que de nombreux patients à elle souffraient d’une dépendance à la vitesse. Tout comme un alcoolique utilise l’alcool pour évacuer des sentiments difficiles, les accros à la vitesse cherchent à éviter la douleur émotionnelle en se ruant sur de nombreuses activités.

Dans une certaine mesure, c’est ce que nous faisons tous. Nous avons trop peur de perdre le rythme et de nous laisser distancer. Pour gérer ce sentiment désagréable, nous cherchons à reprendre le contrôle et à faire toujours mieux.

Malheureusement, cela génère une spirale addictive qui peut avoir un impact négatif aussi bien sur nos relations que sur notre santé. Contrairement à l’alcoolisme, cette dépendance à la vitesse est socialement acceptée et valorisée, ce qui la rend encore plus compliquée à gérer.

Pour se rétablir, Oliver Burkeman préconise :

  • Accepter la vérité selon laquelle les tâches prennent plus de temps que ce que vous ne pensez ou souhaiteriez ;
  • Reconnaitre que vous aurez toujours besoin de courir plus vite une fois que vous commencez à entrer dans cette spirale infernale.

L’anxiété face aux tâches chronophages diminue considérablement lorsque vous acceptez le processus qu’elles impliquent. C’est alors que vous pourrez acquérir ce « superpouvoir » mal aimé… la patience !

Les lecteurs de cet article ont également lu :  GTD, Mise en pratique - 1

Chapitre 11 — Rester dans le bus

Regarder et attendre

Voilà bien une qualité sous-estimée dans la société occidentale. La patience semble impliquer la passivité, voire la fainéantise. Nous cherchons au contraire à forcer les événements pour obtenir ce que nous voulons. C’est cette attitude proactive qui est valorisée.

Pourtant, Oliver Burkeman affirme dans 4 000 semaines que « la patience devient une forme de pouvoir ». Ceux qui prennent le temps dont ils ont besoin pour faire un travail significatif obtiennent une satisfaction plus durable aussi bien pendant la réalisation du projet qu’une fois le résultat accompli.

L’auteur donne l’exemple de Jennifer Roberts, professeure d’histoire de l’art à Harvard. Celle-ci confie à ses étudiants la tâche ardue de regarder le même tableau pendant trois heures d’affilée.

Pourquoi ? Car cette tâche encourage les jeunes gens à regarder la peinture et à s’imprégner de son atmosphère. Ils remarqueront des éléments nouveaux qu’ils n’auraient pas pris en compte autrement.

Le psychothérapeute M. Scott Peck observe quant à lui notre inconfort face à l’attente. Il affirme que :

« Nous sommes tellement mal à l’aise avec l’expérience du déroulement naturel de la réalité que lorsque nous sommes confrontés à un problème, nous courons au plus vite vers une résolution — n’importe quelle solution, pourvu que nous puissions nous dire que nous y faisons « face », et ainsi avoir le sentiment de l’avoir sous contrôle. »

(Scott Peck dans The Road Less Travelled [1978], cité dans 4000 semaines, Chapitre 11)
Trois principes de patience
  • La première solution proposée par Oliver Burkeman consiste à « développer le goût des problèmes ». Plutôt que de nous précipiter vers la sortie, nous ferions mieux d’accepter le fait que la douleur, le mystère et les énigmes à résoudre font partie de la condition humaine.
  • Deuxième proposition : l’incrémentalisme radical. C’est-à-dire ? Avancer par petits pas quotidiens, sans en faire trop en une fois. Habituez-vous à attendre jusqu’à demain pour continuer votre tâche. Cela vous permet de ne pas forcer et de laisser advenir naturellement la créativité.
  • Enfin, l’auteur rapporte le principe du photographe finno-américain Arno Minkkinen. Celui-ci suggère de « rester dans le bus ». Qu’entend-il par là ? Dans le domaine de la création, rester dans le bus signifie accepter la période où notre production sera médiocre et dérivée, et cheminer à travers cela jusqu’à parvenir au point d’originalité souhaité.

Chapitre 12 — La solitude du digital nomad

Le digital nomad peut souffrir de la solitude
Synchronisation et désynchronisation

Aujourd’hui, de nombreux conseils de spécialistes du numérique prônent le fonctionnement asynchrone. En soi, il est tout à fait positif de pouvoir choisir ses horaires. Mais cela pose néanmoins quelques problèmes.

Pour Oliver Burkeman, l’un des dangers du digital nomadism (nomadisme numérique en bon français) et du travail asynchrone est la solitude. Il met en avant le fait que certaines des activités les plus importantes de la vie sociale nécessitent la synchronisation :

  • Se faire des amis ;
  • Élever des enfants ;
  • S’engager politiquement ;
  • ET même faire du business.

Tout ne peut donc pas être « asynchrone ». Nous devons pouvoir nous coordonner avec autrui, échanger en direct, etc.

Dans les sociétés prémodernes, l’ostracisation — le fait d’être forcé de rester à l’écart de la communauté — était l’une des plus grandes punitions. Aujourd’hui, la société moderne célèbre cette atomisation des relations et la distanciation de chacun vis-à-vis de chacun. Nous ne créons plus de rythmes communs.

La figure du nomade numérique est exemplaire de ces transformations, puisque celui-ci peut théoriquement choisir son emploi du temps en fonction de ses caprices et travailler à partir de n’importe quel endroit dans le monde.

L’auteur souligne pour terminer que le terme « nomade numérique » est trompeur. En effet, les nomades d’origine n’étaient pas des vagabonds solitaires. Ils voyageaient en groupe.

Nous pouvons constater que les relations professionnelles et personnelles souffrent d’un manque de « rythmes partagés ». Pourquoi est-ce important ? Car c’est ainsi que se constituent des relations plus profondes.

Rester unis dans le temps

Oliver Burkeman cite plusieurs études qui montrent que le partage du temps, la coordination, améliore le sentiment de bien-être des individus. Par exemple, l’étude de 2013 du chercheur suédois Terry Hartig montre que — contrairement à ce que pensent les gourous de la productivité — le bonheur des gens est lié à la « régulation sociale du temps ».

Les périodes de repos socialement prescrites sont essentielles pour permettre aux gens de coordonner plus facilement leurs temps de loisirs avec ceux de leurs proches. Cela stimule les relations personnelles, qui sont elles-mêmes propices au bonheur.

Nous avons également l’impression de nous sentir plus réels et d’avoir des expériences plus vivantes lorsque nous sommes synchronisés avec les autres. En tant qu’êtres sociaux, nous avons besoin d’agir de concert dans un but donné.

La liberté de ne jamais voir ses amis

En fin de compte, nous devons évaluer avec attention ce que nous voulons faire :

  • Profiter de la flexibilité des horaires, au risque de voir le travail s’infiltrer dans tous les aspects de notre vie ;
  • Nous engager dans des activités en commun, avec une gestion sociale du temps, mais aussi des temps d’arrêt mieux marqués.

En tant qu’individus, nous pouvons privilégier l’un ou l’autre. Pour Oliver Burkeman, il est préférable de perdre un peu de son indépendance pour retrouver un sens du temps « en commun ». Mais peut-être y a-t-il moyen de concilier les deux ? De décider de ses horaires tout en préservant des temps précieux pour les siens et sa communauté ?

Chapitre 13 — La thérapie de l’insignifiance cosmique

La Grande Pause

Nombreuses sont les personnes qui pensent qu’elles pourraient vivre des expériences plus enrichissantes et significatives. Nous voulons profiter de la vie dans le temps qui nous est octroyé.

En soi, ce désir est très positif. Il atteste que nous voulons jouir de l’existence dans le présent et que nous sommes prêts à nous poser les bonnes questions sur la manière de mener sa vie.

Durant la pandémie mondiale de COVID-19, nous nous sommes collectivement posé cette question ! Beaucoup de personnes ont (re)découvert la valeur du voisinage ; ils ont utilisé leur temps et leurs ressources pour faire tout leur possible pour aider ceux qui vivaient autour d’eux. Ils ont cherché à faire ce qui compte le plus.

Ce n’est pas qu’ils ne se souciaient pas des autres avant la pandémie, mais c’est simplement qu’ils pensaient qu’ils n’avaient pas le temps. Dans le contexte de la crise sanitaire mondiale, ils changèrent de point de vue et se mirent à agir différemment.

Cette « Grande Pause » qu’a été le Covid a été pour certains l’occasion d’un véritable changement d’attitude à l’égard du temps et de la vie de tous les jours.

Une modeste vie qui a du sens

Quelle est cette thérapie de l’insignifiance cognitive ? Elle part du principe que nous nous donnons trop d’importance, en tant qu’individu et en tant que société. Nous croyons être importants, ou être la meilleure civilisation qui n’ait jamais existé.

Mais redescendons sur terre. L’humanité, dans son ensemble, n’a que 6 000 ans, ce qui est très jeune par comparaison avec l’âge du monde lui-même. N’est-il pas étonnant de penser que l’époque des pharaons égyptiens ne remonte qu’à 35 vies en arrière de la nôtre !

Conséquence logique : notre propre vie n’est qu’une infime goutte d’eau dans cet océan de personnes ayant vécu jusqu’ici. Et notre temps sur Terre est bel et bien court, très court ; « un minuscule petit scintillement de presque rien dans le schéma des choses ».

Ce constat de notre « insignifiance cosmique » peut être assez désagréable. Pourtant, il peut aussi nous libérer de l’enfermement dans nos problèmes et nos obsessions quotidiens (210). Plutôt que d’en avoir peur, nous pourrions nous servir de cette sagesse pour profiter plus raisonnablement de la vie quotidienne.

Comment ? En trouvant plus de sens dans les tâches que nous faisons déjà. À l’inverse, la surévaluation de notre existence nous amène à rejeter nos limites et à nous égarer dans des rêves impossibles.

Chapitre 14 — La maladie humaine

La vie provisoire

Notre lutte contre le temps découle de la tentative de le maîtriser et de sentir ainsi que nous avons un pouvoir sur notre propre condition mortelle. Nous cherchons à être productifs et proactifs, à réaliser tous nos objectifs. À l’inverse, nous nous épuisons et nous retardons les échéances.

Ces attitudes sont liées au fait que nous oublions le fait essentiel : le temps ne se laisse pas ainsi attraper. Il déborde de nos projets, nos désirs. Et il nous pousse malgré nous jusqu’à nos limites, que nous le voulions ou non. Cette vie nous est prêtée dans le temps, « pour » un temps.

Abandonner l’espoir de cette relation de maîtrise par rapport au temps peut nous libérer. Cela signifie accepter qu’il y ait toujours plus de choses à faire que ce que nous pouvons effectivement faire. Cela implique aussi que nous devrons prendre des décisions difficiles sur la meilleure vie à mener.

5 questions

Pour terminer ce chapitre de 4 000 semaines, Oliver Burkeman préconise que nous nous posions cinq questions importantes sur la façon dont nous passons notre temps.

  1. Où, dans votre vie ou votre travail, recherchez-vous actuellement le confort, alors que ce qui est demandé est un peu d’inconfort ?
  2. Vous tenez-vous et vous jugez-vous par des normes de productivité ou de performance qui sont impossibles à atteindre ?
  3. Avez-vous accepté le fait que vous êtes qui vous êtes, et non la personne que vous pensez que vous devriez être ?
  4. Dans quels domaines de l’existence pensez-vous que vous n’êtes pas encore tout à fait prêt à passer à l’action ?
  5. Comment passeriez-vous vos journées si vous ne vous souciiez pas de voir vos actions se concrétiser ?
La dernière chose la plus importante

Dernier conseil d’Oliver Burkeman : ne pas se laisser submerger par les idées (et les outils) sur la gestion du temps. Prenons simplement une seule mesure, la plus significative pour nous. Acceptons nos limites. C’est ainsi que nous travaillerons réellement à un monde meilleur.

Conclusion — Au-delà de l’espoir

Dans le dernier chapitre et dans la conclusion, Oliver Burkeman montre que la question du temps importe politiquement. Nous sommes à une époque de grands changements. Bien agir, dans le temps qui nous est imparti, peut avoir de grandes conséquences.

Abandonner l’espoir signifie que nous avons, aujourd’hui, dans le moment présent, le pouvoir de changer les choses. Nous n’espérons pas un monde meilleur ; nous le bâtissons, dans les limites qui sont les nôtres.

Concentrons-nous sur les causes qui comptent à nos yeux et acceptons que nous ferons de notre mieux, sans garantie ni contrôle absolus.

La gestion du temps pour les mortels : un livre d'Oliver Burkeman.

Conclusion sur « 4 000 semaines : la gestion du temps pour les mortels » de Oliver Burkeman :

Ce qu’il faut retenir de « 4 000 semaines : la gestion du temps pour les mortels » de Oliver Burkeman :

Voici dix conseils rassemblés en fin d’ouvrage par Oliver Burkeman pour vivre une vie épanouie tout en respectant nos limites temporelles.

  1. Adopter une approche de la productivité à « volume fixe ».
  2. Sérialiser, c’est-à-dire se concentrer sur un seul grand projet à la fois.
  3. Décider à l’avance où l’on veut échouer/ne pas exceller.
  4. Tenir une liste des choses « terminées » afin de contrer l’impression d’avoir trop de choses à faire.
  5. Être bienveillant et choisir une cause humanitaire tout en étant conscient de ce qu’on peut lui donner.
  6. Adopter une technologie ennuyeuse et à usage unique qui ne distraie pas.
  7. Chercher la nouveauté dans le banal, travailler sa patience.
  8. Expérimenter dans les relations, notamment en cherchant à comprendre véritablement autrui.
  9. Agir dans le moment présent (par exemple, remercier un collègue ou aider quelqu’un) plutôt que de privilégier son emploi du temps.
  10. Pratiquer l’art de ne rien faire en se laissant le temps d’accepter la réalité et le temps qui passe.

Ce livre d’Oliver Burkeman est original car il casse certains codes du développement personnel. Il ouvre des portes pour penser autrement notre gestion du temps et plus généralement notre rapport au monde.

Points forts :

  • Une écriture vivante et facile ;
  • Une introduction claire et pédagogique à des ouvrages de philosophie et à des études scientifiques sur la gestion du temps :
  • De nombreux exemples issus de la vie personnelle de l’auteur.

Point faible :

  • Je n’en ai pas trouvé.

Ma note :

★★★★★

Avez-vous lu le livre de Oliver Burkeman « 4 000 semaines : la gestion du temps pour les mortels » ? Combien le notez-vous ?

Médiocre - Aucun intérêtPassable - Un ou deux passages intéressantsMoyen - Quelques bonnes idéesBon - A changé ma vie sur un aspect bien précis !Très bon - A complètement changé ma vie ! (Pas encore de Note)

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