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Plaidoyer pour le bonheur

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Résumé de « Plaidoyer pour le bonheur » de Matthieu Ricard : Matthieu Ricard, l’un des plus grands spécialistes du bouddhisme au monde, nous propose une réflexion philosophique passionnante sur le bonheur authentique et les moyens de l’atteindre : pour cela, ne cherchons plus à l’extérieur mais à l’intérieur de nous et pratiquons une approche du monde plus altruiste !

Par Matthieu Ricard, 2004, 384 pages

Table des matières

Chronique et résumé de « Plaidoyer pour le bonheur » de Matthieu Ricard

Chapitre 1 – Vous avez dit bonheur ?

1.1 – Qu’est-ce que le bonheur ?

Les philosophes définissent le bonheur différemment. Toutefois, le « parfait » bonheur semble avoir un dénominateur commun : « la disparition momentanée de conflits intérieurs », c’est-à-dire le fait de se sentir en harmonie avec le monde qui nous entoure et avec nous-même. On parle alors souvent de « moment magique », d’ »état de grâce ».

L’espace de quelques instants, les pensées du passé ne surgissent plus, les projets du futur n’encombrent plus l’esprit, et le moment présent est affranchi de toute construction mentale. Ce moment de répit durant lequel tout état d’urgence émotionnel disparaît est ressenti comme une paix profonde. […] Le lâcher-prise qui s’ensuit est ressenti comme un profond apaisement, libre de toute attente et de tout conflit.

Cependant, pour Matthieu Ricard, il y a une différence entre ces instants de bonheur saisis au vol et la sérénité immuable. Selon lui, ces deux états n’ont ni la même dimension, ni la même durée, ni la même profondeur.

1.2 – Le soukha (le bien-être) et le doukha (le mal-être)

Pour Matthieu Ricard, le bonheur est, en fait, un état de plénitude qui perdure à travers tous les aléas de la vie.

Dans « Plaidoyer pour le bonheur« , l’auteur utilise le terme bouddhiste de soukha pour désigner cet état de bien-être, issu d’un état d’esprit sain et serein. En état de soukha, on est moins vulnérable face aux bonnes ou mauvaises circonstances de la vie :

Celui qui connaît la paix intérieure n’est pas plus brisé par l’échec qu’il n’est grisé par le succès. Il sait vivre pleinement ces expériences dans le contexte d’une sérénité profonde et vaste, en comprenant qu’elles sont éphémères et qu’il n’a aucune raison de s’y attacher.

Le contraire de soukha est le terme sanskrit doukha, qu’on traduit généralement par « souffrance », « malheur » ou plus précisément « mal-être ».

1.3 – Le bonheur dépend d’un état intérieur

Même si les conditions extérieures ont une influence, mal-être et bien-être sont essentiellement des états intérieurs.

En fait, le bonheur consiste à éliminer nos toxines mentales (la haine, l’obsession, etc.) qui empoisonnent l’esprit. Pour cela, il est essentiel d’acquérir une meilleure connaissance :

  • Du fonctionnement de notre esprit ;
  • De la nature véritable des choses non modifiée par nos fabrications mentales (en somme, une perception plus juste de la réalité).
En résumé, soukha est :
  • L’état de plénitude durable qui se manifeste quand on s’est libéré des émotions conflictuelles et de l’aveuglement mental.
  • La sagesse qui permet de percevoir le monde tel qu’il est, sans voiles ni déformations.
  • La joie de cheminer vers la liberté intérieure, et la bonté aimante qui rayonne vers les autres.

Chapitre 2 – Le bonheur est-il le but de l’existence ?

Consciemment ou inconsciemment, adroitement ou maladroitement, nous aspirons tous à « mieux être », que ce soit par le travail ou l’oisiveté, par les passions ou le calme, par l’aventure ou le train-train quotidien.

2.1 – De l’analyse à la contemplation

Dans son « Plaidoyer pour le bonheur », Matthieu Ricard décrit l’ignorance comme étant la « méconnaissance de la nature véritable des choses et de la loi de cause à effet qui régit bonheur et souffrance ». Il nous explique alors qu’on ne peut vivre une vie pleine de sens qu’à condition de dissiper cette ignorance. Et pour cela, une introspection lucide et sincère doit être menée. On peut alors suivre deux méthodes :

  • La méthode analytique

Elle consiste à évaluer les tenants et les aboutissants de nos souffrances et celles que nous infligeons aux autres. Il nous faut donc profondément vouloir changer et comprendre quels sont les pensées, les paroles et les actes qui contribuent à la souffrance ou au mieux-être.

  • L’attitude contemplative :

Elle consiste à délaisser un moment le bouillonnement de nos pensées pour regarder calmement au fond de nous, observer notre paysage intérieur et découvrir ce qui incarne notre aspiration la plus chère.

2.2 – Quatre idées essentielles sur le bonheur, selon le « Plaidoyer pour le bonheur« 

constraste de la vie pour apprécier sa valeur plaidoyer pour le bonheur
  • Certains pensent qu’il faut parfois se sentir mal à l’aise et avoir de mauvaises journées dans la vie pour mieux apprécier la richesse des instants de félicité. En réalité, si ces moments malheureux permettent de donner davantage de « relief » à l’existence, ils ne sont jamais recherchés pour eux-mêmes, mais seulement par contraste, en vue du changement qu’ils laissent espérer.
  • Envisager le bonheur comme la matérialisation de tous nos désirs et passions, c’est « confondre l’aspiration à la plénitude avec une utopie qui débouche inévitablement sur la frustration » :

Le bonheur est un état de réalisation intérieure, non l’exaucement de désirs illimités tournés vers l’extérieur.

  • Vivre le bonheur authentique, c’est révéler un potentiel que l’on a toujours porté en soi : il suffit d’éliminer toutes les toxines mentales qui masquent ce potentiel.
  • Notre bonheur passe par celui des autres : c’est en faisant le bonheur des autres qu’on fait le sien :

Le vrai bonheur procède d’une bonté essentielle qui souhaite du fond du cœur que chacun trouve un sens à son existence.

  • Le bonheur dépend de nous et se cultive jour après jour :

Le bonheur ne se décrète pas, ne se convoque pas, mais se cultive et se construit peu à peu, dans la durée.

Chapitre 3 – Un miroir à deux faces – Où il est question du dehors et du dedans

Maladroitement, nous recherchons le bonheur en dehors de nous-même, alors qu’il est essentiellement un état intérieur. […] Nous tissons des liens d’amitié, formons une famille, vivons en société, parvenons à améliorer les conditions matérielles de notre existence… Cela suffit-il à définir le bonheur ? Non. On peut être très malheureux alors que l’on a apparemment « tout pour être heureux » et, à l’inverse, rester serein dans l’adversité. Il y a beaucoup de naïveté à s’imaginer que seules les conditions extérieures vont assurer notre bonheur.

Bien sûr, il est souhaitable de vivre longtemps et en bonne santé, d’être libre, dans un pays en paix où la justice est respectée, d’aimer et d’être aimé, d’avoir accès à l’éducation et aux connaissances, de jouir de moyens de subsistance suffisants, de pouvoir voyager de par le monde, de contribuer le plus possible au bien-être des autres et de protéger l’environnement. Toutefois, pour Matthieu Ricard, en plaçant tous nos espoirs en dehors de nous, nous ne pouvons qu’être déçus.

En revanche, si le bonheur est un état qui dépend de conditions intérieures, le bonheur ne nous est pas donné, ni le malheur imposé. Nous sommes à chaque instant à une croisée de chemins et il nous appartient de choisir la direction à prendre.

Chapitre 4 – Les faux-amis

Afin de définir les facteurs extérieurs et les attitudes mentales qui favorisent soukha et ceux qui lui nuisent, il nous faut, tout d’abord, faire une distinction entre le bonheur et certains états apparemment similaires mais en réalité très différents.

4.1 – Bonheur et plaisir : la grande confusion

« Le plaisir est le bonheur des fous, le bonheur est le plaisir des sages. » Barbey d’Aurevilly.

Confondre bonheur et plaisir est une erreur très courante.

Le plaisir :
  • Est causé par des stimuli agréables d’ordre sensoriel, esthétique ou intellectuel.
  • Dépend des circonstances, des lieux et de moments privilégiés.
  • Conduit souvent, si répété, à son affadissement, voire au dégoût.
  • Est une expérience évanescente, individuelle, essentiellement centrée sur soi.
  • Peut se conjuguer avec la méchanceté, la violence, l’orgueil, l’avidité et d’autres états mentaux incompatibles avec un bonheur véritable.
À l’inverse du plaisir, soukha :
  • Naît de l’intérieur et s’il peut être influencé par les circonstances, il n’y est pas soumis.
  • Perdure et croît à mesure qu’on l’éprouve : il engendre un sentiment de plénitude qui, avec le temps, devient un trait fondamental de notre tempérament.
  • N’est pas lié à l’action, c’est un « état d’être », un profond équilibre émotionnel.
  • Est ressenti durablement (alors que les plaisirs ordinaires se produisent au contact d’objets agréables et prennent fin dès que cesse le contact).
  • Se compose naturellement d’altruisme, qui rayonne vers l’extérieur au lieu d’être centré sur soi.

Cette distinction entre « plaisir » et « bonheur » ne signifie pas qu’on doive s’abstenir de rechercher des sensations agréables. Le plaisir, différent du bonheur par nature, n’en est pas pour autant l’ennemi.

En fait, tout dépend. Si le plaisir :
  • Entrave la liberté intérieure : il fait obstacle au bonheur ;
  • Est vécu avec une parfaite liberté intérieure : il « l’orne sans l’obscurcir ».

4.2 – Bonheur et joie

Dans son « Plaidoyer pour le bonheur« , Matthieu Ricard fait une nette différence entre :

  • « Joie » et « euphorie » :

La joie profonde, est une manifestation naturelle et durable de soukha. L’euphorie est une exaltation jubilatoire qui résulte d’une excitation passagère et s’accompagne d’une rechute dans la morosité (exemples racontés par l’auteur : la célébrité d’une chanteuse, les effets des drogues, les gagnants à la loterie).

  • « Joie » et « bonheur » :

Cette différence est plus subtile, car soukha rayonne spontanément sous forme de joie, pas une joie forcément exubérante mais sereine. Selon Matthieu Ricard, les émotions qu’on associe à la joie contribuent au bonheur à condition qu’elles soient libres de toute émotion négative et associées aux autres composantes du bonheur véritable (lucidité, bonté, etc. ).

4.3 – L’esprit traduit la souffrance en malheur

Dans son « Plaidoyer pour le bonheur« , Matthieu Ricard fait également une distinction entre « souffrance » et « malheur ».

En fait, pour Matthieu Ricard :
  • Les souffrances : elles sont déclenchées par diverses causes qui échappent à notre volonté (le handicap, la maladie, la perte d’un être cher, la guerre, les catastrophes naturelles, etc.).
  • Le malheur : c’est la façon dont nous vivons ces souffrances. Le malheur peut être associé à des douleurs physiques et morales générées par des conditions extérieures, mais n’est pas essentiellement lié à celles-ci.

C’est l’esprit qui traduit la souffrance en malheur, c’est donc à l’esprit d’en maîtriser la perception. C’est pourquoi, un changement, même minime, dans la manière de gérer nos pensées, de percevoir et d’interpréter le monde peut considérablement transformer notre existence :

On subit la souffrance mais on crée le malheur.

Chapitre 5 – L’alchimie de la souffrance

5.1 – Les modalités de la souffrance

Pour Matthieu Ricard, même si l’on se sent submergé et impuissant devant toute la douleur du monde, il nous incombe d’être concernés, en pensées et en actes, et de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour soulager ces tourments.

Dans son « Plaidoyer pour le bonheur« , le maître bouddhiste distingue trois types de souffrance, celle :

  • Visible : qui est partout évidente.
  • Cachée : qui se dissimule sous l’apparence du plaisir, de l’euphorie, de l’insouciance, du divertissement.
  • Invisible : qui trouve son origine au sein même de l’aveuglement de notre esprit sous l’emprise de l’ignorance et de l’égocentrisme.

Pour les bouddhistes, il n’existe aucun lieu qui soit exempt de souffrance.

5.2 – Les causes de la souffrance

surmonter vos souffrances éviter le malheur

Selon le bouddhisme, la souffrance sera toujours présente en tant que phénomène global : on ne peut, en effet, s’attendre à ce que la souffrance disparaisse de l’univers. Cependant, sur le plan individuel, chaque individu a la possibilité de s’en libérer.

Un homme marche sur une plage couverte de millions d’étoiles de mer qui meurent au soleil. À chaque pas, il ramasse une étoile et la rejette à la mer. Un camarade qui le regarde lui fait remarquer : « Te rends-tu compte qu’il y a des millions d’étoiles de mer sur la plage ! Si louables soient-ils, tes efforts ne font aucune différence. » Et l’homme, tout en jetant une étoile de plus à l’eau, de répondre : « Si, pour celle-ci, cela fait une différence ! » Ce n’est donc pas l’énormité de la tâche qui importe, mais la magnitude de notre courage.

5.3 – Les quatre vérités de la souffrance

Le premier obstacle à la réalisation du bonheur consiste à ne pas reconnaître la souffrance pour ce qu’elle est. Bien souvent, on tient pour bonheur ce qui n’est qu’une souffrance déguisée.

Il y a plus de 2500 ans, le Bouddha énonça les Quatre Nobles Vérités suivantes :

  • Première vérité : la souffrance ;
  • Deuxième vérité : les causes de la souffrance (l’ignorance qui entraîne le désir avide, la malveillance, l’orgueil, etc.) ;
  • Troisième vérité : la cessation de la souffrance ;
  • Quatrième vérité : la voie de la transformation (le processus mis en oeuvre pour éliminer les causes de la souffrance).

En somme, il faut : reconnaître la souffrance, éliminer son origine et la faire cesser en pratiquant la voie de la transformation.

5.4 – Quatre idées essentielles sur la souffrance, selon le « Plaidoyer du bonheur« 

  • Les douleurs et le malheur sont différents : les douleurs sont éphémères et dépendent de circonstances extérieures, tandis que le malheur est un profond état d’insatisfaction qui perdure malgré des circonstances extérieures favorables. Dès lors, il est possible de souffrir physiquement ou mentalement sans perdre le sentiment de plénitude, soukha, qui repose sur la paix intérieure et l’altruisme.
  • Il est primordial de se familiariser et se préparer aux souffrances inévitables, telles la maladie, la vieillesse et la mort, plutôt que d’être pris au dépourvu et de sombrer dans la détresse.
  • La souffrance n’est en aucun cas souhaitable mais lorsqu’elle est inévitable, elle peut être un extraordinaire enseignement pour progresser humainement et spirituellement.
  • La souffrance n’est pas une anomalie ou une injustice, elle est dans la nature du monde et le produit logique et inéluctable de la loi de cause à effet. Nous sommes, en effet, le résultat d’un très grand nombre d’actes libres dont nous sommes responsables. Cette approche est liée à la notion bouddhiste de « karma » qui signifie « acte », mais désigne également le lien dynamique qui existe entre un acte et son résultat.

5.5 – Trois méthodes pour gérer la souffrance, tirées du « Plaidoyer pour le bonheur« 

Dans « Plaidoyer pour le bonheur« , Matthieu Ricard nous fait part de trois méthodes, non pas pour échapper à la douleur, chose impossible, mais pour en modifier sa perception :

  • Le pouvoir des images

En psychologie moderne, cela s’appelle l’imagerie mentale (la visualisation). En visualisant une image mentale, on mobilise l’attention et on va ainsi distraire le malade de sa douleur. Des recherches scientifiques ont montré que, dans 85 % des cas, le recours aux méthodes mentales augmente la capacité à supporter la douleur.

Autres méthodes destinées à distraire le patient de sa douleur (moins efficaces) : la concentration sur un objet extérieur (regarder une projection de photographie), la pratique d’un exercice répétitif (compter de cent à zéro, de trois chiffres en trois chiffres), ou l’acceptation consciente de la douleur.

  • La force de la compassion

La compassion est un état d’esprit fondé sur le souhait que les êtres soient délivrés de leurs souffrances et des causes de leurs souffrances. En pratiquant la compassion, on réalise que d’autres personnes sont affligées par des peines comparables aux nôtres, et parfois bien pires. On ressent, envers elles, un sentiment d’amour, de responsabilité et de respect.

  • Contempler la nature même de notre esprit

La troisième méthode consiste à regarder notre douleur, physique ou mentale, en nous demandant quelle est sa couleur, sa forme ou toute autre caractéristique. Cela permet de « ne plus être la victime passive de la douleur, mais, peu à peu, de faire face et de remédier à la dévastation qu’elle engendre dans notre esprit. »

Les lecteurs de cet article ont également lu :  Le nouvel art du temps : Contre le stress

Chapitre 6 – Le bonheur est-il possible ?

L’auteur évoque ici également le « syndrome du mauvais monde » (wicked world syndrome), généré par la croyance répandue en Occident que l’homme et le monde sont foncièrement mauvais et qui remet en cause la possibilité d’un bonheur véritable.

Mais pour Matthieu Ricard, la pratique spirituelle comme la méditation peut vraiment permettre une transformation, même en n’y consacrant que quelques moments chaque jour. Selon lui, grâce à l’expérience introspective, on comprend, jour après jour, comment surgissent nos pensées et comment ne plus être la proie des poisons mentaux. On peut se libérer de nos peurs intérieures, devenir plus ouvert aux autres et mieux armé face aux aléas de l’existence.

Chapitre 7 – Une regrettable méprise – Les voiles de l’ego

7.1 – Que faire de l’ego ?

Il existe très peu de méthodes psychologiques qui visent à réduire, voire éradiquer le sentiment de l’importance du moi, certainement parce qu’on confond souvent « ego » et « confiance en soi ».

Or, dans « Plaidoyer pour le bonheur« , Matthieu Ricard nous explique que l’ego ne procure, en réalité, qu’une confiance factice, construite sur des attributs précaires (pouvoir, succès, beauté et force physique, brio intellectuel, opinion d’autrui). Ainsi, lorsque l’on perd un de ces attributs, que les choses changent, l’ego s’irrite et vacille. La confiance en soi s’effondre, laissant place aux frustrations et à la souffrance.

Ce n’est donc, selon les bouddhistes, qu’en dissipant l’illusion de l’ego, qu’on peut s’affranchir de cette vulnérabilité, de ce sentiment de sécurité fragile.

D’ordinaire, nous craignons d’aborder le monde sans références, et sommes pris de vertige quand doivent tomber les masques et les épithètes : si je ne suis plus musicien, écrivain, fonctionnaire, cultivé, beau ou fort, qui suis-je ? Pourtant, ne porter aucune étiquette est la meilleure garantie de liberté et la manière la plus souple, légère et joyeuse de traverser ce monde.

7.2 – La déconstruction du moi

L’auteur aborde ici l’idée de « déconstruction du moi », à travers trois aspects : le « je » (notre état actuel) notre état actuel, la « personne » (continuum dynamique qui regroupe les aspects corporel, mental et social de notre existence) et le « moi » (un tout indivisible et permanent qui nous caractérise de l’enfance à la mort, « vide d’existence autonome et permanente » selon le bouddhisme).

En s’accrochant à notre ego, on a tendance à être uniquement préoccupé par soi. La moindre contrariété nous perturbe et nous décourage. Nous sommes obsédés par nos succès, nos échecs, nos espoirs et nos inquiétudes.

Abandonner cette fixation sur notre image intime, ne plus accorder autant d’importance à l’ego revient à gagner une immense liberté intérieure. Cela permet d’aborder tout être et toute situation avec naturel, bienveillance, force d’âme et sérénité. N’espérant pas gagner et ne craignant pas de perdre, on est libre de donner et de recevoir.

Ainsi, selon Matthieu Ricard, tant que le sentiment de l’importance de soi « tient les rênes de notre être », nous ne pourrons jamais connaître de paix durable.

Chapitre 8 – Le fleuve des émotions

impact des émotions plaidoyer pour le bonheur

8.1 – L’impact des émotions

Selon le bouddhisme, si une émotion :
  • Renforce notre paix intérieure et tend au bien d’autrui : elle est positive ou constructive.
  • Trouble profondément notre esprit et nuit aux autres : elle est négative ou perturbatrice.

Ainsi, c’est la conséquence qui compte : le seul critère considéré est le bien ou la souffrance que nous engendrons par nos actes, nos paroles et nos pensées, pour nous-même comme pour les autres.

8.2 – Ce qu’en dit la science

La psychologie occidentale n’évalue généralement pas les émotions selon leur caractère bénéfique ou nuisible. Toutefois, un épisode émotionnel est considéré comme perturbateur ou dysfonctionnel lorsqu’une personne exprime une émotion :

  • Adéquate mais avec une intensité disproportionnée.
  • Inappropriée à une situation donnée.

Pour les psychologues occidentaux, le but est alors de gérer notre manière de traduire nos émotions dans les actes, et non pas de la transcender comme on le conçoit dans le bouddhisme.

8.3 – Vers une psychologie positive

Dans « Plaidoyer pour le bonheur« , Matthieu Ricard nous explique les raisons qui justifient l’approche proposée par la psychologie positive :

  • Se contenter d’éliminer les émotions négatives n’amène pas forcément la joie et le bonheur : il faut aussi développer les émotions positives.
  • S’abstenir de faire du tort aux autres ne suffit pas : on doit également faire leur bien.
  • Les pensées positives engendrent des comportements flexibles, accueillants, créateurs et réceptifs ; elles élargissent notre univers intellectuel et affectif, nous ouvrir à de nouvelles idées et de nouvelles expériences, nous permettent de mieux gérer l’adversité.

8.4 – Pourquoi parle-t-on d’ »émotion négative » ?

Les émotions négatives :
  • Entravent la lucidité, la liberté intérieure et sont source de tourments pour nous et notre entourage,
  • Ont tendance à déformer notre perception de la réalité et nous empêchent de la voir telle qu’elle est.

L’attachement idéalise son objet, la haine le diabolise. Ces émotions nous font croire que la beauté ou la laideur sont inhérentes aux êtres et aux choses. Or, c’est l’esprit qui les décrète « attirantes » ou « repoussantes ».

L’introspection intérieure (avec un entraînement rigoureux et prolongé) nous permet de repérer les activités mentales qui conduisent au « bien-être » et ceux qui renforcent le « mal-être » (même si celles-ci nous apportent des moments de plaisir).

Mais le bouddhisme a identifié cinq « poisons » mentaux perturbateurs et ce, quels que soient le degré et le contexte dans lesquels ils surviennent :
  • Le désir : en tant que « soif », avidité qui tourmente
  • La haine : le désir de nuire
  • La confusion : qui déforme notre perception de la réalité
  • L’orgueil
  • La jalousie

Au total, les textes bouddhistes font état de « quatre-vingt-quatre mille émotions négatives », nombre qui donne une idée de la complexité de l’esprit humain. C’est d’ailleurs pour cette raison que le bouddhisme parle des « quatre-vingt-quatre mille portes » qui mènent au chemin de la transformation intérieure.

Chapitre 9 – Émotions perturbatrices : les remèdes

9.1 – La spirale des émotions

Les études psychologiques vont à l’encontre de l’idée reçue selon laquelle en donnant libre cours à ses émotions, on fait baisser temporairement la tension accumulée. En réalité, c’est le contraire : en laissant systématiquement ses émotions négatives s’exprimer, on contracte des habitudes dont on sera à nouveau la proie aussitôt que leur charge émotionnelle aura atteint le seuil critique.

Ainsi, comme une infection non traitée, les émotions perturbatrices gagnent en puissance dès qu’on leur donne libre cours.

Il en résulte ce qu’on appelle banalement un « mauvais caractère », accompagné d’un mal-être chronique.

Cela ne signifie pas, pour autant, qu’il faille refouler nos émotions. Cela reviendrait à les empêcher de s’exprimer tout en les laissant intactes, ce qui ne peut être qu’une solution temporaire et malsaine.

9.2 – Trois méthodes pour se libérer des émotions négatives, tirées de « Plaidoyer pour le bonheur« 

Dans « Plaidoyer pour le bonheur« , Matthieu Ricard décrit trois méthodes pour ne plus être la victime des émotions conflictuelles et des souffrances qu’elles entraînent habituellement :
  1. Les antidotes : rechercher un antidote spécifique pour chaque émotion négative (la bonté comme antidote de la haine, par exemple).
  2. La libération : « libérer » l’émotion en découvrant sa nature véritable.
  3. L’utilisation : se servir de la force de chaque émotion comme un catalyseur de transformation intérieure.

Le choix de l’une ou l’autre de ces méthodes dépend du moment, des circonstances et des capacités de celui qui les utilise.

  • Première méthode : l’usage des antidotes

L’expérience introspective montre que les émotions négatives peuvent être annihilées par leur contraire : les émotions positives. Celles-ci agissent alors comme des antidotes, comme on neutralise les effets destructeurs d’un poison à l’aide d’un sérum.

En fait, selon Matthieu Ricard, lorsque deux processus mentaux sont diamétralement opposés, ils ne peuvent survenir simultanément : ils sont aussi antagonistes que l’eau et le feu (l’amour et la haine par exemple). C’est pourquoi nous devons identifier les antidotes qui correspondent à chaque émotion négative, puis les cultiver.

C’est à leur usage que l’herboriste distinguera les plantes vénéneuses des plantes médicinales.

Ces antidotes sont au psychisme ce que les anticorps sont à l’organisme. Plus on développera cet antidote, plus l’émotion perturbatrice s’amenuisera pour finalement disparaître.

  • Deuxième méthode : libérer les émotions

Plutôt que de supprimer chaque émotion affligeante avec son antidote particulier, la deuxième méthode consiste à identifier un antidote unique, agissant à un niveau plus fondamental sur toutes nos afflictions mentales.

Pour cela, Matthieu Ricard propose l’exercice suivant. Si nous ressentons, par exemple, une bouffée de colère, il nous invite à examiner attentivement cette colère : la localiser, observer si elle a une couleur, une forme, si elle brûle comme un feu ou écrase comme un rocher. De cette manière, selon l’auteur, nous n’allons rien y trouver de consistant, rien qui justifie l’influence tyrannique qu’elle exerce sur notre façon d’être. Nous allons alors réaliser que la colère n’a aucune consistance en elle-même. Celle-ci va perdre soudainement de sa puissance.

Bien souvent, nous faisons cette analyse qu’une fois la crise passée. Or, c’est au moment même où la colère surgit qu’il faut en reconnaître la nature. Sans pour autant refouler la colère, on va juste neutraliser son pouvoir de se transformer en cause de souffrance. À mesure qu’on s’habitue à un tel processus de libération, l’émotion devient de plus en plus transparente. Avec le temps, l’irascibilité finit par disparaître. Cette méthode peut être utilisée pour toutes les autres afflictions mentales.

  • Troisième méthode : utiliser les émotions comme catalyseurs

Ici, il s’agit d’utiliser les côtés positifs d’une pensée généralement considérée comme négative. En effet, les émotions ne sont pas intrinsèquement perturbatrices : elles le deviennent aussitôt que nous nous attachons à elles. Ce genre de pratique exige une grande maîtrise du langage des émotions. Il faut savoir laisser s’exprimer de puissantes émotions sans pour autant en devenir la proie.

Pour résumer :

Nous avons vu qu’il fallait contrecarrer chaque émotion négative par un antidote particulier, puis qu’un seul ferait l’affaire et, finalement, qu’on pouvait aussi bien utiliser l’émotion négative de façon positive.

9.3 – Un travail de longue haleine

En Occident, la psychologie moderne porte sur la façon de gérer et de moduler ses émotions après qu’elles aient envahi notre esprit.

Mais pour Matthieu Ricard, il manque, dans ce processus :
  • Ce que les bouddhistes appellent la « présence éveillée » : reconnaître une émotion au moment même où elle survient, comprendre qu’elle n’est qu’une pensée dénuée d’existence propre et la laisser se dénouer spontanément en évitant la cascade de réactions qu’elle entraîne habituellement.
  • Un entraînement à long terme qui vise à transformer ses états émotionnels et son tempérament : bien souvent, quand on cède à ces émotions, on va prétexter que c’est chose normale, que cela fait partie des sortilèges de l’existence.

Chapitre 10 – Le désir

se libérer du désir pour vivre heureux

10.1 – Les motivations du désir

Le désir peut nourrir notre existence comme il peut l’empoisonner.

Tout va dépendre de notre motivation à l’origine de ce désir. Lorsque cette motivation est :
  • Vaste et altruiste : le désir peut engendrer les plus grandes qualités humaines et les plus grands accomplissements.
  • Limitée et égocentrique : le désir ne servira qu’à alimenter les préoccupations sans fin de la vie ordinaire, n’offrira aucune garantie de satisfaction profonde et pourra même conduire à des destructions dévastatrices.

En somme :

Si naturel soit-il, le désir dégénère rapidement en « poison mental » dès qu’il devient soif impératif, obsession ou attachement incontrôlable.

Par conséquent, le bouddhisme n’exige pas l’abolition des désirs ni des aspirations essentielles. Mais il prône la liberté à l’égard des désirs asservissants qui entraînent une foule de tourments inutiles.

10.2 – Les mécanismes du désir

Les plaisirs, une fois goûtés, ne demeurent pas, ne s’accumulent pas, ne se conservent pas et ne fructifient pas : ils s’évanouissent. Il n’est donc guère réaliste d’espérer qu’ils nous procureront un jour une félicité durable.

Généralement, quand les images mentales liées à un désir commencent à se manifester dans l’esprit :

  • Soit on assouvit ce désir :

Il y a alors abandon de la maîtrise de soi. Mais l’assouvissement n’est qu’un répit car les images mentales formées par le désir resurgissent très vite. En outre, plus l’assouvissement sera fréquent, plus ces images deviendront envahissantes et contraignantes, jusqu’à conduire parfois à la dépendance mentale et physique. L’expérience du désir sera alors ressentie davantage comme une servitude que comme une satisfaction : nous avons perdu notre liberté.

  • Soit on le réprime :

Un conflit intérieur se déclenche, créant alors toujours une source de tourment.

10.3 – Du désir à l’obsession

Selon Matthieu Ricard :

Le désir obsédant qui accompagne souvent la passion amoureuse dégrade l’affection, la tendresse, la joie d’apprécier et de partager la vie d’autrui. Il se situe à l’antipode de l’amour altruiste. Il procède d’un égocentrisme maladif qui, en l’autre, ne chérit que soi-même ou, pire, tente de construire son propre bonheur à ses dépens. Ce type de désir ne veut que s’approprier et contrôler les êtres, les objets et les situations qu’il juge attirants.

En cherchant obstinément un assouvissement dans des situations qui sont la cause même de ses tourments, la victime de l’obsession ne peut connaître aucune satisfaction : ni joie, ni plénitude.

10.4 – Désir, amour et attachement

Matthieu Ricard souligne ici que la notion d’amour dénué d’attachement est relativement étrangère à la mentalité occidentale. Or, selon lui, ne pas être attaché ne veut pas dire que l’on aime moins une personne. Cela signifie que « l’on n’est pas essentiellement préoccupé par l’amour de soi à travers l’amour que l’on prétend donner à l’autre. »

L’amour altruiste est la joie de partager la vie de ceux qui nous entourent et de contribuer à leur bonheur. On les aime pour ce qu’ils sont et non pas à travers le prisme déformant de l’égocentrisme.

En fait, au lieu :
  • « D’être attaché à l’autre, on est concerné par son bonheur » ;
  • « De vouloir le posséder, on se sent responsable de son bien-être » ;
  • « D’attendre anxieusement une gratification de sa part, on sait recevoir avec joie son amour réciproque ».

Chapitre 11 – Liberté intérieure et renoncement

Pour beaucoup de personnes, la liberté, c’est être libre de ses actions, de ses mouvements et de ses opinions. En somme, on situe la liberté à l’extérieur de soi. Or, pour Matthieu Ricard, avec cette conception de la liberté, on devient le jouet des pensées qui agitent notre esprit. En réalité, c’est la liberté intérieure que l’on doit rechercher.

En lien avec cette liberté intérieure, Matthieu Ricard développe ensuite trois idées fortes sur le « renoncement »:
  • Grand nombre de personnes voient dans le renoncement et le non-attachement la triste privation des petits plaisirs quotidiens. Or, le renoncement ne consiste pas à se priver de ce qui nous procure joie et bonheur : il vise à s’affranchir de ce qui nous cause d’incessants tourments. Cela revient à :
    • Se demander, à propos de certains éléments de sa vie, s’ils nous rendent vraiment heureux.

Renoncer, c’est avoir l’audace et l’intelligence d’examiner ce que l’on considère habituellement comme des plaisirs et de vérifier s’ils apportent réellement un mieux-être.

  • Prendre de la distance vis-à-vis des choses non-essentielles.

Le renoncement est une façon sensée de prendre sa vie en main, c’est-à-dire d’être las de se laisser manipuler comme un pantin par l’égocentrisme, la course au pouvoir et aux possessions, la soif de renommée et la recherche insatiable des plaisirs.

  • Pour se détacher de quelque chose, il ne faut pas se forcer mais clairement prendre conscience des avantages qui en découlent. Nous devons ressentir une profonde aspiration à se libérer de ce à quoi on s’apprête à renoncer. De cette manière, le renoncement est ressenti comme un acte libérateur, non pas comme une contrainte.
  • Enfin, « le renoncement comporte une saveur de simplicité, de paix profonde ». Pour nous débarrasser du superflu, nous devons simplifier nos paroles, nos actes et nos pensées.

Chapitre 12 – La haine

De tous les poisons mentaux, la haine est le plus néfaste. […] Sans haine, pas de meurtre, pas de guerre, pas de ces millénaires de souffrance qui sont notre Histoire à tous.

12.1 – Les visages hideux de la haine

Plusieurs émotions et attitudes négatives sont liées à la haine : l’ignorance, la colère, la malveillance, l’agressivité, le ressentiment, la rancune, le mépris, l’intolérance, le fanatisme, la médisance, la peur…

En cédant à la haine, nous ne faisons pas nécessairement du tort à notre ennemi, mais nous nuisons à coup sûr à nous-même. Nous perdons notre paix intérieure, nous ne faisons plus rien correctement, […] nous faisons fuir ceux qui viennent nous voir. […] À quoi bon ? Même si nous allons jusqu’au bout de notre rage, nous n’éliminerons jamais tous nos ennemis.

Le Dalaï-lama

Une fois que la haine nous submerge, nous ne sommes plus maître de nous-même. Il nous est alors impossible de penser en termes d’amour et de compassion. Nous suivons aveuglément nos penchants destructeurs. Or, la haine commence toujours par une simple pensée. C’est le moment précis où il faut intervenir et avoir recours à l’une des méthodes de dissolution des émotions négatives décrites précédemment.

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12.2 – Le désir de vengeance, sosie de la haine

Matthieu Ricard développe ici trois idées principales :
  • On devrait considérer un individu en proie à la haine, la colère et l’agressivité, davantage comme un malade qu’un ennemi : même s’il pense et se comporte de façon extrêmement nocive, le plus cruel des tortionnaires n’est pas né cruel, et qui sait ce qu’il sera dans vingt ans.
  • On peut trouver une situation extrêmement intolérable et vouloir absolument y remédier, sans pour autant être mû par la haine.
  • Dans tous les cas, la vengeance n’est pas la solution la plus appropriée (elle ne console de rien et exaspère la haine). À l’opposé, renoncer à la soif de vengeance et à la haine provoque parfois en nous, comme par magie, l’écroulement d’une montagne de ressentiments.

En fait, la compassion bouddhiste revient à souhaiter de tout son cœur que tous les êtres sans distinction (le criminel y compris) soient libérés de la souffrance et de ses causes, en particulier la haine.

12.3 – Haïr la haine

« Combien tuerais-je de méchants ? Leur nombre est infini comme l’espace. Mais si je tue l’esprit de haine, tous mes ennemis sont tués en même temps. »

Shantideva, poète bouddhiste indien

Pour l’auteur, les seuls moyens pour éradiquer la haine sont la prise de conscience personnelle, la transformation intérieure et l’altruisme. En effet, lorsqu’un nombre suffisant d’individus accomplit ce changement, la société peut alors évoluer vers une attitude collective plus humaine.

Dans cette idée, Matthieu Ricard nous invite à pratiquer différentes méditations qui visent à cultiver quatre pensées essentielles : l’amour, la compassion, la joie devant le bonheur des autres et l’impartialité.

Chapitre 13 – Bonheur et altruisme

13.1 – Les joies de l’altruisme

Des recherches ont mis en évidence une corrélation indéniable entre l’altruisme et le bonheur. Elles ont montré que les personnes qui se déclarent les plus heureuses sont aussi les plus altruistes.

Dans cette partie de « Plaidoyer pour le bonheur« , l’auteur nous explique en quoi cette idée concorde avec le point de vue du bouddhisme qui tient l’égocentrisme pour cause principale du mal-être, et l’amour altruiste pour composante essentielle du bonheur véritable.

Par ailleurs, l’interdépendance entre tous les phénomènes en général, et entre tous les êtres en particulier, est telle que notre propre bonheur est intimement lié à celui des autres. La joie qui accompagne un acte de bonté désintéressé, par exemple, procure une satisfaction profonde. Ainsi, pour l’auteur :

Notre bonheur passe nécessairement par celui des autres.

13.2 – Un altruisme véritable

Selon Matthieu Ricard, les recherches contemporaines en psychologie du comportement vérifient l’hypothèse selon laquelle l’altruisme vrai, qui n’est motivé par aucune autre raison que de faire le bien d’autrui, existe.

Les expériences conduites ont permis de distinguer deux types d’altruistes :
  • Les « faux altruistes »
Ces individus aident parce qu’ils :
  • Ne supportent pas la détresse qu’ils éprouvent devant la souffrance des autres et s’empressent alors de désamorcer leur propre tension émotionnelle ;
  • Craignent le jugement que l’on porte sur eux ;
  • Désirent être loués ;
  • Veulent éviter le sentiment de culpabilité.

S’ils n’ont pas d’autre choix que d’intervenir, ils secourent la personne en difficulté. Néanmoins, s’ils peuvent éviter d’être confrontés au pénible spectacle de la souffrance ou s’esquiver sans que personne y trouve à redire, ceux-ci n’interviennent pas plus que les individus faiblement altruistes.

  • Les « vrais altruistes »

Ces individus aident même s’il leur aurait été facile de détourner le regard, ou d’éviter d’intervenir sans que personne ne le sache. Un véritable altruiste sera tout aussi satisfait si quelqu’un d’autre vient en aide à cette personne. Car, pour lui, c’est le résultat qui compte, non la satisfaction personnelle d’avoir aidé.

Dans une population occidentale, on trouve en moyenne 15 % d’altruistes vrais.

13.3 – L’or reste de l’or

L’auteur développe ici deux idées :
  • La nature de l’esprit n’est fondamentalement ni bonne ni mauvaise :

Si l’on tourne son regard vers l’intérieur et que l’on observe à long terme la manière dont fonctionne l’esprit, on s’aperçoit que les émotions négatives surviennent principalement sous forme de réactions à des provocations ou autres événements spécifiques. Elles ne sont pas des états constitutifs ou permanents de l’esprit. En revanche, l’amour et la compassion constituent des états beaucoup plus fondamentaux.

  • Bonté et bonheur s’engendrent et se renforcent réciproquement :

Engendrer et exprimer la bonté fait rapidement fondre le mal-être pour laisser place à un sentiment de plénitude durable. Réciproquement, le fait d’être heureux permet à la bonté et la joie intérieure de s’épanouir.

Chapitre 14 – Le bonheur des humbles

Selon Matthieu Ricard, on sous-estime considérablement les bienfaits de l’humilité. Dans notre monde contemporain qui prône le paraître et est obsédé par l’image, l’humilité est souvent associée à un manque de confiance dans nos capacités ou à un complexe d’infériorité.

L’auteur développe ici deux notions : l’orgueil et l’humilité.

L’orgueil est l’exacerbation du moi. Il :
  • Consiste à se vanter des quelques qualités que l’on a et à s’attribuer celles dont on est dépourvu.
  • Ferme la porte à tout progrès personnel, car pour apprendre, il faut d’abord penser qu’on ne sait pas.
  • Sur un plan collectif, s’exprime par la conviction d’être supérieur à l’autre en tant que peuple ou race, d’être détenteur des vraies valeurs de la civilisation et impose de gré ou de force ce « modèle » dominant aux peuples « ignorants ».
L’humilité est une composante du bonheur. Elle :
  • Va de pair avec une grande liberté intérieure.
  • Est une attitude essentiellement tournée vers les autres et leur bien-être.
  • Se traduit « par un langage corporel dénué de morgue et d’ostentation. »

Chapitre 15 – La jalousie

« Il y a dans la jalousie plus d’amour-propre que d’amour. » La Rochefoucauld

Il y a plusieurs degrés de jalousie mais dans tous les cas de figure, la jalousie procède d’une blessure du moi. Forme exacerbée de l’envie, elle mène rapidement à la hantise et à la haine. Elle est fondamentalement une incapacité à se réjouir du bonheur d’autrui.

Chapitre 16 – Voir la vie en or, en rose ou en gris – Optimisme, naïveté et pessimisme

Il y a de nombreuses façons de faire l’expérience du monde. Pour Matthieu Ricard :
  • Voir la vie en or, « c’est essentiellement se rendre compte que tous les êtres, y compris nous-même, ont en eux un extraordinaire potentiel de transformation intérieure et d’action. C’est aborder le monde et les êtres avec confiance, ouverture et altruisme. » Mais cela ne signifie pas qu’il faille voir la vie en rose…
  • Voir la vie en rose : « c’est se voiler la face devant la réalité et déclarer avec une naïveté béate que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. » Or, il ne s’agit pas de se détourner de la douleur des gens, du sens de la responsabilité et des lois de cause à effet engendrant toutes ces souffrances.
  • Voir la vie en gris : c’est penser que la vie est vouée à l’échec et au malheur, et qu’on ne peut rien en faire de bon.

En langage psychologique, voir la vie en or s’appelle optimisme […]. La vie en gris est pessimisme et la vie en rose naïveté.

16.1 – Deux manières de regarder le monde

Le pessimiste :
  • Pense que ses problèmes vont durer, échappent à son contrôle et vont compromettre tout ce qu’il entreprend.
  • Anticipe constamment le désastre et devient une victime chronique de l’anxiété et du doute. Il n’a confiance ni dans le monde ni en lui-même et s’attend constamment à être brimé, abandonné et ignoré.
  • Adopte d’emblée, dans la vie de tous les jours, une attitude de refus.
  • Est soupçonneux et accorde rarement le bénéfice du doute.
L’optimiste :
  • Juge ses difficultés momentanées, contrôlables et liées à une situation particulière.
  • Est confiant dans le fait qu’il est possible de réaliser ses aspirations et qu’avec patience, détermination et intelligence, il finira par y arriver (de fait, le plus souvent, il y parvient).
  • Jouit d’un plus grand bien-être, aborde de nouvelles relations ou situations avec confiance plutôt qu’avec méfiance.

16.2 – Les qualités de l’optimisme

Ainsi, dans l’optimisme, se cachent un grand nombre de qualités que l’on retrouve dans le bonheur véritable :
  • L’espoir : c’est-à-dire la conviction que l’on peut trouver les moyens d’accomplir ses buts et développer la motivation nécessaire à leur accomplissement.
  • La détermination : l’optimiste persévère et réussit plus souvent que le pessimiste qui recule devant la difficulté, se résigne, doute de tout ou se tourne vers des distractions temporaires qui ne résoudront pas ses problèmes.
  • La faculté d’adaptation : devant les difficultés, l’optimiste réagit de façon constructive et créatrice, tire des enseignements, envisage des solutions tandis que le pessimiste, fataliste, se détourne ou adopte des stratégies de fuite.
  • La sérénité : l’optimiste sait prendre du recul ; il est libre de regret et de sentiment de culpabilité.
  • La force de caractère : l’optimiste sait trouver en lui-même les ressources nécessaires et faire preuve d’imagination pour surmonter les épreuves de l’existence.
  • La lucidité
  • Le pragmatisme
  • Le courage et l’audace

Chapitre 17 – Méthodes tirées de « Plaidoyer pour le bonheur » pour faire cesser des pensées perturbatrices

La plupart du temps, ce ne sont pas les événements extérieurs, mais notre propre esprit et ses émotions négatives qui nous rendent incapables de préserver notre paix intérieure. L’esprit mérite donc qu’on lui consacre des efforts.

En premier lieu, il convient d’observer tranquillement notre souffrance intérieure jusqu’à ce qu’elle s’évanouisse graduellement. Au lieu de l’éviter ou de l’enfouir dans un recoin obscur de notre esprit, l’auteur nous invite à en faire l’objet de notre méditation. Inutile par contre d’en ruminer les causes au risque qu’elle s’amplifie. Le plus urgent est de la regarder en face, en l’isolant des pensées envahissantes qui l’attisent.

Ensuite, il existe plusieurs méthodes d’entraînement de l’esprit. Matthieu Ricard en propose ici quelques-unes :
  • Méditer sur des sentiments qui dépassent nos afflictions mentales

Méditer sur un sentiment d’amour altruiste à l’égard de tous les êtres notamment, nous élève sur un plan qui dépasse la douleur personnelle, au point que celle-ci devient imperceptible.

  • Observer la source des pensées

Cela consiste à reconnaître que les pensées, telles des arcs-en-ciel, sont totalement vides, immatérielles et impalpables. Ainsi, en se familiarisant peu à peu avec cette façon de gérer les pensées, on apprend à se libérer des toxines intérieures, de l’anxiété et du doute.

  • Ne pas accuser le monde entier

Il est tentant de reporter systématiquement la faute sur le monde et les autres, d’attribuer aux objets extérieurs des qualités qui sont, en réalité, étroitement dépendantes de notre propre esprit. Or, c’est en transformant notre esprit que nous pouvons transformer « notre » monde.

  • Échanger la souffrance des autres contre notre bonheur

Cette méthode utilise la force du souhait. Elle repose sur une forme de méditation inspirante qui consiste à échanger la souffrance des autres contre son propre bonheur. Par le biais d’un tel échange, notre tourment nous ouvre aux autres au lieu de nous en isoler.

  • Cultiver la sérénité et le détachement

Il s’agit d’utiliser le pouvoir de l’imagerie mentale. Visualiser des scènes de sérénité permet de se mettre en résonance avec la nature paisible qui gît au plus profond de nous. Le détachement, quant à lui, ne consiste pas à nous arracher douloureusement à ce que nous aimons, mais à adoucir la manière dont nous le percevons : ce n’est pas cet objet qui nous fait souffrir, mais la façon dont nous nous cramponnons à lui.

  • Identifier la force de l’expérience

Les troubles que l’on traverse renferment un précieux potentiel de transformation. Ils peuvent être un trésor d’énergie dans lequel on peut puiser une grande force pour construire ce que l’apathie ne permet pas.

Il est difficile de commencer à mettre en pratique ces instructions quand on est soudainement confronté à la souffrance. Il convient donc de se familiariser avec elle dès maintenant, afin d’être en mesure de les appliquer quand des circonstances défavorables se présenteront.

Chapitre 18 – Le temps d’or, temps de plomb, temps de pacotille

18.1 – Le temps nous est compté

Notre temps est notre bien le plus précieux. Pour Matthieu Ricard, nous devons donc cesser de reporter l’essentiel à plus tard « pour se laisser piéger par les contraintes incohérentes de la société ».

Ainsi que le dit Sénèque : « Ce n’est pas que nous disposions de très peu de temps, c’est plutôt que nous en perdons beaucoup. »

Matthieu Ricard évoque trois temps. Le temps :
  • D’or : c’est celui qui, en dépit d’une inaction apparente, permet de jouir pleinement du moment présent.
  • De plomb : c’est celui qui « pèse sur l’oisif comme un fardeau et accable celui qui ne supporte pas l’attente, le retard, l’ennui, la solitude, la contrariété et parfois même l’existence. »
  • De pacotille : c’est le temps qu’on passe à être ballotté et distrait, à tourner en rond.

Ressentir le temps comme une expérience pénible et insipide, sentir qu’on n’a rien fait au terme de la journée, au terme d’une année puis au terme de la vie, signale à quel point nous demeurons inconscients du potentiel d’épanouissement dont nous sommes porteurs.

Pourtant, au lieu d’examiner sa vie :

On tient pour acquis que l’on n’a pas le choix et qu’il est plus simple de laisser les activités se succéder et se presser comme elles l’ont toujours fait et continueront de le faire.

Pour Matthieu Ricard :

L’ennui est le mal de ceux pour qui le temps n’a plus de valeur. À l’inverse, celui qui perçoit l’inestimable valeur du temps profite de chaque instant de répit dans les activités quotidiennes et les stimulations extérieures pour goûter avec délices la sérénité de l’instant. Il ignore l’ennui, cette sécheresse de l’esprit. Il en va de même de la solitude.

18.2 – Revenir au temps d’or

méditation contemplative temps d'or
Dans cette partie, Matthieu Ricard nous invite à l’introspection contemplative et à nous interroger sur le sens à donner à sa vie :

Pourquoi ne pas nous asseoir au bord d’un lac, dans une clairière, au sommet d’une colline ou dans une chambre tranquille, afin d’examiner ce dont nous sommes faits au plus profond de nous ? Examinons tout d’abord clairement ce qui, pour nous, compte le plus dans la vie, puis établissons des priorités entre ce qui est essentiel et les autres activités qui envahissent notre temps.

Ensuite, pour vivre plus harmonieusement notre rapport au temps, il nous faut, selon l’auteur, cultiver plusieurs qualités :
  • La vigilance : qui permet de veiller au passage du temps, de ne pas le laisser fuir sans même s’en rendre compte.
  • La motivation juste : qui colore le temps et lui donne sa valeur.
  • La diligence : qui permet d’utiliser le temps à bon escient.
  • La liberté intérieure : qui évite que le temps ne soit monopolisé par des émotions perturbatrices.

Chapitre 19 – Captivé par le flot du temps

Matthieu Ricard revient ici sur l’expérience du « flux » étudiée par le psychologue Mihaly Csikszentmihaly. Le « flux » se caractérise par une absorption intense dans un acte, une expérience ou une sensation. Dans les moments de « flux », on ne voit pas passer le temps. Les actions, les mouvements et les pensées s’enchaînent naturellement. On utilise ses capacités au maximum. Le fait d’être immergé dans ce que l’on fait compte plus que le résultat de l’action.

Même si l’expérience du « flux » peut parfois engendrer une accoutumance, voire une dépendance, elle reste, pour Matthieu Ricard, un instrument à cultiver. Néanmoins, pour réellement favoriser une meilleure qualité de vie, celle-ci doit être imprégnée de qualités humaines, comme l’altruisme et la sagesse.

Chapitre 20 – Une sociologie du bonheur

20.1 – Les trois constats principaux des études sur le bonheur

Des multiples travaux réalisés sur le bonheur, Matthieu Ricard dégage trois points majeurs :
  1. Nous avons une prédisposition génétique à être heureux ou malheureux : environ 50 % de la tendance au bonheur peuvent être attribués aux gènes.
  2. Les conditions extérieures et autres facteurs généraux (statut social, éducation, loisirs, richesse, sexe, âge, ethnie, etc.) ont une influence circonstancielle mais n’expliquent que 10 % à 15 % des variations dans la satisfaction de vie.
  3. On peut influencer considérablement l’expérience du bonheur et du malheur par sa manière d’être et de penser, par la façon dont on perçoit les événements de l’existence et dont on agit en conséquence.

20.2 – Les conditions générales du bonheur

De nombreuses recherches montrent notamment que :
  • Plus de gens se disent heureux dans les pays économiquement prospères

Toutefois, dans ces pays, au-delà d’un certain seuil de richesse, même si le revenu continue à augmenter, le niveau de satisfaction cesse de s’accroître.

  • Des « pauvres » peuvent être plus gais et insouciants que beaucoup de « riches stressés »
Pour Matthieu Ricard :

Ceux qui n’ont presque rien seraient sans doute très contents d’avoir davantage, mais tant qu’ils peuvent manger à leur faim et que l’absence de richesse ne les obsède pas, le fait de ne posséder que peu de choses va de pair avec une forme de liberté sans soucis.

  • Le bonheur n’est pas proportionnel aux possessions
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Il en va sans doute autrement lorsqu’on ne dispose pas du minimum vital, mais il s’agit alors d’une question de survie et non du volume des richesses.

20.3 – Le syndrome de la modernité

Selon les statistiques, le sentiment de bonheur est plus élevé chez les personnes qui :
  • Habitent des pays qui offrent sécurité, autonomie, liberté, et suffisamment de facilités en matière d’éducation et d’accès à l’information.
  • Vivent dans un climat de paix, c’est-à-dire dans des pays où les libertés individuelles sont garanties et la démocratie établie (indépendamment des conditions économiques, ceux qui vivent sous un régime militaire sont plus malheureux).
  • Ont une implication sociale et participent à des organisations bénévoles, pratiquent du sport, de la musique, font partie d’un club d’activités.
  • Entretiennent des relations privées de qualité : les gens mariés ou en couple, par exemple, sont presque deux fois plus heureux que les célibataires, les veufs ou les divorcés qui vivent seuls.
  • Exercent un travail rémunéré : à l’exception des femmes au foyer qui ne sont pas plus insatisfaites que les gens ayant une activité professionnelle.
  • Sont dotés d’une bonne condition physique et grande énergie.
On note également que :
  • Le bonheur ne semble pas lié au climat : contrairement aux idées reçues, les gens ne sont globalement pas plus heureux dans les régions ensoleillées que dans les régions pluvieuses.
  • L’âge peut faire accéder à une relative sagesse : les personnes âgées perçoivent leur vie comme un peu moins plaisante que les jeunes, mais éprouvent une satisfaction d’ensemble plus stable et ressentent davantage d’émotions positives.
  • Les loisirs favorisent la satisfaction, les vacances ont un effet positif sur le bien-être, le calme et la santé.
  • Ceux qui regardent beaucoup la télévision sont moins heureux que la moyenne.
Finalement :

Beaucoup des corrélations mentionnées précédemment relient le bonheur moyen au “syndrome de la modernité”. […] Plus le pays est moderne, plus heureux sont ses citoyens […]. Bien que la civilisation comporte sa part de problèmes, elle procure néanmoins davantage de bienfaits.

20.4 – La situation est loin d’être aussi rose qu’elle en a l’air

Matthieu Ricard souligne que malgré la conclusion de ces études, on constate que :
  • La dépression s’est largement accrue dans les pays développés et affecte des individus de plus en plus jeunes.
  • Le taux de suicide a augmenté et est responsable de 2 % des décès annuels dans le monde (ce qui le classe, devant la guerre et les homicides).
Matthieu Ricard apporte un élément de réponse à ces statistiques :

L’excitation et le plaisir occasionnés par la multiplication et l’intensification des stimulations sensorielles, des divertissements bruyants, scintillants, frénétiques et sensuels ne peuvent pas remplacer cette paix intérieure et la joie de vivre qu’elle engendre. […] C’est en cultivant la sérénité pour soi et la bonté envers les autres que l’on pourra respirer cet oxygène qu’est la joie de vivre.

Par ailleurs, l’auteur souligne que, dans la plupart des cas, on ignore si ces corrélations agissent en tant que causes ou en tant que conséquences.

Enfin, même si l’ensemble des conditions de vie extérieures fait que l’on a « tout pour être heureux », on ne l’est pas toujours. Il suffit, en plus, qu’une ou deux conditions viennent à manquer pour que tout s’effondre.

On commence par se demander avec espoir et anxiété si l’on réussira à rassembler les conditions idéales, puis on craint de les perdre, et finalement on souffre quand elles disparaissent. Le sentiment d’insécurité reste donc toujours présent.

Chapitre 21 – Le bonheur au laboratoire

Dans ce chapitre de « Plaidoyer pour le bonheur« , Matthieu Ricard nous fait part des résultats de plusieurs travaux réalisés pour montrer les implications du bonheur dans le fonctionnement du cerveau.

Il nous explique alors que lorsque les gens font état de sentiments, ceux-ci présentent une importante activité cérébrale au niveau du cortex préfrontal gauche ou droit selon les états mentaux. Le rapport de point d’équilibre émotionnel qui en découle est une moyenne autour de laquelle fluctuent nos humeurs quotidiennes.

21.1 – Des découvertes sans précédent

Matthieu Ricard nous détaille ensuite tout le processus d’un programme de recherche qui a eu des résultats étonnants. Celui-ci visait à étudier cinq méditants de la tradition bouddhiste tibétaine qui se sont consacrés pendant une vingtaine d’années au développement de la compassion, de l’altruisme et de la paix intérieure.

Ainsi, Öser, le premier des cinq moines étudiés, a été soumis à plusieurs tests :
  • Une observation de son activité cérébrale

Grâce aux ressources technologiques, on a observé le moine durant la pratique de six états de méditation : la concentration sur un objet d’attention, la présence éveillée, la visualisation, la méditation sur l’amour et la compassion, l’intrépidité, ou force intérieure.

Les données ont alors fait nettement apparaître qu’Öser avait réussit à réguler volontairement son activité cérébrale. Chaque nouvel état et méditation nouvelle effectuée par Öser ont indiqué des différences significatives entre les périodes de repos et les périodes de méditation.

  • Un test de reconnaissance des signes émotionnels

La capacité de reconnaître des expressions fugaces indique une disposition inusuelle à l’empathie et à la perspicacité. Aussi, lors de ce test, on a demandé à Öser d’identifier des signes faciaux (colère, peur, dégoût, surprise, tristesse ou joie) qui ne durent qu’une trentième de seconde. Et Öser a obtenu des résultats très largement supérieurs à ceux des cinq mille sujets préalablement testés.

  • Un test de sursaut

L’intensité du sursaut chez un individu est révélatrice de l’importance des émotions négatives susceptibles d’être ressenties.

Parmi les centaines de sujets testés, aucun n’avait jamais réussi à ne pas sursauter. De précédentes recherches avaient montré que même les tireurs d’élite de la police, qui tirent des coups de feu tous les jours, ne peuvent s’empêcher de sursauter. Or, lorsqu’on a testé Öser, celui-ci a réussi à quasiment faire disparaître son sursaut ! Aucun chercheur n’avait jamais vu cela, c’était une réussite spectaculaire.

Il se trouve qu’aucun des muscles faciaux d’Öser n’a frémi lorsqu’il était en présence éveillée mais ses paramètres physiologiques (pouls, sudation, pression artérielle) ont suivi l’accroissement qui accompagne habituellement le sursaut. Cela signifie que le corps d’Öser a réagi, enregistré les effets de la détonation, mais que son esprit était détaché, que le son n’a eu sur lui aucun impact émotionnel.

21.2 – Que faire de tout cela ?

Ces recherches démontrent l’influence de l’entraînement mental (un processus à la portée de toute personne montrant suffisamment de détermination) sur le développement d’émotions constructives.

Combien de temps est-il nécessaire de pratiquer pour obtenir des résultats ? Matthieu Ricard répond : tel un musicien, « plus grand est le nombre d’heures de pratique, plus importante est la transformation. »

La méditation peut induire […] de profondes transformations du cerveau. Du point de vue des sciences cognitives, on pourrait décrire la méditation comme un effort systématique de focalisation de l’attention et des facultés mentales et émotionnelles qui l’accompagnent.

Chapitre 22 – L’éthique, science du bonheur ?

22.1 – Les facteurs éthiques déterminants

Dans le bouddhisme, le but de l’éthique est de se libérer de la souffrance et d’aider les autres à s’en libérer. Pour cela, nos actes doivent donc contribuer à notre bonheur, mais en même temps, ne pas causer de tort aux autres.

Ainsi, au lieu de définir le Bien et le Mal dans l’absolu, il s’agit de prendre conscience du bonheur et de la souffrance que l’on engendre, en actes, en paroles et en pensées.

Et pour cela, deux facteurs sont déterminants :
  • La motivation de nos actes 
La forme que prend une action n’est qu’une façade :

Si une mère pousse brutalement son enfant de l’autre côté de la rue pour l’empêcher d’être écrasé par une voiture, son acte n’est violent qu’en apparence : elle lui a épargné la mort. En revanche, si quelqu’un vous aborde avec un grand sourire et vous couvre de compliments à la seule fin de vous escroquer, sa conduite n’est non-violente qu’en apparence, car son intention est en vérité malfaisante.

  • Le résultat de nos actes

Matthieu Ricard questionne ici le lecteur sur plusieurs cas de morale qui impliquent un positionnement éthique extrêmement difficile. Ces situations interrogent quant aux critères à considérer pour déterminer ce qui est le bonheur et ce qui est souffrance pour autrui. À travers une réflexion approfondie, Matthieu Ricard apporte plusieurs éléments de réponses.

L’idée principale est la suivante :

Lorsque la souffrance engendrée par le non-agir est plus grande que celle causée par l’action, cette dernière doit être accomplie.

Par ailleurs, pour l’auteur bouddhiste, ce sont la sagesse et le sentiment de responsabilité universelle qui aident à distinguer les pensées et les actes qui contribuent au bonheur de ceux qui le détruisent. Et la sagesse relève de l’expérience (non de dogmes). Cela n’exclut pas les règles de conduite et les lois, mais la sagesse altruiste reste nécessaire car c’est elle qui permet de reconnaître l’exception.

22.2 – Le bouddhisme et les grands courants de l’éthique

bouddhisme les grands courants
D’une manière générale, dans l’histoire de l’éthique, on peut distinguer deux aspects :
  • Les lois divines

Elles concernent les religions monothéistes. Dans tous les cas de figure, aux yeux du croyant, les volontés divines sont mystérieuses, les commandements ne se discutent pas et il doit s’y conformer.

  • Les grands principes philosophiques
Très divergents, ces principes dégagent toutefois deux orientations principales :
  • L’éthique qui repose sur de grands principes abstraits : l’auteur développe ici le Bien en soi de Platon et le sens du Devoir de Kant.
  • L’éthique pragmatique fondée sur l’expérience vécue : c’est l’approche même du bouddhisme qui conçoit la notion d’un Bien absolu comme une construction mentale.

Dans cette partie, Matthieu Ricard évoque également longuement l’éthique utilitariste qui s’appuie sur une approche du bonheur fondée sur le plaisir, critère ultime pour juger du bien-fondé de nos actes. L’éthique utilitarisme se traduit donc par un rapport plaisir-déplaisir censé définir notre degré de bonheur.

Enfin, l’auteur livre une réflexion au sujet d’un exercice que le Dalaï-lama a soumis, un jour, à des hommes de loi :

« Deux hommes ont commis le même délit et sont passibles de quinze ans de prison. L’un est seul dans l’existence, l’autre a quatre enfants à sa charge et la mère n’est plus là. Allez-vous tenir compte du fait que, dans un cas, quatre enfants vont être privés de leur père pendant quinze ans ? »

L’auteur conclut cette partie en questionnant sur les répercussions de nos décisions et en soulignant que l’éthique bouddhiste du bonheur refuse les modèles figés.

Chapitre 23 – Le bonheur en présence de la mort

« Souviens-toi qu’il existe deux types de fous : ceux qui ne savent pas qu’ils vont mourir, ceux qui oublient qu’ils sont en vie. »

Patrick Declerk

La manière dont on envisage la mort influence considérablement la qualité de la vie.

Dans l’Occident contemporain, les gens ont tendance à détourner le regard devant la mort. Celle-ci est « dissimulée, escamotée, aseptisée ». Pour Matthieu Ricard, il n’est pas question de vivre dans la hantise de la mort, mais il est essentiel de rester conscient de la fragilité de l’existence de sorte à donner toute sa valeur au temps qui nous reste à vivre.

Par ailleurs, Matthieu Ricard conseille de ne pas attendre son dernier souffle pour se préparer à sa mort : il sera bien mieux d’adopter, à ce moment-là, une attitude sereine, altruiste, sans attachement.

Le sage, quant à lui, jouit d’une liberté toute particulière : prêt à mourir, il apprécie à chaque instant la richesse de la vie. Il vit chaque journée comme si c’était la seule. Cette journée devient naturellement la plus précieuse de son existence. Quand il allume son feu, il se demande : « Allumerai-je encore ce feu demain matin ? » Il sait qu’il n’a pas de temps à perdre, que le temps est précieux et qu’il serait vain de le gaspiller en niaiseries. Lorsque vient vraiment le jour de la mort, il meurt serein, sans tristesse ni regret, sans garder d’attachement pour ce qui demeure derrière lui.

Chapitre 24 – Un chemin

24.1 – Entendre, réfléchir, méditer

Chacun se met en marche sur le chemin spirituel à partir du point où il se trouve, avec une nature, des dispositions personnelles, une architecture intellectuelle, des croyances différentes… Et chacun peut trouver une méthode qui lui soit adaptée.

Comme tout apprentissage, la pratique d’une voie spirituelle comporte plusieurs étapes. Il faut :
  1. Recevoir un enseignement et l’assimiler.
  2. Réfléchir profondément à son sens et intégrer ce que l’on a compris jusqu’à parvenir à une nouvelle perception de la réalité et de la nature de l’esprit. À partir de là, on ne parle plus de théories, mais de transformation de soi.
  3. Faire éclore de nouvelles qualités positives jusqu’à ce qu’elles fassent partie intégrante de notre être, et cela, grâce à la méditation.

Il y a diverses façons de méditer : toutes ont en commun d’opérer en nous un long processus de transformation. Bien plus que de brio intellectuel, la méditation a besoin de détermination, d’humilité, de sincérité et de patience. Elle doit être suivie de l’action, c’est-à-dire de sa mise en application dans la vie de tous les jours.

24.2 – Se retirer dans la solitude

Pour favoriser l’épanouissement d’une méditation et d’une transformation de soi, il est parfois nécessaire de se plonger dans un profond recueillement qui se trouve plus aisément dans la solitude tranquille d’un lieu retiré.

Ainsi, prendre quelque distance vis-à-vis de l’agitation du monde permet de voir les choses selon une perspective nouvelle, plus vaste et plus sereine. Cela aide à mieux comprendre la dynamique du bonheur et de la souffrance. En trouvant soi-même la paix intérieure, on devient capable de la partager avec autrui.

24.3 – Dernière déposition d’un témoin de la défense

Voici les mots de conclusion de l’auteur :

Je peux affirmer sans ostentation que je suis un homme heureux. […] Le bonheur que je ressens maintenant à chaque instant de l’existence […] s’est construit avec le temps dans des conditions favorables à la compréhension des causes du bonheur et de la souffrance. Dans mon cas, la rencontre avec des êtres à la fois sages et bienheureux a été déterminante, car la force de l’exemple parle plus que tout autre discours. Elle me montrait […] que l’on peut devenir libre et heureux de façon durable pourvu qu’on sache s’y prendre.

Conclusion de « Plaidoyer pour le bonheur » de Matthieu Ricard

Ce qu’il faut retenir !

Dans son « Plaidoyer pour le bonheur« , Matthieu Ricard nous transmet deux idées majeures :
  1. Le bonheur authentique et durable se trouve à l’intérieur de nous ; c’est une liberté intérieure qu’il faut bien distinguer du plaisir. Nous pourrons le trouver qu’à la condition de s’engager dans une introspection intérieure et une transformation profonde. Il dépend de nous seuls.
  2. C’est à travers une approche plus altruiste du monde et en devenant moins égocentrique que nous trouverons le bonheur. Celui-ci se construit, jour après jour, avec les autres.

Il ne tient donc plus qu’à nous de changer de regard sur la vie pour être plus heureux !

La réflexion philosophique d’un grand maître spirituel

« Plaidoyer pour le bonheur » est un livre qui propose une réflexion philosophique passionnante sur un sujet dense et profond. La lecture se fait alors lentement et minutieusement. Le style de l’auteur est plutôt fluide mais les propos ne sont pas légers. Par conséquent, certaines parties sont plus difficiles à lire que d’autres.

La dimension parfois spirituelle est intéressante. Certains concepts, largement inspirés de la philosophie bouddhiste tibétaine, peuvent dérouter les moins initiés. Néanmoins, peut-être parce qu’il possède une double culture occidentale et orientale, Matthieu Ricard parvient à rendre accessible ce contenu qui pourrait, de prime abord, décourager ! Les étayages scientifiques (biologie, psychologie, sociologie, etc.), anecdotes, métaphores et citations apportent du rythme et du concret aux passages plus théoriques.

Points forts et points faibles du livre

Points forts de Plaidoyer pour le bonheur :
  • Un enseignement spirituel riche pour le lecteur qui souhaite s’engager dans une démarche de transformation personnelle avec de nouvelles clés de compréhension.
  • Une réflexion philosophique qui ouvre sur des concepts plein de sagesse et d’optimisme.
  • Les anecdotes et travaux scientifiques qui viennent illustrer les propos de l’auteur et apportent du pragmatisme au contenu théorique.
Points faibles de Plaidoyer pour le bonheur :
  • Des parties plus difficiles à lire qui demandent de se plonger attentivement dans la réflexion.
  • Ce n’est pas un point faible mais une remarque : sur un sujet aussi individuel et personnel, tout est question de points de vue ; certains lecteurs pourraient donc ne pas adhérer à la philosophie de l’auteur.

Ma note :

Le petit guide pratique du livre Plaidoyer pour le bonheur de Matthieu Ricard

Les deux trésors que donne Matthieu Ricard dans son livre Plaidoyer pour le bonheur

1. Une réflexion philosophique passionnante sur le bonheur authentique

2. Les moyens pour atteindre le bonheur

Foire Aux Questions (FAQ) du livre Plaidoyer pour le bonheur de Matthieu Ricard

1. Comment le public a accueilli le livre Plaidoyer pour le bonheur de Matthieu Ricard ?

Le livre Plaidoyer pour le bonheur a été un best-seller et a généré plus de 93 % d’avis positifs sur Google et sur Amazon.

2. Quel fut l’impact du livre Plaidoyer pour le bonheur de Matthieu Ricard ?

Ce livre a permis aux lecteurs de voir le monde sous un tout autre angle. Grâce à ce livre ils ont compris que le bonheur ne se résume pas aux choses matérielles ou aux réalisations professionnelles. Le bonheur c’est être en mesure de ressentir la paix et l’harmonie présentes dans toute chose.

3. À qui s’adresse le livre Plaidoyer pour le bonheur de Matthieu Ricard ?

Plaidoyer pour le bonheur est un livre destiné au grand public.

4. Quels sont les 3 types de souffrances ?

1. Visible

2. Cachée

3. Invisible

5. Il existe essentiellement combien de poisons mentaux perturbateurs ? Lesquels ?

Quels que soient le degré et le contexte dans lesquels ils surviennent, il existe cinq poisons mentaux perturbateurs :

1. Le désir

2. La haine

3. La confusion

4. L’orgueil

5. La jalousie

Le plaisir Vs Le bonheur (soukha)

Le plaisirLe bonheur (soukha)
Est causé par des stimuli agréables d’ordre sensoriel, esthétique ou intellectuel.Naît de l’intérieur et s’il peut être influencé par les circonstances, il n’y est pas soumis.
Dépend des circonstances, des lieux et de moments privilégiés.Perdure et croît à mesure qu’on l’éprouve : il engendre un sentiment de plénitude qui, avec le temps, devient un trait fondamental de notre tempérament.
Conduit souvent, si répété, à son affadissement, voire au dégoût.N’est pas lié à l’action, c’est un « état d’être », un profond équilibre émotionnel.
Est une expérience évanescente, individuelle, essentiellement centrée sur soi.Est ressenti durablement (alors que les plaisirs ordinaires se produisent au contact d’objets agréables et prennent fin dès que cesse le contact).
Peut se conjuguer avec la méchanceté, la violence, l’orgueil, l’avidité et d’autres états mentaux incompatibles avec un bonheur véritable.Se compose naturellement d’altruisme, qui rayonne vers l’extérieur au lieu d’être centré sur soi.

Qui est Matthieu Ricard ?

Matthieu Ricard : Auteur du livre Plaidoyer pour le bonheur.

Mathieu Ricard, moine bouddhiste, photographe et écrivain, est né le 15 février 1946. Né le 15 février 1946 à Aix-les-Bains. Dans ses livres, Mathieu Ricard prône l’entraide, la recherche du bonheur et l’altruisme plutôt que l’individualisme. Ses livres sont basés sur ses réflexions sur sa vie avec les moines tibétains, notamment en Inde, au Népal et au Bhoutan.

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